Car il n'y a pas une idée des choses,
mais dix mille et dans le présent, je change et j'avance.
Antonin Artaud
Cette citation parmi d'autres, placées en fin de recueil par Jacques Roman, est méditation parmi d'autres que ces citations inspirent. Il en a vraisemblablement tiré le titre - il faudrait peut-être dire qu'il l'a étirée pour se le donner.
Il avait d'autres titres sous la plume, mais il les a écartés. Et, même si certains étaient de bon aloi, ils étaient, pour la plupart, peut-être trop révélateurs du thème qui est celui de l'ouvrage, et n'en entretenaient pas le mystère.
Bien que le thème du recueil soit la solitude, qui, choisie ou subie, est une source obscure, il ne doit rien à la solitude déferlante, envahissante, née de la pandémie Covid-19 et du confinement qui s'ensuivit dès le 14 mars 2020.
Il est en effet le fruit de la réflexion du poète de janvier 2019 à août de cette année-là. Et ce n'est certainement pas fortuit qu'il l'ait dédié à l'être disparu, Michèle, une solitaire tout comme lui, et une complice pendant quarante ans.
Si le deuil est l'occasion de penser la solitude, pourtant il ne sied pas à l'aventure: La solitude est ce que nous possédons et nous possède, non pour le pire et le meilleur, mais pour la vérité d'être de là et d'ailleurs, sans frontières.
Il écrit erratiquement, mais non pas sans boussole, sur la solitude, et il précise d'emblée que l'écriture n'est pas la servante de la solitude: Elle est humaine, peuplée, la traversent foule de vivants et foule de morts, ombres, traces.
Aussi, pris par une agitation stérile - est-ce bien le bon adjectif? -, revisite-t-il des souvenirs, qui lui permettent de l'apprivoiser, d'apprendre d'elle, de la percevoir chez les autres: Et l'écrivant, je la sonde, la médite, la travaille.
Alors le lecteur devrait accepter de traverser avec lui la solitude, d'en jouer ensemble comme à la balle, de voir dans son écriture, adressée aux dieux disparus, l'ultime prière de qui a oublié toutes les prières, et leur impuissance...
Francis Richard
Je change et j'avance sous le marteau du temps, 72 pages, Éditions de l'Aire
Livres précédents:
L'apostrophe, Samizdat (2017)
La même nuit, le même meurtre, Éditions d'En Bas (2019)
Qui instruira le livre du calme (journal d'un émeutier), Éditions de l'Aire (2020)