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Ce monde d'après où l'économie dysfonctionne...

Publié le 10 décembre 2021 par Raphael57
Ce monde d'après où l'économie dysfonctionne...

Mon dernier billet sur les inégalités de patrimoine immobilier rappelle que le monde de demain ne semble guère différent de celui d'hier... à moins qu'il n'en soit le reflet en pire ! La crise de la covid-19 aura au fond servi à jeter une lumière crue sur les dysfonctionnements qui existaient déjà avant la pandémie, mais que le politique arrivait encore à cacher. À mon sens, c'est l'aboutissement d'un projet néolibéral, très bien décrit par des penseurs hétérodoxes comme Cornelius Castoriadis.

La seule différence est que ce néolibéralisme s'habille désormais des couleurs du keynésianisme de l'offre (sic !), mais le projet reste le même comme l'ont très bien montré les contributions contenues dans l'ouvrage dirigé par Antony Burlaud, Allan Popelard et Grégory Rzepski. Je vous propose par conséquent de rappeler quelques éléments sur le néolibéralisme et la situation actuelle, que j'ai déjà présentés dans d'autres billets..

Le modèle néolibéral en pratique

D'emblée, il faut dire que les politiques économiques mises en œuvre avant et après le confinement ont quasiment toutes pour objectif la croissance, même si en France l'on y ajoute ostensiblement un volet écologique tout en le contredisant ouvertement... Toujours est-il que celle-ci ne semble pas vouloir revenir depuis des années, au point qu'il a fallu admettre que c'est même la croissance potentielle (croissance réalisant le niveau maximal de production sans accélération de l'inflation, compte tenu des capacités de production et de la main-d’œuvre disponibles) qui a reflué depuis le passage au néolibéralisme au début des années 1980.

Or, dans un monde qui a construit sa relative prospérité et les institutions afférentes sur la seule croissance, la baisse de celle-ci ne peut que conduire à des problèmes économiques et sociaux graves. Au lieu de chercher à sauver un système économique qui prend l'eau de toutes parts, il eût été judicieux d'imaginer "un autre monde pour nos enfants", expression que l'on entendu ad nauseam chez quasiment les dirigeants politiques en mal de sensationnalisme. Hélas, les intérêts personnels sont encore très puissants.

Quant aux crises, qui restent un impensé majeur du modèle dominant dans la mesure où celles-ci sont vues comme exogènes au système, leur fréquence a indubitablement augmenté sur la période 1980-2020. À tel point que la jeune génération comme on dit à présent dans les médias, aura connu deux crises majeures espacées de seulement une poignée d'années (crise des subprimes et crise de la zone euro) et maintenant une crise sanitaire ! Et à chaque crise, les pays perdent un peu plus de capital productif et humain...

Le vrai changement

Pour changer de système socio-économique, encore faut-il s'entendre sur les principaux changements à opérer. Sans prétendre à l'exhaustivité, je considère qu'il faudrait prioritairement s'atteler à :

 * repenser le système monétaire, qui par son fonctionnement actuel ne permet plus de financer des projets essentiels, mais enrichit une minorité ;

 * réduire les inégalités les plus criantes ;

 * lutter efficacement contre la pauvreté ;

 * faire en sorte que le partage des revenus devienne plus favorable aux salariés et redonner un véritable pouvoir de négociation aux travailleurs (pas toujours salariés du reste...) ;

 * redonner du sens au travail et adapter l'activité aux enjeux de l'époque (transition énergétique, écologie, etc.)

 * réduire la financiarisation de l'économie, qui n'est que la forme parasitaire de la finance, en ce qu’elle met l’ensemble des activités productives sous la coupe des puissances financières, avec la complicité active ou résignée du politique.

 * faire en sorte que les chaînes de valeur soient plus régionales et subséquemment relocaliser la production, d'autant que Zygmunt Bauman nous a alertés sur le coût humain de la mondialisation ;

 * remettre à plat la fiscalité pour la rendre plus claire, plus juste et plus efficace.

Bref, il y a matière à réflexion comme je le répète à l'envi à mes étudiants, d'autant que le monde économique semble se diriger vers le pire... Hélas, alors même que la dynamique sociale reste explosive et que nombre de salariés désertent pour de bon les secteurs jugés incompatibles avec leurs aspirations nouvelles issues des confinements, les gouvernements ne semblent pas pressés de changer le modèle socioéconomique. D'autant que nombre de personnes ne semblent même plus croire à un changement qui viendrait de la politique...

Il est vrai que dans de trop nombreux pays, les gouvernements s'accrochent à un néolibéralisme à la Walter Lippmann, c'est-à-dire à la chimère d'un monde gouverné par des experts, seuls capables de comprendre les règles économiques universelles immuables, qui rendent de facto inutiles la confrontation de projets de sociétés différents, et subséquemment les débats contradictoires dans le cadre de l'agon, bien qu'ils soient depuis plus de deux millénaires l'essence même de la démocratie. Triste constat à quelques mois d'une élection majeure en France, qui n'augure rien de bon...

P.S. L'image de ce billet provient de cet article de The Conversation.


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