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Carte postale 7 /... ?

Publié le 15 décembre 2021 par Alexcessif
Carte postale 7 /... ?

Les recherches ont cessé: l'AF 430 à destination de San Pedro est déclaré disparu corps et bien. Depuis que je pédalais à vide il me fallait bien faire mon deuil alors je mélangeais l'actualité avec l'histoire. Cela additionnait l'impossible avec le probable et vice & versa

Malgré pas mal d'indices concordants je n'avais pas réussi à tirer des conclusions définitives.

Je resterai jusqu'à plus ample informé dans l'ignorance de ce qu'il y avait d'émouvant lorsque je t'ai effleurée à La Bastide Puy Laurent et de répulsif dans une station de métro de la ligne 6. Ces bisbilles semblent dérisoires désormais. Dans cette quête de l'explication du grand secret il me manquait la version de la religion.

Rien à voir avec le chamane de 2015, le lendemain je rencontrai une croyante convaincue et je sus !

Juin 2020 entre Ardèche et Lozère

A 19 heures, le village du Luc, point de départ de mon reset entre deux confinements contenait toute la solitude d'un tableau de Hopper. Restos fermés et la route à moto m'a tué, c'est sûr j'allais retrouver ma taille de jeune fille. La solitude s'accompagne assez bien de la lenteur. Marcheur et solitaire - les gens sont si décevants pour celui qui en attend beaucoup - c'est l'occasion de faire un peu de rangement dans une tête où il manque une case, celle des archives. Trois heures de marche plus tard, j'ai bien vu l'âtre, le gite et les commensaux autour de la table d'hôte au sortir d' un hameau. Même pas mal, j'ai poursuivi solitaire et affamé ma route persuadé que plus loin, c'était mieux !

Les groupes, les dortoirs très peu pour moi. J'aime les gens comme un acteur aime le public.

Quand il applaudit !

J'étais un tragédien privé de scène par le trac de faire rire avec l'intention de faire pleurer bloqué en coulisse.

Il était temps de passer à l'horizontale avec une boite de sardine dans le bide, le corps recroquevillé dans un duvet de 200 grammes.

La solitude peut compter sur la faim, le froid et l'humidité pour accroître la sensation de n'être pas à sa place dans cette partie de l'univers.

Rêves lourdingues, sommeil léger, j'entendis des bruissements de feuilles, puis un vacarme de cailloux.

Un maraudeur ?

La bête du Gévaudan ?

Je l'ai entendu dévaler et j'ai cru à un éboulement. Pas le temps de remplacer la peur d'être enseveli par celle d'être dévoré.

L'animal grogne et renifle du groin. Pour lui je suis un tas humide qui sent la luzerne. Le fragile tissu de mon duvet détrempé nous sépare. C'est étrange le mental quand on n'en a plus rien à foutre de rien. Cela donne du sang froid en révisant les cours de SVT de mon collégien de fils.

C'est sûrement un sanglier !

L'animal est végétarien, je ne suis pas un gland ( ?!), je n'ai aucune provision, mes déchets, qui sentent la sardine, sont enterré loin de là.

Je m'attends à être soulevé par ses défenses et projeté au loin. Je n'ai pas vraiment peur, je savais que "ça" pouvait être dangereux. Je suis juste en apnée. Un escargot a eu le temps de traverser la prairie entre deux pulsations de mon palpitant. Puis la bête est partie en tortillant du croupion. Je n'ai pas d'explication, je suis nul en logique de sanglier. Je suis inodore. Je ne suis qu'un talus. Je n'existe même pas dans la libido d'une laie. Merci qui ?

Carte postale 7 /... ?
Croyances

Après cette nuit glacée de mauvais sommeil, de fantasme, de danger et de chance, j'étais dans de bonnes dispositions envers la religion.

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J'allai sur ce GR avec la crédulité d'un catho allant à Lourdes. Au pied de la Mourade 3, au niveau de la gare de La Bastide Puy Laurent, Isabelle attendait son train. A la sortie de la ville ce raidillon n'est qu'une bosse en termes de dénivelé mais un Everest sur l'échelle de mes émotions. Mourade 1 et son clash avec Faustine en 2015, il y a un an c'est sur toi que je trébuchais à Mourade saison 2.

Isabelle était radio-active ! Son visage irradiait de joie contagieuse. Les émanants

Nous décidâmes d'attendre ensemble, enfin, disons que je décidai de partager son attente. Il s'agissait pour ma part d'élucider le mystère de ce bonheur irradiant d'authenticité et pour elle de le partager.

Nous avions la même religion avec un dosage de mysticisme inégal. Un taux maxi pour elle, proche de zéro pour moi. Son sourire et trois heures suffiraient ils à me convertir ?

Isabelle portait un signe discret de la religion en vigueur dans la région qui m'avait permis d'engager la conversation.

- Luthérien ou Calviniste ? Me questionna-t-elle

Damned, à peine découvert et déjà démasqué ! A part en Garonne et chez les socialistes, j'ignorais qu'il y avait des courants aussi chez les protestants.

Je ne portais plus ma croix huguenote depuis belle luronne et je manquais de pratique mais j'avais de la sympathie pour les parpaillots.

Elle ne remontait pas jusqu'aux persécutions mais tenait à quelques enseignements sympatoches du pasteur Pierre B. du coté de l'Aigoual, Saint André de Valborgne, Saint Jean du Gard, les Cévennes milieu XXème siècle.

Je racontais le semblant d'éducation que je devais à ces gens, ma joie de voir ces familles nombreuses moins guindées que les cathos Versaillais mais j'avouais manquer de ferveur pour tout ce qui était bondieuseries.

Elle me fit remarquer qu'il y avait derrière mon ironie et la distance que j'avais prise avec la religion, l'amertume d'un enfant déçu.

Encore une fois, je n'avais su tenir ma langue et elle pouvait lire en moi cette envie d'être défriché proche du désespoir.

Elle me raconta sa rencontre avec le big boss.

Dieu était venu la chercher au pays des morts lors de son suicide. Je penchais plutôt pour un dosage insuffisant de médocs et une intubation en bonne et dûe forme exécutée par un interne de garde, pourtant je gardais cette opinion pour moi. Je rajoutais même ma pierre à ce monticule.

Je lui racontais la nuit où tu m'as évité l'asphyxie par le gaz.

Dans la vraie vie, je rêvais de toi quand l'odeur du gaz m'a tiré de mon sommeil. Rien d'extraordinaire : ce rêve était fréquent et si le butane avait été inodore j'y passais, mais pour Isabelle c'est à l'intervention divine dont j'étais redevable et tu n'étais que son interprète. Pour ma part, je tenais la comptabilité mystérieuse de mes coups de bol.

Le ravin de Luz Ardiden, le sanglier de cette nuit, la fuite de gaz à Chartres, les femmes qui m'avaient sauvé la vie et celles dont je fus la punition, j'avais contracté une dette affective et je cherchais partout celle dont j'étais le débiteur.

Pourquoi pas Dieu en personne puisque Isabelle l'affirmait: "Dieu a un projet pour toi !" ?

A l'évidence une partie de moi refusait de t'oublier, chère Justine.

Ghyslain Wattrelos, auteur de "MH 370 une vie détournée" sur la disparition de sa famille passagère de l'avion de la Malaysian Air Lines, homme rationnel s'il en est, cadre d'une entreprise du CAC 40, envoie, depuis sa vie reconstruite, des SMS sur un numéro qui ne répondra jamais. Sans signe de vie ou preuve de mort les cercueils restent vides et le manque inquantifiable. Les amputés ne croient pas intégralement à la disparition d'une partie d'eux-mêmes qui leur est chère, ils gardent le souvenir et la sensation du membre fantôme, excepté peut-être, Louis XVI, célèbre amputé de la tête. Il me restait à cultiver la pensée que tu étais heureuse dans l'autre monde. Un monde où je n'avais pas ma place.

Je me souvins que ta vie ne manquait pas de relief où je t' avais fait du plat avec modération

J'ai longtemps pris pour de l'immaturité cette réticence à tourner la page.

Pour une lâcheté de ne pas affronter la suite.

Pour une indécence de te remplacer parfois puisque la sève coulait encore dans cette branche qui n'était pas de bois, alors que tant d'autres me laissait de marbre, pendant que tu étais probablement écartelée par un homme digne de toi.

Isabelle aussi avait rencontré Dieu ! Il lui avait fait cinq enfants avant qu'elle n'atteigne la quarantaine.

Grâce à Isabelle, il me semblait évident que je devais garder ton passage sacré en mémoire afin de rendre une suite possible et différente puisque je n'avais plus rien de communavec l'étranger qui fut cet autre Moi qui bougeait tout le temps, pied au plancher au moindre doute, terrorisé par l'immobilité de la certitude. Pourtant il faut bien vieillir un jour et l'on s'épuise à résister au temps. Affaire de maturité sans doute. Immature ! Le mot est lâché. Sans doute le suis-je probablement pourtant, quand je me pose, j'y vois plus de paresse que de sagesse. Serait-ce un leurre ? Entre l'énergie nécessaire à la résistance et celle utile à l'acceptation de sa propre condition humaine, la question elle " n'est pas répondue " comme dit l'autre. Une évidence s'impose ! S'il reste de l'énergie autant la consacrer à la quête passionnante du Moi dans le peut-être plutôt qu'à la recherche ennuyeuse d'une télécommande entre deux coussins. L'étoile que j'ai frôlée a verrouillé tous les accès . Comme Cervantès, Don Quijote de la Mancha ou Brel poursuivre la quête sans trêve ni repos "Tenter, sans force et sans armure [...] Peu importent mes chances, peu m'importe le temps" marcher dans tes pas, sans vivre dans ton ombre.

Sinon, ce serait franchir un précipice sans élan.

Il était midi. Isabelle devait être dans son train quand je me décidai pour la grimpette.

Au sommet, je m'aperçus qu'il faisait 35 degrés, que je n'avais pas déjeuné et "oublié" de faire le plein de ma gourde.

Mon cerveau disjonctait ! Je décidai de rejoindre le prochain village en prenant un raccourci derrière les éoliennes alors qu'il suffisait de faire demi-tour.

Isabelle et ses croyances avait raison et elle ne saura jamais jusqu'à quel point !

Notre conversation avant l'épreuve de la Mourade était un prétexte. La montée en courant sous le cagnard sans eau, un exorcisme bâclé. Ma sauvegarde, un prodige!

Cette croyance en le sus nommée ci-devant "Tout-puissant", créateur du monde en sept jours ", désigné par la fameuse punch-line "...Que la lumière soit ! Et la lumière fut !" s'occupait personnellement de chacun de nous et surtout de Ma Majesté Moi.

C'était évident

C'était le temps où je n'avais plus de douleurs au réveil. Chaque journée m'enthousiasmait. Le présent de l'indicatif était la seule conjugaison miscible avec le temps.

Qu'avais-je fais de cette " étroite et toute petite bande de pourquoi pas au milieu de l'abîme des pas sans pourquoi.

Je n'ai que ça à t'offrir, ce tout petit pourquoi pas, fragile et précieux. Mais je te l'offre de tout mon cœur." ? A peine sorti de la sienne je la vis entrer dans la bouche du métro Duroc. Je redescendais sur terre dans la douceur de l'après et déjà l'acide du doute corrodait mon cœur. Diagnostic d'émerveillement ou de déception ?

Allait-elle me rappeler ?

Je décevais souvent!

Et celui de me décevoir.

Je n'étais plus un enfant insouciant. Un jour les choses ne fonctionnent plus : Si vous changez, vous pouvez toujours gagner. la magie est partie et il est difficile de l'accepter . Mais je devais le faire. Je ne pouvais plus être l'autre, je me devais de changer je ne pouvais plus faire les choses comme jele faisais auparavant

Le cerveau est un écran de cinéma. Chacun y projette un fantasme dont il est le seul spectateur. Parfois, je fonctionne dans le casting, si le scénar me convient. Je me donne le moyen de quitter la scène quand je veux et c'est souvent dans l'impro que je suis bon. Et, surtout, je n'aime pas les usurpateurs. Par crainte de la concurrence, sans doute.

A trop y croire, on passe les bornes et le principe de réalité reprend le dessus.


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