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Ciel, ma maison!, de Madeleine Knecht-Zimmermann

Publié le 16 décembre 2021 par Francisrichard @francisrichard
Ciel, ma maison!, de Madeleine Knecht-Zimmermann

Un matin, au début du mois d'octobre, je me souviens qu'il faisait très beau, nous avons été réveillés par le cliquetis des échafaudages et les cris des ouvriers. Des bruits de planches jetées les unes sur les autres, des grincements de vis, de crochets, des flottements de toiles nous ont tirés du sommeil.

Sans crier gare, cet immeuble de douze étages, dans le sud de Lausanne, vraisemblablement à Ouchy, bâti dans les années 1960, est l'objet de travaux de restauration, de gros travaux.

Les locataires n'ont pas été prévenus. Ils ne se doutent pas que ces travaux vont durer des mois, de longs mois, et qu'ils vont devoir vivre dans le vacarme, la saleté, les coupures de courant.

N'ont été résiliés que les baux des bureaux, des commerces, des cabinets: nous, familles, personnes seules, couples [dont la narratrice et son compagnon], nous pourrions rester chez nous.

L'épigraphe, tirée de Terre des hommes, d'Antoine de Saint-Exupéry, éclaire le propos de l'auteure, qui raconte heurs et malheurs d'habitants survivant au milieu des travaux de l'immeuble:

On chemine longtemps côte à côte, enfermé dans son propre silence, ou bien on échange des mots qui ne transportent rien. Mais voilà l'heure du danger. Alors, on s'épaule l'un l'autre. On découvre qu'on appartient à la même communauté.

Ici, il ne s'agit pas à proprement parler de danger encouru, encore qu'un chantier qui dure aussi longtemps et où on démolit beaucoup pour reconstruire sans âme, n'en soit pas exempt.

Non, il s'agit d'une épreuve interminable et usante qui finit par rapprocher les rescapés qui la subissent et qui, auparavant, s'adressaient à peine la parole, confits dans l'anonymat urbain.

Mais le traumatisme d'un tel chantier n'affecte pas seulement les habitants. Ceux qui y travaillent - et qui viennent souvent de très loin - ne sont pas épargnés par l'ampleur du chamboulement.

Le lecteur, informé dans le détail de l'évolution des travaux et des misères faites aux habitants, involontairement, par les ouvriers, qui ne sont pas à meilleure enseigne, compatit avec tous.

À la fin l'immeuble froid, aux murs blanchis à la chaux, est méconnaissable. Les habitants y ont perdu leurs repères. Et la narratrice de Madeleine Knecht-Zimmermann peut s'exclamer:

Ciel, ma maison!

Est-ce préfiguration du monde d'après où l'on impose un mode de vie sans l'accord des intéressés? Ce chantier s'est terminé le mois où tout le pays [...] se mettait en hibernation à cause d'un virus...

Francis Richard

Ciel, ma maison!, Madeleine Knecht-Zimmermann, 212 pages, Éditions de l'Aire

Livres précédents:

Olga (2014)

Cathala, l'auberge de ma mère (2016)


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