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Carte postale 8 / 10

Publié le 18 décembre 2021 par Alexcessif

Résumé 

 ... C’est sans doute cette sensation qu’il me fallait ne pas oublier en l’oubliant, elle. Il m'arrive de songer qu'il existe chez ceux qui ont partagé cette intimité sacrée et biblique une connexion spirituelle et, si  je ne doute pas qu'elle m'ait précédé dans cette démarche nécessaire de l'oubli, elle serait heureuse et soulagée ( c'est pesant un fan club) que j'en fis de même. Une théorie, rien de plus. Si ça se trouve, elle a déjà franchi la ligne d'arrivée de l'indifférence... 

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Un jour qui ressemblait à un matin je regardais mes mains entre caféine et clavier. Elles ne tremblaient plus. La tremblote est utile pour jouer au flipper ( je vous parle d'un temps) mais on renverse des trucs. Content de t’avoir connu Juju, Gégé ! Le passé aide à comprendre le présent mais je ne pipe toujours rien à l’un comme à l’autre. Ce retour sur le chemin à l’endroit ou tout avait commencé était une façon d’être ensemble. La boucle est bouclée. Il est temps de passer la seconde. De retour à Paris une autre quête commençait. Celle qui allait de la science à la croyance. La question de ma réalité dans cet appartement où quelqu’un attendait derrière la porte. Je me doutais bien que cette réalité passait par la sorcellerie. Si je ne voulais plus de ce fantôme de chatte qui écrivait et jouait mieux que moi il suffisait d'éteindre l'ordi et de fermer le clavier du piano avant la tombée de la nuit. Atteindre "mon" appartement du treizième restait le seul mystère à élucider

Carte postale 8 / 10
La vie devenait plus simple. J'avais trouvé d'autres raisons de se lever que pour aller pisser. Le superflu devenait essentiel. Je n’étais plus dans ce dilemme léger d’avoir à choisir entre un accessoire pour la moto et une place dans le carré or au Théâtre de Paris. A quoi bon geindre, les choix antérieurs tenaient plutôt du fromage OU dessert quand désormais s’était un nouveau guidon pour Bonnie ET une place pour la dernière de Michalick. La rencontre d’un autre spécimen de la diversité féminine avait éclairé ma lanterne

            Iekaterinbourg

J’avais assez vite perdu la main sur les évènements dans ce studio mouroir à Chartres et c’est le hasard qui m’avait filé un sacré coup de… main, justement !

Dans cette opération infructueuse de démystification du hasard et de ses conséquences par la lecture, la science et la religion, il ne restait plus que la sorcellerie.

Dernière tentative avant de verser dans l’irrationnel, je décidais de suivre la piste slave des Romanov. Etais–ce une bonne façon de la reprendre ? Etais–je décideur de ma trajectoire ou étais–je encore en fuite ?

  

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Si je pouvais obtenir des explications tarabiscotées grâces à quelques déductions tirées par les cheveux, il restait un mystère incontournable : comment, au sortir d’un évanouissement, avais–je pu me retrouver avec le bénéfice des examens médicaux et des "travaux" que je redoutais ? Je vérifiais parfois la présence des implants dans ma bouche, ma prostate me foutait la paix et mon algus valgus s’était fait la malle.

Cette intersection sur un chemin avec Justine, ce qu’elle comportait de lumineux que j’attribuais au hasard puis la seconde avec Isabelle, que j’avais provoqué, tout aussi lumineuse éclairait ma conscience à la façon d’un clignotant. Cette quête identitaire ne pouvait être menée à son terme que si je mettais l’interrupteur sur "On". Se trouver, trouver sa place dans ce dispositif en ayant le sentiment d’être soi même un élément dans un autre dispositif où tout être humain est animé des mêmes désirs. Bien loin d’apporter des réponses, la science (reproduire des conditions identiques) le hasard (rencontres aléatoires) la religion (tout fait partie des desseins d’un être suprême qui voit toutet contrôle tout) alimentaient de nouvelles questions.

"pas fiable, pas confiance, pas pareil, pas d’avenir, pas facile, pas trop vite, pas besoin, pas d’mon’monde, pas pratique"

Dans ces mots je percevais un personnage, qui pouvait être moi, mais il serait peut être temps de sortir de cette histoire sans fin et de devenir une vraie personne.

Selon Isabelle, je faisais partie moi aussi d’un dispositif de cette belle humanité aux désirs tous identiques. Certains obtiennent satisfaction avec plus ou moins de difficulté. D’autres n’obtiennent rien ou si peu du tout avec beaucoup de difficultés.

Et puis, il y a ces gens de pouvoir qui donnent et reprennent ou s’abstiennent et observent avec indifférence bien au chaud dans leur carapace.

Ils savent que l’égalité n’existe pas. Ils se divertissent en croisant des pitres auto–persuadés de leur pouvoir comique. Ils sont les commensaux du grand festin. A leurstables identiques de l’entre–soi, l’employé du Moi, l’invité du jour, le compagnon d’étape, le François Pignon change de visage. Parfois un tirage de hasard d’un autodidacte de passage stimule une curiosité mais l’apprentissage du Petit Robert n’arrive pas à la cheville de Louis le Grand. La répétition de citations mal comprises ou l’emprunt d’une lecture en diagonalede la quatrième de couve des grands classiques ne produit qu’un patchwork d’ignorance. La réussite a toujours un sens. Celui de l’intelligence, du réseau, de l’instruction et parfois de la compétence. Vous resterez un ramasseur de balles. Viendra le jour où ce sera à vous de refermer la porte qu’ils n’entendront pas claquer. Ils sont repartis dans l’autre dimension du monde sans se retourner. Dans ce monde où l’empathie passe pour de la sensiblerie et l’indifférence pour de la rigueur, Justine faisait figure d’exception. C’est cela qui la rendait précieuse. Elle était intègre. Elle avançait au pas de charge sans piétiner personne. Inoubliable.

Qui était Justine ?Qui était Isabelle ?

Qui sont les femmes ?

Phares de naufrageur guidant vers les écueils ou d’Alexandrie vers la connaissance ?

Toute honte bue, celle de la comparaison, Faustine avait disparue dans les limbes. Justine avait la mesure exacte de sa valeur. Si je n’étais pas sa première erreur j’avais certainement "servi" à ce qu’elle ne mélange plus désormais les torchons et les serviettes. Détachée,lucide, elle observaitl’humanité la trouvant belle malgré ses imperfections dans l’acceptation de ce qu’elle ne pouvait y changer. Elle se contentait de rendre heureux son entourage et les hommes de sa vie, dument sélectionnés, avec beaucoup de discrétion et de compétence.

Isabelle aussi, sans doute, investie d’une mission de charité chrétienne un peu plus ostentatoire et, comme souvent chez les croyants – j’ai failli dire les simples d’esprit –, débitrice devant l’éternel de la culpabilité d’être vivante. Lumineuse, pédagogue et fréquentable.

Justine vit en permanence avec une montre connectée confiant la comptabilité de toutes ses dépenses énergétiques à la Silicon Valley et trouve de l’exhibitionnisme seulement chez les autres. Isabelle, humble, et modeste reste persuadée que Dieu en personne l’a chargée de"croître et de multiplier" sur cette partie du globe.

Chacune pense être la norme. Nous parlons un identique langage articulé pourtant il faudrait une pierre de Rosette pour communiquer de Mars à Vénus. Elles choisissent, elles décident, elles savent, elles ont connu ou connaîtront, la déception, la trahison et la colère des hommes aigris.

Elles sont des voyages, parfois des destinations.

Enrichie de ces deux fantômes, ma quête devenait une enquête. A Paris m’attendait une lettre !

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Les mytho, les exib, Moïse, Darius le grand, Persépolis invaincue, sans fortification, sans ennemis... Quand je la regardais s'éloigner sans se retourner, je voyais un aigle s'envoler. Un aigle qui un jour m'avais choisi...

Ceux qui marchent debout et la variante à roulettes recèlent autant d’indices que les bouquins.

La circulation parisienne déréglementée à l’avantage des mobilités douces, les adeptes étaient  zen. Pour  un cycliste, chaque feu rouge était une nouvelle partie de roulette russe. Pour un trottinomane, c’était l’instant de lever le nez du smartphone pour checker le carrefour et reprendre sa conversation WhatsApp interrompue. Chacun cramait joyeusement le rouge et exhibait la dernière technologie électrique, numérique et connectée que leur adresse au guidon mettait en exergue.   Au point culminant de leur puissance, les empires se passent de murailles puisqu’ils sont sans ennemis mais il fallait faire gaffe : pour l’automobiliste, le feu vert correspondait à l’ouverture de la chasse.  

Un peu d’introspection ! Je traversais souvent la rue sans regarder et je n’étais pas un forcené du casque & autres équipements de protection. Si le grand Manitou devait m’inviter à chevaucher dans la Grande Prairie ce n’est pas un casque qui le ferait changer d’avis.

Je décidai de rencontrer d’autres humains et d’échanger quelques paroles sans attirer l’attention. Sans doute avais–je besoin d’étalonner ma mythomanie et à ce titre je rencontrai des SDF. Celui de la rue Raymond Losserand était un prof de littérature éminent à Pampérigouste. Rue de Vouillé, sous le pont éponyme, un Diogène très entouré sur le coup de midi, était un philosophe ressortissant du Monomotapa, ce pays de l’amitié, si j’en crois Lafontaine. Un graffeur sur un trottoir de la rue des Saints Pères entre deux voitures se disait disciple de Banksy au royaume imaginaire du Wakanda.

Aucun ne venait de Pétaoutchnok–sur–le–Don. De l’observation de mes contemporains, ma musette s’était emplie de mythomanes et de frimeurs premiums. Afin d’éviter de dormir sur le pavé, où parait-il on apprend beaucoup de ses échecs, je refusais d’entendre cette leçon du ratage pédagogique, ce long couloir sombre et glacé qui traverse des vies désertes à s’endormir chaque soir plus déçu, plus usé, plus aigri.

J’étais à ma place dans cette ville d’usurpateurs dont le symbole était une tour érigée et je me souvins de la phrase d’Henri Gougaud qui me servait d’argumentaire quand je me faisais gauler : "La vérité est une version des apparences".

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Je retrouvais dans "ma" boîte le courrier qui déclencha l’action après la décision. Il contenait les résultats des investigations que j’avais entreprises sur ma généalogie en 1999 puis abandonnées. Des documents de la mairie de Limoges attestaient de ma filiation avec un certain Alex Romanet. Avant 1933, aucuns documents officiels n’existaient et ma précédente quête avait été vaine. Un mystère de plus dans cette histoire qui n’en manquait pas.

Sérieusement secoué par ces péripéties, ne trouvant de repères que dans ma politique de la terre brûlée, entre autres idées saugrenues, je résiliai le bail de mon studio à Chartres, rangeai mon patrimoine qui tenait dans le coffre de la bagnole. Le procès qui me retenait en ville m’avait rétabli dans mes droits et rien n’y justifiais plus ma présence.  La voiture dans la sécurité du parking en sous sol, Bonnie pour le voyage et l’appartement vide au 13ème  de la rue d’Alésia, dont je me doutais un peu que je n’étais pas le seul à disposer de la clé, étaient les composants de ma précarité de fildefériste gêné dans ses mouvements par son harnais de sécurité.

Serait–il toujours libre à mon retour ?

Jouant la curiosité contre la sécurité, une nouvelle mise en danger ne me déplaisait pas puisque "Deus Ex machina" était mon obligé.

Même si j’acceptais la chance après la déveine telle une valeur régulatrice, j’avais des notions puériles qui me portaient à la méfiance de la chose obtenue avec facilité. Sans effort il me semblait que le résultat – oui "résultat" : oublié le concept Récompense/Punition – que le résultat était dévalué.

Il ne me restait comme marge de manœuvre, dans cette nouvelle vie où tout me tombait tout cuit dans le bec, la difficulté du chemin, augmentée par le plus mauvais moyen de transport qui fut. 

Paris–Bruxelles–Hambourg–Gdansk-Kaliningrad-Kaunas–Riga-Moscou, la pire façon de voyager est à moto. L’inconfort, la faible autonomie oblige à des arrêts fréquents bien utiles pour retrouver ses lombaires, ses épaules et se renforcer le bas du dos en faisant le plein. Dans la bulle, contre l'air antagoniste, lutter et s'effacer. Il aura le dernier mot.

Et puis, l’on sait que viendra ce moment magique où il aura une autre odeur quelque part au bout de nulle part.

Ce sera une seconde diluée dans des heures de fatigue. Une goutte d’eau sera plus glacée qu'un torrent de montagne, elle trouvera un centimètre carré d'épiderme encore chaud à l’instant où l’on croyait n’avoir plus un poil de sec. Pas de risque de la louper, à moto on est une sentinelle. Un vent divin et contraire séchera le linge. A l'étape, une conversation aura plus de densité avec un inconnu de passage qu’avec des amis à taux d’usure, l’ichor* circulera dans mes veines, Aragon poète dira au huguenot motard deux fois masochiste « Ce qu’il faut de sanglots pour un air de guitare »

Je me vois déjà garant Bonnie  devant la maison Ipatiev.

*sang des dieux : tu te souviens amie lectrice, si tu es encore là, que les dieux carburent au nectar et à l’ambroisie et tu peux imaginer qu’ils ont autre chose que du raisiné dans la tuyauterie.

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Un rappel historique me semble nécessaire.

"Le Tsar Nicolas  II est renversé en février 1917. La famille impériale est bientôt exilée en Sibérie, puis à l'Est de l'Oural dans la ville d'Iekaterinbourg.
Alexis y subit les vexations et les grossièretés des soldats chargés de surveiller les Romanov.
Les communistes qui ont pris le pouvoir craignent qu'une armée contre révolutionnaire ne tente de délivrer le Tsar.

Dans la nuit du 17 juillet 1918, le Tsarévitch, ses parents et ses sœurs Anastasia, Tatiana, Olga, et Maria sont massacrés dans le sous–sol de la maison Ipatiev.
Alexis Romanov est dans sa quatorzième année.

En 1990, les corps de la famille impériale ont été retrouvés et exhumés. "*

La dépouille du petit Alexis n’y était pas !

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Sans GPS à la carte comme à l’ancienne, j’ai choisi la Lettonie par une route, ou plutôt un chantier de 500 Km qui occasionna les seules sueurs froides du périple, pour éviter la Biélorussie et l’Ukraine.

Par comparaison avec le voyage en voiture le choix de la moto permettait de canaliser ses pensées. Sans confort, on ne pouvait que se concentrer sur la conduite, l’observation de la nature qui peut être piégeuse en deux roues.

Et réfléchir !

Sur la naïveté de croire au hasard et la naïveté de n’y pas croire. Je ne croyais pas aux miracles, pourtant il y avait des résultats qui s’inscrivaient en positif. Je n’agissais pas, je réagissais ! Aucune action ni prière, non plus. La moindre supplication était en négociation entre les neurones et ne franchissait jamais les synapses vers le langage articulé. S’il y avait quelqu’un dans ma tête, il devait avoir l’ouïe fine. Le hasard est juste une science en cours de décodage. La statistique apporte quelques réponses mais nous sommes encore loin du compte. Pour le moment, je pouvais compter sur la chance. Il en fallait pour rester sur ses roues en Lettonie et la Russie fut une bonne surprise.

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J’étais déçu et mon ange gardien au chômage. La route en Russie n’avait rien de périlleux…Un seul motard français rencontré sur la transsibérienne. Un sacré phénomène avec qui j’ai bien ri quand il m’a raconté sa vision de la conduite à Moscou… « Eh, I am alive hein!! » Plein d’anecdotes encore qu’il faudrait beaucoup de temps à raconter et qui font qu’un voyage reste unique et un souvenir magnifique.

Enfin, concernant les légendes sur la Russie, la sûreté, les attaques par des gens dangereux mafieux, bourrés, armés. Le fait que "chaque jour est une victoire de rester en vie dans ce pays"… "Faire attention les prochains temps… à ne plus laisser le casque et les affaires tout le temps sur la moto!" En bivouac dans la nature ou garé dans la rue devant l’hôtel en ville, je laissais le sac avec la tente avec ses tendeurs, sans jamais le moindre souci. A chaque arrêt, dans une station ou ailleurs, j’abandonnais casque et blouson sur la moto, sans surveillance particulière, juste à vue et sans aucune arrière pensée. Les mises en garde « bienveillantes » sur ce pays sont tendancieuses, oubliez-les vite pour aller voir de vous-même! Eh, I am alive hein!!! Et oui je suis toujours en vie comme après avoir franchi "notre" giratoire de l’Arc de Triomphe et respecté le 70 au grand dam des pilotes de grand prix sur "notre" périphérique. 

Moscou dans le dos, route à l’est pour Ekaterinbourg et la maison Ipatiev, sur la piste de Gueorgui Doniilovitch Yachmenev. Le gars qui avait assisté à la mort de Raspoutine sur les bords de la Neva mais pas à celle du dernier des Romanov.

Gueorgui Doniilovitch Yachmenev est un moujik, l’équivalent occidental  du  serf en pleine féodalité, le premier barreau  de l’échelle sociale dans la rurale et Sainte Russie. Un destin inattendu l’a conduit à devenir garde du corps de Alexis Romanov et l’amant d’Anastasia. 

Comment passer du grabat dans une ferme d’un village à la couche impériale dans un palais de Tsarskoïe Selo et d’un studio à Chartres dans un 100m2 à Paris?

Sans le faire exprès !

L’armée du Tsar commandée par son cousin le grand duc Nicolas Nicolaïvitch est annoncée dans le village de Kachine qui a vu naître Kolek Boriavitch Tanksi et Gueorgui Doniilovitch Yachmenev deux inséparables potes. Ils ont grandi ensemble en observant leur père respectif se quereller amicalement à propos de politique. Deux ans avant la révolution d’Octobre papa Yachmenev prône la soumission absolue et papa Tanski, la rébellion. Les fils n’ont pas d’opinion politique particulière. Ce ne sont que des ados en mal de reconnaissance paternelle. Qui voudrait décevoir son géniteur ? Gueorgui aperçoit une arme dans la main de son presque frère. Il n’a aucune conscience que son ami est sur le point de tuer le cousin du Tsar pour étonner son père. Il ne voit que l’arme. Dans un réflexe pour éviter à son ami un geste irréversible, il s’interpose.

A son réveil, la scène est déjà jouée. Le Grand Duc est à son chevet et son ami est pendu.  Gueorgui Doniilovitch Yachmenev a pris dans l’épaule la balle qui ne lui était pas destinée mais son destin, lui, vient de prendre un virage à 360°. Un entraînement et une éducation d’élite all inclusive dans la proximité des Altesses Impériales avec, en tête de gondole le représentant de Dieu sur terre, le Tsar Nicolas  II pour deux ans encore. Suffisant pour acquérir un corps d’athlète, une tête bien remplie. Cette éducation princière fut interrompue par les évènements de 1917 avant d’atteindre le point de non-retour de la soumission  et de la reconnaissance préjudiciable à son libre arbitre. Suffisant aussi pour construire une solide relation sans avenir avec La Grande Duchesse Anastasia. Durant les deux dernières années de règne, le train impérial sillonnera le territoire où deux mondes  se côtoieront sans vraiment se découvrir.  Toute ressemblance…

Vladimir Ilitch Oulianov, dit Lénine a un projet de société incompatible avec le pouvoir autocratique des Romanov. La révolution a modifié radicalement le dispositif de la petite vie de Gueorgui Doniilovitch Yachmenev comme le sac dans un bosquet celle de TomB.Dunid.

Impact d’une révolution pour l’un, pandémie pour l’autre cependant il est acquis que les évènements influencent la vie d’un homme mais ce n’est pas la finalité des évènements que d’eninfluencer un seul.

Kolek & Gueorgui sont des personnages de fiction imaginés par John Boyne pour son roman La Maison Ipatiev.

Anastasia, la dynastie impériale, la révolution d’Octobre, le massacre des Romanov, la Maison Ipatiev existent. C’est une réalité historique racontée par les vainqueurs.

La vérité présente différentes versions selon l’alternance des pouvoirs. Les plus zélés ont revendiqué cette horreur puis une controverse est née, les Romanov ont été canonisés et réhabilités. Quelques survivants parmi les exécutants ont allégué des variantes de l’exécution moins radicales évoquant l’exfiltration et la survie de certains membres de la famille. Sans preuve formelle de l’identité et de l’intégralité des dépouilles de la famille retrouvées dans les sépultures douteuses, cette version était vraisemblable. Les transcriptions de 1919 et celles de 2008 laissent une marge d’interprétation.

Je n’ai pu retrouver la maison Ipatiev mais seulement son emplacement.

Une église a remplacé la demeure que l’on surnomma "La maison au dessein particulier"

Cela ressemblait à une traduction Google.

Comme si l’architecte avait conçu cette demeure afin qu’elle fût la dernière des Romanov. Les mots "dessein particulier" avait quelque chose d’une litote intrinsèquement horrible. Il me restait beaucoup à apprendre de l’euphémisme philosophique de la langue slave, de ce que ce peuple pouvait endurer grâce au pouvoir antalgique du vocabulaire.

On me signala qu’un homme venait fleurir tous les 17 Juillet le monument funéraire dédié à la famille royale dans la cathédrale sur le sang versé.

Un certain Yachmenev !

Dans le roman de John Boyne le jeune Gueorgui Doniilovitch Yachmenev avait 16 ans en 1915 !

Nous étions le 16 Juillet. Je décidai de l’attendre !

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Peu m’importait  qu’il fût centenaire, des "pourquoi" et des "comment" me brûlaient les lèvres. Comment une Duchesse Impériale pouvait s’intéresser à un moujik, par exemple !

Un matin de Juillet, devant l’église du 34 Oulitsa Tilmatcheva   à Ekaterinbourg deux imposteurs parlèrent la même langue : ils étaient francophones. L’homme qui répondait au nom de Yachmenev ne pouvait être le Yachmenev du roman.

Il était mieux que cela.

Il était le Yachmenev de l’histoire !

Ou un sacré mythomane.

Ce témoin vivant était-il plus fiable que la propagande communiste ?

S’il était celui qu’il prétendait être il aurait 119 ans et il ne faisait pas son âge. Son envie de parler français abreuvait ma curiosité bien au delà de cette arithmétique.

- Vous connaissez Pétaouchnock-sur-le-Don ?

- Pas du tout !

Je perdais mon temps. Son ignorance ne prouvait pas la non-existence de cette ville. Il ajouta, me faisant douter de ma propre aventure.

- Le treizième étage* n’existe pas non plus dans certains immeubles !

- mais la vie est un roman, n’est-ce pas ?

Il a ri, j’ai ri, nous avions trouvé un protocole de communication !

- je suis le fils de la Grande Duchesse Anastasia et d’un moujik que le destin a mit sur la route du cousin du Tsar en lui sauvant la vie dans le village de Kachine en 1915. Mon père a vécu une fin de vie heureuse à Paris.

Avec Anastasia !

Le français est ma langue maternelle.Gueorgui et Anastasia ontvécu clandestinement leur exil en France comme beaucoup de russes blancs.

- vous malmenez la vérité historique, un peu, non ?

- c’est l’Histoire qui a été malmenée dans cette histoire ! Quand l’ordre d’exécuter la famille impériale est tombé, chaque soldat de lagardebolchevique avait trois grammes. Ils trouvaient superflu de surveiller la famille Romanov. Leur vigilance s’était assoupie car ils ne pouvaient aller nulle part. Après l’abdication du Tsar, le pays entier voulait leur peau. La garnison de la ville était leur meilleure protection. Pour les soldats, l’ennui le disputait à l’enthousiasme révolutionnaire. Les journées étaient longues, la vodka étêtait les heures. La relève porteuse de l’ordre d’exécution est arrivée composée de soldats qui ne connaissaient pas physiquement les Romanov. L’exécution d’un ordre du soviet suprême ne pouvait être différée. La terreur avait pris le pouvoir à chaque grade de la hiérarchie. La moindre faiblesse, la plus petite compassion était une traîtrise punie de mort sur le champ. Des siècles de servitude avait rendu les moutons enragés et rivalisant de zèle. Dans ces conditions, les geôliers ne pouvaient avouer que la famille était dispersée dans la nature autour de la maison et leur ivresse fut interprétée comme de la ferveur patriotique. Anastasia passa cette nuit là dans les bras de Gueorgui et dans l’écho de la fusillade.La troupe a réunila famille incomplète dans la cave pour les exécuter, les serviteurs faisant le nombre.

Dans l’ignorance du projet macabre et la brutalité du moment,il n’y eut pas de place pour les questions. Ne pouvant se douter qu’il avait à faire à un peloton d’exécution, le tsar fut informé de sa condamnation et la première balle fut pour lui. Le dernier mot prononcé déclencha la fusillade. Personne n’avait envie d’évoquer la possibilité d’une erreur synonyme de peine de mort des responsables.

Anastasia a perdu l’usage de la parole pendant les jours qui suivirent leur fuite. Ils "n’existaient" plus et ne furent pas recherchés. Mon père m’a raconté l’histoire l’année de mes vingt ans.

Sa version tenait la route. La position du charnier fut longtemps ignorée et les cadavres n’ont jamais été formellement identifiés. Le KGB d’Andropov s’émouvant du culte grandissant autour des Romanov fit détruire la Maison Ipatiev. La version officielle convenait aux héros révolutionnaires.

J’allais partir avec cette certitude que cette histoire ne me concernait pas quand il ajouta :

- Le tsarévitch aussi a échappé au massacre !

J’allais enfourcher Bonnie et je cherchais la clé de contact.

- Par sécurité ils se sont séparés.

Alexis Nikolaïevitch Romanov a vécu dans une ferme à la campagne.

La surprise ralentissait mes mouvements. Je bougeais comme un fantôme.

- Du coté de Limoges. Il a changé de nom. Il s’appelait Alex Romanet. Gardez- le pour vous mais il a eu un fils qui vit encore. Dans le Lot, je crois !

J’ai entendu un grand bruit dans ma cage thoracique. C’était un barrage qui cédait. Nous avons chialé jusqu'à la fin du jour dans les bras l’un de l’autre sur le tombeau familial sur ce qui restait de la famille. J’avais enfin retrouvé le père de mon père. Ou plutôt son identité.

- Je compte sur ta discrétion !

Voilà, voilà !

Retour par la Tchéquie et la Bavière. Pendant la traversé de l’Oural je n’ai pas dû dépasser le cinquante à l’heure. Groggy !

* Source French Morning Aux Etats-Unis, combien de personnes ont déjà appuyé sur le bouton “13” dans l’ascenseur ? Pas grand monde. Et pour cause, le 13e étage est rarement désigné comme tel aux Etats-Unis. Pourquoi? Selon la société Otis, fabricant d’ascenseurs, 85% des ascenseurs dans le monde passent directement du 12ème au 14ème étage. Rien qu’à New York, moins de 5% des hauts immeubles ont un treizième étage par superstition.

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A suivre 9-10 et bonus


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