Par Michel Faure.
Les libéraux n’ont jamais été vraiment écoutés en France. Aujourd’hui, avec la crise de la Covid-19, ils sont inaudibles et certains s’en réjouissent.
Nous sommes entrés, nous dit-on avec délice, dans « un moment keynésien », comme s’il s’agissait d’une nouveauté alors que ce moment dure depuis six décennies. On fête aussi déjà la fin du libéralisme, comme si nous laissions derrière nous une longue et calamiteuse période d’un État modeste et régalien.
Mais c’est l’étatisme qui règne en France, pas le libéralisme. Et son bilan n’est pas brillant. Parmi les pays de l’OCDE, le nôtre est celui où les impôts sont les plus lourds et le chômage l’un des plus élevés.
Pour plaider la sauvegarde de nos libertés, appuyons-nous sur trois qualités libérales : le doute, le pragmatisme et la morale.
La liberté et le doute
Dans Délire et défaites, Claude Fouquet écrit que le libéralisme « est une opinion, un aveu d’ignorance, donc un programme de tolérance ».
Dans Un cœur intelligent, Alain Finkielkraut nous rappelle que l’incertitude fait partie de la nature humaine.
Frédéric Bastiat conclut : « L’ignorance entoure le berceau de l’humanité ».
Bref, pour un libéral, le doute est raisonnable et tant mieux s’il s’agit d’un péché mortel pour tout commissaire au Plan. Il nous conduit à l’observation attentive des réalités.
La liberté et le pragmatisme
Dans La grande parade, Jean-François Revel nous rappelait que le libéralisme n’est pas « une théorie se fondant sur des concepts antérieurs à toute expérience, ni un dogme invariable et indépendant du cours des choses ou des résultats de l’action. Ce n’est qu’un ensemble d’observations portant sur des faits qui se sont déjà produits. »
Ce pragmatisme nous permet d’introduire l’expérience de réalités nouvelles dans nos réflexions et mesurer celles-ci à l’aune des libertés. Ainsi la pandémie renforce la critique libérale d’une bureaucratie tentaculaire et sans efficacité. Elle conforte notre rejet de l’étatisme et de la corruption qui souvent l’accompagnent, nos critiques d’une dépense publique sans contrôle et la menace d’une dette hors normes.
La morale
II nous faudrait enfin rappeler les dimensions morales et sociales du libéralisme. Notre devise, Liberté, Égalité, Fraternité, est l’invention des libéraux qui ont réclamé, face aux monarchistes et aux conservateurs, l’égalité devant la loi et la fin des privilèges. Ils ont défendu les échanges et les contrats qui exigent équité et empathie. L’une des plus grandes figure du libéralisme, Adam Smith, a d’abord écrit sa Théorie des sentiments moraux qui chante les plaisirs de la sympathie et de l’aide aux plus pauvres, avant de publier La richesse des nations.
Cette trilogie devrait nous permettre d’offrir une image du libéralisme éloignée de la caricature habituelle. Nous aimons le libre commerce, la liberté chérie de La Marseillaise, l’égalité de tous devant la loi, et la fraternité, la vraie, celle qui engage les sentiments et suscite des actions pour sauver la famille humaine des calamités des dictatures, des conflits et de la pauvreté.