Magazine
Revenant de quelques jours en Touraine, je constate avec plaisir qu'Emmanuelle Pagano m'élève à la dignité de Tireur
de foire pour services rendus à la lucidité littéraire. Je fuis comme la peste les foires contemporaines dont les manèges me font penser aux chimères de Mad Max. Je garde en revanche une certaine
nostalgie des foires à l'ancienne même si, déjà, au temps de ma jeunesse, on n'y croisait plus guère les artistes du jeûne qui fascinèrent Kafka ni les femmes à trois têtes sorties de Bradbury.
J'aimais, avec juste ce qu'il fallait de vin dans le nez, traquer à la carabine quelques ballons bondissants. Le hasard, parfois, accompagnait mon tir et je rigolais comme un malade du pet que
faisait la cible déchirée. Puis, vite lassé des attractions, je m'en allais ailleurs dans la nuit, vers d'autres verres.
Mais revenons à cet auteur bordelais qu'il m'a plu de déboulonner. Est-ce ma faute à moi si sa plume, que j'ai lue sur son blog, a attrapé le chickungunya ? Le lecteur que je suis n'aurait-il
plus le droit de vilipender les bouffissures des littérateurs abreuvés à la méthode champenoise ? Notre époque, décidément, ne supporte pas qu'un mot plus haut que l'autre soit dit. (Monsieur
Siné, attaqué de partout, en sait quelque chose.) Je revendique ici l'acte gratuit de l'impertinence, de l'outrance, et même de la grossièreté. Une façon comme une autre de ne pas finir dans la
naphtaline, de jouer encore les funambules sur la fragilité des jours...
Et la littérature, dans tout ça ? Citons Marguerite Yourcenar lors de son interview-fleuve par Matthieu Galey (Les yeux ouverts). Elle évoque la lucidité de Goethe qui déclarait : " Si j'avais su
combien il y avait de grands livres dans le monde, je ne me serais pas mêlé d'écrire, j'aurais fait autre chose". Nous serions avisés de nous en inspirer, moi le premier.
PS : Visitez l'excellent blog d'Emmanuel Pagano : Les corps empêchés.