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La première levée du Grand Chelem débute la nuit prochaine dans un climat toujours tendu en raison de la crise sanitaire qui persiste. Alors que le tennis féminin continue de traverser une période d'incertitude et de transition dans laquelle les favorites se font bousculer par des joueuses moins bien classées (on a pu encore le constater lors du dernier US Open), bien difficile de deviner qui va soulever le Daphne Akhurst Memorial Cup le 29 janvier prochain. Si beaucoup d'observateurs s'accordent à dire que la logique est généralement respectée dans ce tournoi ô combien exigeant physiquement et mentalement (hormis l'exception Sofia Kenin en 2019) et que celle qui s'imposera cette année sera probablement une joueuse bien classée, voire une joueuse qui s'est déjà imposée en Grand Chelem, nous ne sommes jamais à l'abri d'événements imprévus qui pourraient modifier l'ordre établi. Néanmoins, comme il est excitant de se livrer au petit jeu risqué des pronostics, j'ai misé sur dix joueuses qui ont, selon moi, la capacité d'aller jusqu'au bout de l'aventure même si je ne doute pas que les chances de me vautrer lamentablement au sol soient assez grandes en imaginant qu'une joueuse venue de nulle part se fraie un chemin jusqu'en finale (pourquoi pas une joueuse issue des qualifications, comme Emma Raducanu à l'US Open). Voici donc dix joueuses qui semblent promises au Graal pour cette édition 2022.
ASHLEIGH BARTY (n°1, Australie) :
Elle est attendue par tout un peuple pour devenir la première australienne à s'imposer sur ses terres depuis Chris O'Neil en 1978 (la dernière australienne à avoir atteint la finale étant Wendy Turnbull en 1980). Elle a montré qu'elle était prête au combat en remportant le premier WTA 500 de l'année à Adélaïde à l'issue d'un parcours sans faute, avec notamment des victoires très nettes sur Sofia Kenin, Iga Swiatek et Elena Rybakina. C'est un message fort envoyé à toutes ses rivales même si l'Open d'Australie est une autre paire de manches. Comment va-t-elle gérer la pression énorme qu'elle aura sur les épaules sachant que le mental demeure son talon d'Achille quand l'enjeu devient important ? De plus, elle n'a pas été gâtée par le tirage au sort en se retrouvant dans la même moitié de tableau que Belinda Bencic, Ons Jabeur, Maria Sakkari, Barbora Krejcikova (lauréate du dernier Roland-Garros), Victoria Azarenka, Madison Keys, Cori Gauff, Paula Badosa (qui vient de s'imposer sur le circuit à Sydney) et ni plus ni moins Naomi Osaka, tenante du titre et qu'elle pourrait retrouver dès les huitièmes de finales. Il faudra que la native du Queensland soit au sommet de son art si elle veut prétendre à la couronne.
NAOMI OSAKA (n°13, Japon) :
C'est la rentrée de la japonaise après une année 2021 tourmentée au cours de laquelle elle a fait part publiquement de ses souffrances personnelles, notamment la dépression dans laquelle elle était tombée après ses succès passés et les difficultés qu'elle éprouvait à s'exprimer devant les médias. Au tournoi WTA 250 de Melbourne Summer Set 1, elle a montré qu'elle n'avait rien perdu de sa qualité de jeu jusqu'à ce qu'elle décide de renoncer à se présenter en demi-finales contre la russe Veronika Kudermetova après avoir contracté une blessure abdominale. Où en est-elle aujourd'hui ? Est-elle suffisamment remise de cette blessure ? Sera-t-elle à 100% de ses moyens pour défendre son titre (sachant qu'un premier tour piégeux l'attend contre la jeune colombienne Camila Osorio) ? Mais surtout, où se situe-t-elle dans le travail mental qu'elle a engagé ? Beaucoup de questions demeurent sans réponse même si elle reste une joueuse imprévisible et dangereuse capable d'accomplir de grandes choses, elle qui compte quatre titres du Grand Chelem à son palmarès et se déclarait encore récemment "aussi bien que possible" (je cite) dans la presse.
MARIA SAKKARI (n°5, Grêce) :
Serait-ce enfin l'année où une joueuse grecque va soulever un trophée majeur ? L'athénienne possède toutes les armes pour y parvenir, elle qui s'est déjà hissée très haut en Grand Chelem en atteignant l'année dernière le dernier carré à Roland-Garros et à l'US Open avant d'accéder pour la première fois de sa carrière au Masters féminin dont elle a également atteint les demi-finales. Désormais membre du top 10, elle se trouve en mesure de rivaliser avec n'importe qui sur le circuit bien que, paradoxalement, elle ne compte qu'un titre à son palmarès sur le circuit WTA obtenu à Rabat sur terre battue en 2019. Avec un jeu puissant et percutant qui s'adapte bien à toutes les surfaces et de remarquables capacités en défense, elle a les moyens de viser l'excellence, encore faut-il avoir la régularité pour le faire. Son élimination précoce au tournoi WTA 500 d'Adélaïde est un rappel à l'ordre sans frais qui va sans doute l'aider à se remobiliser avant le début de la quinzaine australe.
BARBORA KREJCIKOVA (n°4, République Tchèque) :
Le temps de digérer son succès à Roland-Garros l'année dernière et revoilà la native de Brno prête au combat pour 2022. Il s'en est passé des choses depuis pour celle qui compte neuf titres en double dont trois tournois du Grand Chelem et dont l'éclosion tardive en simple est sans doute l'une des plus grosses sensations de l'année écoulée. Depuis son couronnement parisien, on l'a vue se hisser en huitièmes de finales à Wimbledon, quarts de finales à l'US Open, qualifiée pour le Masters féminin et, entre-temps, conquérir un trophée à Prague et atteindre les quarts à Cincinnati. Cette semaine, au tournoi de Sydney, elle a signé une performance de classe mondiale en sauvant pas moins de sept balles de matches en demi-finales face à l'estonienne Anett Kontaveit (victoire 14 à 12 dans le jeu décisif du dernier set) avant de donner du fil à retordre à Paula Badosa en finale (défaite deux manches à une). La tchèque est prête à réaliser un nouvel exploit en ce début d'année, pourquoi pas à Melbourne dès maintenant.
PAULA BADOSA (n°8, Espagne) :
Début d'année contrastée pour la lauréate d'Indian Wells en 2021. Sortie d'entrée sans ménagement à Adélaïde par Victoria Azarenka, elle a resserré les boulons la semaine suivante en gagnant le tournoi de Sydney. À vingt-quatre ans, l'espagnole née à New-York est dans une phase ascendante qui fait d'elle une candidate sérieuse au titre à Melbourne même si un premier tour périlleux l'attend contre l'australienne Ajla Tomljanovic qu'elle a d'ailleurs récemment battue en deux manches à Sydney. Sa puissance et son explosivité en fond de court peuvent déstabiliser n'importe quelle joueuse du top 10. Cependant, la question est de savoir si elle sera suffisamment remise de ses efforts à Sydney, son match du premier tour de l'Open d'Australie étant programmé dès lundi en session de nuit.
ANETT KONTAVEIT (n°6, Estonie) :
C'est enfin le temps des louanges pour cette joueuse déjà promise à un bel avenir du temps où elle était encore junior et dont le talent éclate enfin au grand jour même si elle possède un style de jeu se bornant à frapper fort des deux côtés en prenant la balle tôt. Après une fin d'année 2021 mirifique, avec des victoires à Cleveland, Ostrava, Moscou et Cluj-Napoca (qui lui avait permis de se qualifier in extremis pour le Masters), elle a débuté l'année 2022 dans de bonnes dispositions et un remarquable état de fraîcheur en atteignant les demis à Sydney. Bien que pas gâtée par le tirage au sort (Katerina Siniakova au premier tour avant d'affronter éventuellement Clara Tauson, Shelby Rogers ou Danielle Collins), on la sent capable de relever tous les défis et d'ajouter, pourquoi pas, une première ligne à son palmarès encore vierge de titres en Grand Chelem.
SIMONA HALEP (n°14, Roumanie) :
La trentenaire aux deux tournois du Grand Chelem, finaliste de l'Open d'Australie en 2018, semble arriver à Melbourne en excellente condition physique, avec un tournoi de plus dans sa besace, le WTA 250 de Melbourne Summer Set 1, qu'elle a remporté sans rencontrer de joueuses mieux classées qu'elle, ce qui fausse un peu la donne. On a néanmoins retrouvé une Simona Halep plus mordante, plus incisive et, pour une fois, pas handicapée par les blessures à répétition qu'elle contracte depuis un certain temps, ce qui l'a empêché d'exprimer tout son potentiel sur le court, elle qui n'a gagné aucun majeur en 2020 et 2021 (dernier sacre en 2019 à Wimbledon). Sera-t-elle l'adversaire principale de l'australienne Ashleigh Barty ? Elle a été épargnée par le tirage au sort et pourrait passer une première semaine tranquille avant un éventuel choc en huitièmes de finales contre Garbiñe Muguruza.
GARBINE MUGURUZA (n°3, Espagne) :
Finaliste de l'édition 2019, la joueuse espagnole arrive à Melbourne en manque de repères après une sortie précoce à Sydney où elle est passée au travers contre Daria Kasatkina (défaite en deux sets). Cependant, sa fin d'année 2021 ébouriffante, ponctuée par une superbe victoire aux Masters durant lesquels on a retrouvé la grande Muguruza, laisse présager de belles choses, d'autant plus qu'elle a, comme Simona Halep, un tableau qui semble dégagé en première semaine. Muguruza voudra sans doute confirmer que sa victoire aux Masters n'était pas un feu paille mais, la signature officielle de son retour au plus haut niveau qui lui vaut aujourd'hui le rang de troisième joueuse mondiale.
ONS JABEUR (n°9, Tunisie) :
Ons Jabeur, première joueuse arabe à inscrire son nom au palmarès d'un Grand Chelem ? Le pari est risqué quand on sait les galères physiques qu'a connu la tunisienne mais, le jeu en vaut la chandelle, surtout après la très belle année 2021 qu'elle a réalisée. Première victoire sur le circuit WTA à Birmingham, finaliste à Charleston et à Chicago, demi-finaliste à Indian Wells et quart de finaliste à Wimbledon. C'est enfin l'éveil pour la joueuse de vingt-sept ans dont la carrière aurait pu prendre une toute autre direction si les blessures à répétition n'avaient pas été son lot quotidien. Malgré un abandon en quarts de finales au tournoi de Sydney alors qu'elle avait nettement dominé la veille la tchèque Petra Kvitova, la tunisienne arrive à Melbourne en étant plus motivée que jamais et prête à rivaliser avec n'importe qui.
VICTORIA AZARENKA (n°24, Biélorussie) :
Les temps ont changé pour la joueuse de trente-deux mais, après tout, pourquoi ne pourrait-elle pas prétendre à un troisième succès en majeur, elle qui a goûté de nouveau aux joies d'une finale en Grand Chelem en 2020 à l'US Open, sans oublier sa finale l'an dernier à Indian Wells ? Elle est certes rentrée dans le rang même si son nom à lui seul suffit pour faire trembler n'importe quelle joueuse du top 10. Et puis, elle aime tant l'Open d'Australie qu'elle a déjà remporté deux fois consécutivement en 2012 et 2013 lorsqu'elle était au sommet de sa gloire. Il faut toujours se méfier de Victoria Azarenka.