parLeonardo Baggiani
La dette publique dans le monde entier ne cesse de croître, phénomène que la pandémie a encore accéléré : en 2020, elle a augmenté de 16 points de pourcentage pour atteindre 120 % du PIB dans certaines économies avancées, et de 13 points pour atteindre 97 % du PIB au niveau mondial. Quelles sont les voies de sortie possibles ?
La croissance économique serait la réponse facile. Mais comme elle est atone depuis des années, le « consensus » actuel prescrit des stimuli fiscaux. Il s’agit notamment de programmes de prêts et de subventions distribués par les pays les plus riches pour aider les plus pauvres. Il ne semble pas que la recette appropriée de dépenses/investissements ait été trouvée. En outre, les banques centrales ne savent pas comment arbitrer entre des politiques accommodantes et l’inflation. Enfin, qui finira par payer la note ? La seule chose sûre est que les décideurs politiques ignorent les réductions de dépenses et que les perspectives de croissance restent incertaines.
C’est ce qui explique les propositions d’alourdissement de la fiscalité. Cependant, lever des fonds supplémentaires en taxant les revenus est politiquement difficile. Tout d’abord, en 2020, les déficits sont passés de 2 à 9 % du PIB en moyenne, un tiers de la hausse étant due à une base d’imposition plus petite. L’impôt sur la fortune des plus riches semble attrayant, mais il ne permettrait guère d’augmenter les recettes : dans les principaux pays de l’OCDE, l’impôt moyen sur la fortune représente aujourd’hui moins de 1 % du PIB. Une autre option consiste à privatiser massivement les actifs publics. Mais cela prend du temps.
L’inflation des prix et les faibles taux d’intérêt semblent être les baguettes magiques de nos gouvernants : ils soutiennent le PIB nominal et dévaluent la dette réelle, à condition que les banques centrales empêchent la hausse des taux d’intérêt (garantissant ainsi que les taux réels restent négatifs) et puissent arrêter l’inflation au bon moment. Les précédents ne sont pourtant pas encourageants.
Cependant, les autorités peuvent explorer d’autres lignes d’action. Par exemple, elles peuvent piéger l’épargne dans des instruments de dette appropriés (par le biais d’incitations fiscales, par exemple), ou recourir à une réglementation lourde pour manipuler les taux bancaires et les conditions de prêt. L’assouplissement quantitatif et les règles relatives aux ratios de fonds propres sont des instruments bien connus qui encouragent les banques à acheter et à détenir des obligations d’État. En outre, la présence de paramètres relatifs à l’environnement et à la prétendue responsabilité sociale oriente effectivement les fonds privés vers des « dépenses/investissements appropriés » tout juste identifiés par les gouvernements.
Ces politiques ruinent les perspectives de croissance, mais tous les avertissements sont ignorés. La faible réaction de la croissance après des stimuli budgétaires massifs et l’envolée de la dette publique n’y changent rien. Le défaut de paiement (suspension de paiement, décote ou toute autre forme de restructuration) n’est peut-être plus très loin. Historiquement, les conséquences d’un défaut de paiement sont l’inflation et la récession. Mais les banques centrales paieraient également un lourd tribut. La BCE détient environ 2,3 milliards d’euros. En revanche, son capital et ses réserves s’élèvent à environ 615 milliards d’euros, soit juste assez pour couvrir les 430 milliards d’euros de bons du Trésor italien dans ses tiroirs, en cas de défaillance de l’Italie. Comme les 430 milliards d’euros ne représentent que 16 % de l’encours total de la dette italienne, il est clair que Francfort ne peut pas faire grand-chose pour renflouer Rome.
Les dépenses publiques seront revues, mais pas réduites. Il reste une petite place pour des hausses d’impôts, et elle sera exploitée. L’inflation jouera le rôle principal. Cela prendra un certain temps : toutes choses égales par ailleurs, une inflation régulière de 4 % prend 7 ans pour dévaluer la dette d’un tiers, et 10 ans pour la réduire de moitié (une inflation régulière de 6 % réduit le temps à respectivement 5 et 7 ans). La croissance économique renforcerait sa viabilité, tandis que de nouveaux déficits budgétaires contrebalanceraient l’effet inflationniste. Bien entendu, un nouveau choc négatif pourrait également déclencher un défaut de paiement. En d’autres termes, les dettes publiques seront payées soit par la collectivité, soit par les détenteurs d’obligations.
Alors, que penser de l’appel de la présidente Lagarde à augmenter l’offre d’obligations notées AAA en tant que collatéraux sûrs ? Au sein de la zone euro, ce besoin d’ « actifs sûrs » a conduit à proposer la titrisation des obligations d’État afin d’augmenter l’offre d’ « actifs sûrs » et de limiter les conséquences des défauts de paiement à des catégories spécifiques de souscripteurs. Comme cela a déjà été dit, la BCE pourrait en effet se débarrasser de ses obligations d’État en les transformant en produits structurés (les fameux ESBies). Ce faisant, elle canaliserait le risque vers un segment spécifique du marché (les spéculateurs professionnels souscrivant la tranche la plus risquée), disposerait d’une marge de manœuvre supplémentaire pour manipuler les taux d’intérêt et rendrait les défaillances moins douloureuses. Compte tenu des alternatives, cela reste un scénario réalisable.