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"Eux, c'est leur gloire"

Publié le 05 août 2008 par Mry

Dpression_3 Jean, vous ne connaissez pas Jean. Jean, je vous en ai parlé dés ma deuxième note sur ce blog. Jean, c'est le monsieur chez qui je vais prendre ma dose de journaux papiers toutes les semaines. Oui, je lis encore des journaux papiers. Et Jean, vendredi, il n'avait pas la tête de ses meilleurs jours.

- J'y arrive pas aujourd'hui. J'ai des trucs en tête.
- Vas-y, dis, t'as quoi ?

Il faut vous dire m'sieur dames que mon Jeannot, il a été absent pendant quelques semaines. Les deux petits jeunes de remplacement m'ont assuré que ses problèmes perso n'étaient pas graves et qu'il allait bientôt revenir. Alors, je ne me suis pas inquiété. Cela fait tellement longtemps que je viens à ce kiosque rencontré mon Jean.

- Vas-y, dis, t'as quoi ?
- Oh, j'ai encore déconné. J'ai taquiné les bleus. Mais cette fois, ils n'ont pas aimé.

Il faut vous dire m'sieur dame que mon Jeannot, il aime la picole. Et que quand il se met minable dans le bar du coin, il va taquiner les bleus du commissariat de la place. Ils le connaissent bien. Il en a passé des nuits là bas. Nous en avons même passé une ensemble. Cela rapproche.

- T'as passé une nuit en dégrisement avec secouage de puces ?
- Non, non, jugement pas de sursis et 3 mois à Fleury. Fermes.
- Oh putain.
- Ouais. Et attends, ça c'est rien. Le pire c'est dehors. Là bas, y'a que des gamins de 20 piges qui te parlent pas, mais qui te gueulent dans la tronche, ils causent que de "je vais te prendre, enculé, ntm"... et puis en zonzon, tu es un animal. Tout est organisé pour que tu deviennes con. Rien à faire, rien à penser. Cela déchire ta tronche, ce que tu as pu construire. Pourtant les gamins, eux, c'est leur gloire. Leur diplôme de caïd quand ils rentrent chez eux. A mon époque t'avait l'armée. Aujourd'hui, tu as la tôle. Et attends, y'a pire...

Il faut vous dire m'sieur dame que mon Jeannot, il est un vrai socialiste. Le coeur à gauche, jamais voté autre chose, militant... Nous nous titillons pendant les campagnes électorales, et on s'moque les lendemains d'élections. Un homme de gauche, un pur.

- Et attends, y'a pire... 80% de ceux qui étaient avec moi étaient des robeus. Je me suis dit que comme d'habitude, les bleus ont fait du zèle. Même pas. Les matons, ils m'ont dit que c'est comme cela partout. T'imagine un peu si cela se savait. Nous aurions une guerre d'extrême avec une droite bon teint au milieu pour arbitrer. J'te le dis, c'est grave.
- Je comprends que cela te foute parterre.
- Non, ce n'est pas cela qui me tue. Ce qui me tue, c'est ma liberté. J'y arrive pas. J'arrive pas à sortir de Fleury. Y'a un psy qui m'aide deux fois par semaine. Mais c'est l'enfer, j'me traine comme une merde. Je n'ai plus envie.
- ...
- Tu vois, j'comprends ceux qui recommencent. Ils déconnent et puis un tour en zonzon... ils ne se soumettent jamais, ils sont toujours des enfants. Cela fait plus de 30 piges que je tiens ce kiosque et que j'ai des potes avec qui je partage des trucs, mais là, j'ai l'impression de ne plus appartenir à cette vie là. Ces trois mois m'ont bousillé mes 59 ans de vie.
- Et ton fils, il dit quoi ?
- C'est lui qui me fait tenir en l'air.

J'ai serré dans mes bras et embrassé mon Jeannot.


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