En 1115, l'on mentionna déjà une églisette St Pierre en la colonie de "Zderaz". Mais la vraie construction romane se passa entre 1170 et 1181 lorsqu'on construisit un édifice à vaisseau unique, que l'on consacra en cette même année (1181, le 26 novembre) à St Pierre et Paul. C'était une petite construction à 1 vaisseau classiquement fermée à l'Est par une abside et à l'Ouest par une tour quadrilatérale. Aujourd'hui il n'en reste que 2 fenêtres géminées (jumelles) typiquement romanes sur la façade Ouest, en haut, lorsque vous regardez depuis la rue "Dittrichova" (c.f. mes photos). Notez l'emplacement curieux de ces 2 fenêtres par rapport à l'édifice actuel (dans le haut du coin gauche), à se demander quelle est la courge d'architecte qui est allée te me les fourrer là? Aux alentours de 1380, l'on transforma la bâtisse en gothique et l'on en profita pour rallonger sensiblement le choeur, dans lequel l'on peut encore voir des restes de la tour romane d'origine (mais vraiment des restes, genre des bouts de caillasse qu'il faut vraiment savoir qu'ils sont romans), mais également des restes de peintures gothiques datées d'environ 1400. En 1420 et par conséquence des guerres hussites, l'église leur passa dans les mains (aux hussites) et ce pour une durée d'environ 2 centenaires. Vers la fin du XIV ème siècle, le duc "Jan Zhořelecký" possédait et habitait dans la maison voisine de notre église. Il était le dernier fils du bon roi Charles IV (et d'Elisabeth de Pomme-et-radis), frère (indirect) du roi "Václav IV" et de l'autre fripouille de "Zikmund" (futur roi). En 1396, Jean mourut dans son sommeil de circonstances curieuses à l'âge de même pas 26 ans (compte tenu du contexte politique et de ses relations familiales tendues, les historiens n'écartent pas l'hypothèse d'un empoisonnement bien qu'ils n'aient pas de preuve), et ses biens revinrent tout naturellement à son frère et roi "Václav IV". Celui-ci fit fortifier le fief à fond,
Bon, alors dedans, y a quand même des trésors. Déjà dans le choeur, vous pouvez apercevoir des restes de peinture gothique du XV ème siècle représentant la maternité de la vierge Marie (lisez l'article en Québécois, j'adore) et l'annonciation aux pieds de l'arbre de vie, eh oui. Dans la nef, la voûte en étoile est l'oeuvre de "Karel Mělnický" (l'architecte fut anobli en "Karel Mělnický z Karlsperka" par le loufoque empereur Rudolf II après qu'il eut construit le château d'eau de la nouvelle ville ["Novoměstská vodárenská věž"]) et date des années 80 du XVI ème siècle. Quant aux peintures représentant les légendes de St Venceslas, elles sont l'oeuvre de "Josef Hager" (fresques en la chapelle St Anne à "Kašperské Hory", Ste Cécile en l'église St Nicolas de "Malá Strana", ou encore en la splendide église St Adalbert de "Vejprnice", construction du fabuleux "František Maxmilián Kaňka") de la seconde moitié du XVIII ème siècle. La sacristie (pas photographiée) comporte de splendides stucatures bas-baroques ainsi que des peintures (vers 1670) représentant le couronnement de la vierge et les légendes de St Venceslas, eh oui, encore, ben tiens, l'église lui est consacrée. Alors j'ai pas de photos de la sacristie, parce qu'en arrivant dans l'église, la petite de l'accueil me demanda si je comptais faire des photos, ce qui me sembla aussi évident que de demander à un chien s'il allait fouetter de la queue (quand il en a une). Elle m'invita alors à bien vouloir porter mon nom, ma qualité et mon adresse sur un bout de calepin, parce que comme l'église est classée monument historique, ben Madame la curé souhaitait conserver trace des impudents qui prenaient photos!? Parenthèse: bien que l'église hussite soit de rite chrétien, elle n'en accepte pas moins du personnel de sexe faible (terminus technicus, n'y voyez point outrage) ce qui est preuve d'une certaine ouverture cruellement absente au sein de l'église romaine. Sinon j'écris volontairement Madame la curé sans "e" malgré que le peu d'exemples féminins dans ce ministère furent écrits avec un "e" (c.f. Marianne coïtée par le curé patriote dans "le Palais Royal" de Nicolas Edme Restif de La Bretonne: "Je serai donc Madame la curée?"). Le substantif féminin avec "e" (curée donc) me rappelle trop la bidoche encore chaude et sanguinolente que l'on jette aux clébards valeureux après l'hallali, tandis que le participe passé me rappelle trop le frotti de la bidoche encore chaude et sanguinolente que pratique le gynéco valeureux après la maladie, et du coup "Madame la curé" me semble mieux que "Madame la curée". Fin de parenthèse. Ah ouais donc, Madame la curé souhaitait posséder mon pédigrée? Et pour en faire quoi, de toute façon comment pourrait-elle retrouver dans toute cette liste qui a fait quoi des photos qu'il a prises? J'écrivis donc malproprement (j'écris particulièrement mal de la mimine, "à la toubib") mais honnêtement mes références et partis à la chasse aux images. En arrivant près de la sacristie, j'aperçus par la porte ouverte LA Madame la curé occupée à une besogne indéterminée, aussi je jetai un rapide coup d'oeil dans la pièce et disparus discrètement avant qu'elle ne m'aborde sur la question délicate de la photo. Du coup, ben j'ai pas de photos de la sacristie. Sapristi! J'ai par contre des photos de l'autel et de la haute croix en bois créés en 1930 par le fabuleux "František Bílek" (encore que cette sculpture là n'est pas totalement à mon goût, genre il n'est pas beau monsieur Jésus, j'en connais des autrement plus mieux). Pis surtout, j'ai des photos des fantastiques peintures renaissance tardive (première moitié du XVII ème siècle) sur le plafond à caissons juste en dessous de la tribune d'orgue. Les thèmes sont les actes de charités et la glorification de dieu par les psaumes, un programme aussi chiant que l'élection de miss-rillette à la téloche un dimanche de pluie en Bretagne, mais la réalisation est splendide (c.f. mes photos). Dans la série charité, notez l'extrait de la 1ere épître de St Paul aux Corinthiens, chapitre 13.3 "Et, si distribuero in cibos pauperum omnes facultates meas, et, si tradidero corpus meum, ita ut ardeam, caritatem autem non habuero, nihil mihi prodest" ("et quand je distribuerais tous mes biens pour la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon corps pour être brûlé, si je n'ai pas la charité, cela ne me sert à rien". La traduction en Français me semble boiteuse, mais c'est la fidèle transcription de Louis Second, citoyen Suisse, ça explique sans doute...) Et ce n'est point hasard que cette phrase se trouve là, puisque c'est un des arguments sur lesquelles se basait "John Wycliffe" en 1376 pour s'en prendre à la richesse et à la corruption du clergé dans son "Tractatus de civili dominio" (c.f. le second argument). Et lorsqu'on sait que "John Wycliffe" était l'un des plus importants instigateurs de la pensée de "Jan Hus", et que notre église est hussite depuis les guerres (hussites)... eh! Tout se tient, ben tiens.
Dans la série "psaumes", vous pouvez noter "Laudate Eum in sono tubae, laudate Eum in timpano e choro, laudate Eum in cordis e organo..." (Louez-le [dieu] au son de la trompette, louez-le avec tambourin et choeur, louez-le avec cordes [instruments à] et orgue...). Il s'agit d'un extrait du psaume 150 de la Vulgate qui fut également repris par Igor Stravinsky en 1930 dans sa symphonie des Psaumes pour choeur et orchestre. Il y en d'autres encore, des extraits de psaumes, mais passons à celui qui est sans doute le plus intéressant: "Qui potest capere" (généralement "Qui potest capere capiat", comprenne qui pourra... c'est la traduc) qui s'inscrit dans "Sunt enim eunuchi qui de matris utero sic nati sunt et sunt eunuchi qui facti sunt ab hominibus et sunt eunuchi qui se ipsos castraverunt propter regnum caelorum qui potest capere capiat" (Mathieu 19:12, car il y a des eunuques, qui sont ainsi nés du ventre de leur mère, et il y a des eunuques qui ont été faits eunuques par les hommes, et il y a des eunuques qui se sont faits eux-mêmes eunuques pour le Royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre ceci, le comprenne). Pour les détails, je vous laisse lire les Critiques philosophiques et littéraires, tome 3, de Antoine-Vincent Arnault qui traite des eunuques, et qui aborde notre chapitre 19 de St Mathieu en page 445. Alors pourquoi justement ce passage? N'y aurait-il pas comme un lien avec les castrats et le chant des psaumes dont l'église était particulièrement friande, comme le souligne Antoine-Vincent Arnault: "Rome n'en pas a été pourtant moins grande consommatrice d'eunuques que Constantinople. Frappée de la mélodie de la voix de ces infortunés, l'église romaine les a employés longtemps à chanter les louanges de Dieu, comme si ces voix pouvaient lui plaire, et elle a ainsi contribué à perpétuer cette infâme fabrication. Si c'est parce qu'il y avait des eunuques qu'elle les a employés, bientôt on a fait des eunuques parce qu'elle les employait." Mais c'est ignoble, une horreur Thérèse! Mais après tout, "qui habet aures audiendi, audiat".
Ben voilà tout ce qu'on pourrait dire sur notre église, en gros, genre. Si jamais vous passez par Prague en voiture, il y a de fortes chances que vous vous retrouviez coincés dans l'inévitable bouchon de la rue "Resslova", et ce dans les 2 sens car c'est un important carrefour de communication, donc n'oubliez pas d'admirer le bel édifice. Et même si vous avez quelques minutes, garez votre carrosse à proximité, et allez vous restaurer dans la taverne "Aux parachutistes" ("U Parašutistů") juste en face. La Prazdroj y est bonne, la cuisine goûteuse, et les prix des plus raisonnables. Une vraie bonne taverne tchèque comme je les aime, avec ses "štamgast" locaux bien entamés, son brouhaha constant et son odeur de cigarettes froides. Mieux, les passionnés d'histoire (et tout particulièrement d'histoire de la seconde guerre mondiale) pourront y trouver des photos, des documents, des reliques et autres fourbis concernant l'opération Anthropoïde (d'où le nom de la taverne, "Aux parachutistes"). Il ne me reste plus qu'à vous mettre les coordonnées: 50°4'31.981"N, 14°24'58.245"E, mais si vous n'avez pas de GPS, suivez les bouchons et vous tomberez droit dessus, sur notre église.