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Un pays dans le ciel, la chronique entre deux cieux

Publié le 01 février 2022 par 7bd @7BD

Un pays dans le ciel, une fiction du réel

Un pays dans le ciel, la chronique entre deux cieux


Titre : Un pays dans le ciel,
Auteur : Aïat Fayez (scénario), Charlotte Melly (dessins)
Editeur : Delcourt
Collection : Encrages
Année : 2021
Page : 328

Résumé de l'histoire d'un homme sans foyer qui témoigne:

Une jeune étudiante loue une chambre à Vienne pour quatre jours. Son hôte l'accueille. Dans l'échange, il finit par raconter son histoire, il est Libanais et a tenté en France d'obtenir le droit de séjour pour finir à Vienne. Il a ensuite assisté, en tant que romancier en résidence, aux entretiens de demande d'asile des étrangers.
C'est ainsi qu'il a découvert ces hommes, ces femmes, ces enfants qui venaient répondre au mieux, parfois en trichant, parfois sans comprendre ce qu'on attendait d'eux, aux questions que leur posaient des fonctionnaires français, chargés de démêler le vrai du faux, et surtout chargé de décider ce qui allait advenir de ces exilés : leur donner le droit d'asile ou les renvoyer chez eux ?
Voilà ce que Aïat raconte à cette jeune étudiante, sans oublier ses émotions, son ressenti, qu'il partage le plus honnêtement possible. Au fur et à mesure de son récit, les deux inconnus se découvrent.

Un pays dans le ciel, la chronique entre deux cieux

Scénario d'un entre-deux complexe:

A travers cette histoire fictionnelle, ce sont de véritables témoignages que Aïat nous expose. Ces récits de personnes entre deux mondes, assis dans un bureau sobre, devant raconter leur périples, leurs calvaires, sont assez déroutants. Nous sommes à la fois en empathie avec ces gens perdus, qui cherchent une issue à leurs problèmes - grâce aux descriptions d'Aïat, nous comprenons mieux leur détresse -, et en même temps, nous sommes aussi du côté de ceux qui posent les questions et doivent rendre un rapport.

Chercher à démêler le vrai du faux, car il existe des "préparations" à ce type d'entretien, pour être sûr de décrocher l'asile comme on se révise pour décrocher un diplôme, rester à l'écoute sans complètement tomber dans l'empathie, entendre jour après jour des histoires dures, affreuses, et voir les refus de ces demandes s'entasser, voilà la vie de ces fonctionnaires qui est assez difficile.
Cette BD parvient à mettre en avant les deux points de vue, sans oublier celui de témoin de Aïat qui assiste à ces entretiens, mais il ne s'agit pas d'un point de vue extérieur, objectif, Aïat au contraire, même s'il ne participe aucunement à ces entretiens, est affecté par ce qu'il entend et voit. Car cela le renvoie à ce qu'il a vécu.
La notion d'étranger, de foyer, font partie des thématiques de cette BD. Il ne s'agit pas là d'un reportage mis en bande dessinée, mais bien d'une fiction qui présente des faits réels.
La partie fiction est cet échange viennois entre Aïat et cette étudiante qu'il accueille, qui fait le liant entre tous ces témoignages. Car Aïat raconte ces témoignages, qui eux-mêmes racontent des vies. On a donc une sorte de double projection.
L'objectivité n'est plus de mise. Car, de plus, nous n'aurons jamais les réponses sur ces entretiens, qui a dit vrai, qui a menti ?
Comment résoudre ce type de situation ? Ce fameux "Bunker", l'endroit où se déroule les entretiens, est-il la bonne solution ? Mais quelle autre solution pourrait être proposée ?

Un pays dans le ciel, la chronique entre deux cieux

Le dessin du réalisme à l'abstrait:

Charlotte Melly, qui a adapté le récit de Aïat, nous offre un trait qui alterne poésie et concret. Les témoignages sont présentés dans des cases serrées, exilés de face, avec les personnages qui s'expriment dans leur langue d'origine, écrite dans l'alphabet d'origine, et traduite par les soins de l'interprète présent. Ce qui offre un double jeu de bulles, entre ce que dit la personne dans sa langue et ce que traduit l'interprète, qui lui-même a parfois du mal à rester neutre.
Ces cases sans contour sont parfois marquées par un trace, un trait différent, une tâche qui s'étend, comme lors de l'entretien d'un jeune garçon, ancien enfant soldat, qui raconte sa vie.
A côté de cela, les témoignages et les rencontres avec les fonctionnaires français, ces hommes et femmes au contact des réfugiés chaque jour, sont eux aussi traités avec un certain réalisme. Dans les couloirs, les corridors du "bunker", dans les associations de demandeurs d'asile. Tout cela en bichromie,jouant sur les teintes de bleu et de rouge.
Lors des retours à l'échange de Aïat et Charlotte, à Vienne, là aussi, on retrouve cette bichromie mais la composition explose. Les bulles flottent dans l'air, les plantes prennent le pas sur l'homme, les vues de la pièce, de la ville, les gros plans sur les pieds, les mains, les bouches, s'étalent tout au long de ces planches. La discussion n'en demeure pas moins sérieuse.
Mais,tout n'est pas si simple, car les périodes au bunker aussi peuvent prendre de l'espace et sortir de ce schéma des petites cases serrées, en jouant sur des zooms avant vers le regard d'un personnage, ou bien en sautant dans le récit raconté, en se rendant sur des cartes géographiques...
La bichromie est tenue, entre bleu et rouge, entre violet et saumon.
Charlotte Melly passe par des techniques d'aquarelle, les traces diluées servant parfois de fond au personnages tracés avec plus de corps, de densité. Le pinceau avance en pleins et déliés, donnant du corps et de l'épaisseur aux personnages.

Un pays dans le ciel, la chronique entre deux cieux

Conclusion d'une BD qui secoue:

Ce récit est dur, mais il vaut la peine de s'y plonger, pour mieux comprendre ce que traversent ces demandeurs d'asile. Un avertissement placé en début d'histoire vous rappelle de commencer cette lecture en étant dans de bonnes conditions. Ce qui est totalement justifié vu la dureté de certains récits.
Zéda au bunker des demandeurs d'asile.

Un pays dans le ciel, la chronique entre deux cieux

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