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Bel-Ami a le cafard

Publié le 06 août 2008 par Magda

Bel-Ami a le cafard

Sagamore Stévenin incarne Bel-Ami, dans l’adaptation télévisée de Philippe Triboit

Je l’avoue tout de go* : je n’avais jamais lu Bel-Ami. Pourtant, je suis mordue de Maupassant - comment ne pas l’être. Or, voilà que, perdu dans un recoin de mon antre bourguignonne, je mis la main, la semaine dernière, sur un exemplaire de Bel-Ami, corné et annoté par ma petite sœur qui faisait semblant de le lire pour son bac, il y a déjà sept ans de cela. Quelle aubaine! Je le lus. Pas complètement toutefois. Car, bien qu’admirablement happée par la verve sublime de Maupassant, je dus interrompre ma lecture (Maupassantus interruptus, dirait notre ami Christophe) à cause d’une une catastrophe “naturelle”. Lisez plutôt.

Bel-Ami, ce salaud d’arriviste à la moustache fine**, me suivait partout, dans le jardin bourguignon au coeur des bosquets d’althéas, sur les banquettes de skaï de la vieille micheline qui me ramena d’Auxerre à Paris et parmi les voyageurs blasés du métro parisien. Enfin, la vie effrénée de la capitale s’empara à nouveau de moi, et je laissai pour une petite soirée seulement mon bel ami reposer près de mon ordinateur, sous la lumière bienveillante de ma lampe de bureau. Ce soir-là, je m’adonnai sans retenue à une fiesta largement arrosée de champagne ; Bel-Ami y assistait, sagement alangui dans le salon, sans un mot. Maupassant se taisait. Vers une heure du matin, après un rangement sommaire des cadavres de bouteilles et de bouchons sauteurs, je m’approchai de Bel-Ami pour l’emporter dans mon lit, légèrement ivre et ravie de me blottir entre ses pages.

Mais il avait le cafard. Ou plutôt, UN ÉNORME CAFARD avait installé ses quartiers d’été sur sa couverture.

Parfois, on ne se sent pas du tout, du tout, du tout l’âme d’une Lara Croft. Donc, je poussai un hurlement strident digne d’un manga pour écolières. Que faire? Abandonner Bel-Ami à la Bête immonde? Laisser souiller ses délicieux favoris par ce monstre couleur chiasse? Après un examen tremblant de la situation (la bête est là, ses antennes rabattues devant elle, ivre peut-être elle aussi… elle ne semble pas consciente de la terreur qu’elle m’inspire), je prends l’aspirateur et me précipite avec des cris de dégoût sur cet animal indigne d’existence. Mais voilà que Bel-Ami résiste, la couverture se plie sous la puissance de l’aspirateur, la bestiole est coincée à mi-chemin du conduit, la tête se débat à l’extérieur et dans mon angoisse, je donne plus de voix que la Castafiore en répétition. Ma main, qui à cet instant ressemblait à celle de feu Jean-Paul II en pleine période Parkinson, s’abat sur un coin du livre pour le maintenir, la bête disparaît dans la tornade de la machine et mon pied écrase le bouton marche-arrêt. C’est fini. Le calme est revenu.

Comme mue par une télépathie dont je lui suis totalement reconnaissante, Madame de… appelle à cet instant pour me sommer de finir la fiesta dans son palace délabré (Madame de…, dite aussi J., squatte cent mètres carrés en travaux en plein Paname). C’est pas là-bas que j’aurais le cafard. Zou, je m’enfuis chez Madame de…, en serrant convulsivement Bel-Ami contre ma poitrine.

Quand soudain, en fermant la porte, une pensée terrible m’arrête…

Merde… et si j’avais aspiré Kafka?

* On n’emploie pas assez “tout de go”. J’ai décidé d’en rétablir l’usage.

** Bel-Ami raconte l’histoire d’un jeune homme sans le sou, qui grimpe les échelons de la société en utilisant sans vergogne son pouvoir de séduction sur de pauvres femmes éperdument amoureuses de lui.


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