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Chroniques de l’ordinaire bordelais. Épisode 403

Publié le 27 février 2022 par Antropologia

Menocchio[1] n’est pas seul…

J’avais lu le quai d’Ouistreham de Florence Aubenas à sa sortie. Le livre m’avait mise très en colère car j’y avais vu un grand mépris de classe, au point d’avoir écrit un court texte (non publié) assassin. Des notes retrouvées sur une feuille soigneusement pliée, glissée dans le livre et oubliées depuis, en témoignent aussi.

Je me souvenais notamment de ses « moqueries » sur l’alimentation des pauvres et en particulier, sur leur consommation de raviolis. Pendant une dizaine d’années, à la moindre évocation de ce livre, je reparlais invariablement de ces raviolis…

Alors à la sortie du film d’Emmanuel Carrère, je suis allée le voir afin de vérifier s’il était tombé dans le même travers, le mépris de classe. J’ai été agréablement surprise du parti pris de montrer d’emblée le subterfuge, se faire passer pour une femme pauvre (pour faire court) et cacher son véritable dessein : écrire un livre, qui génère le malaise du spectateur tout au long du film.

J’ai alors décidé d’écrire un article, abordant cette question épistémologique et, à la fois par honnêteté intellectuelle et pour documenter l’article, de relire le livre. Stupeur ! Les raviolis ne sont jamais mentionnés !

Mais comme je suis mauvaise perdante, j’évoquerai pendant la décennie qui vient le pantalon de jogging repassé avec le pli. Comme l’indien Kwakiutl de Boas qui à New York ne s’intéressait pas aux gratte-ciels mais aux boules de laiton des rampes d’escaliers et aux femmes à barbe, riches et pauvres s’observent d’une manière particulière, avec un regard de classe.

Colette Milhé


[1] Le fromage et les vers, Carlo Ginzburg.


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