Magazine

Archive II

Publié le 28 février 2022 par Alexcessif

 

"J'avais une ferme en Afrique, au pied des collines du Ngong"

Nan j’déconne ! Rien à voir avec l’incipit célèbre de Karen Blixen et sa "Ferme africaine".

J’ai eu des animaux de compagnie et un jardin en Aquitaine.

Plutôt par le stratagème des circonstances que par ce vide existentiel qui pousse un être humain déçu des relations avec ses congénères à négocier l’affection intéressée d’une boule de poils malodorante pour la chaleur nocturne d’un être vivant. Echange réduit à sa portion congrue. Commerce asymétrique.

Souvent, une mémère aura à cœur d’adopter un truc pas trop encombrant format sac à mainen souvenir d’un déserteur et, pour pépère, un clébard servile en mémoire de "celle que l'on connaît à peine, qu'un destin différent entraîne et qu'on ne retrouve jamais" pour l'aider à oublier celle qu'il n'a pas su retenir

Bref !

On va zapper les contraintes ménagères …

Elliott le chien poussait des soupirs à me fendre le cœur quand je rentrais du taf en lui taquinant la patte distraitement, me précipitant vers l’ordi. Il se levait, glissait sa tête sous mon coude et j'abandonnais la fabrication de mon devis en cours séance tenante pour une promenade salutaire. Il savait ce qui était bon pour nous y compris quand il pleuvait. Je l’amenais partout y compris au bureau quand j’étais de permanence. Sa maitresse travaillait plus tard que moi trois soirs par semaines alors nous attendions ensemble cet autre animal de compagnie qui embellissait nos vies. Avec Elliott je partais de loin. J’étais autodidacte en clébard. Alors j’observais, je questionnais, j’écoutais les autres maîtres. Ils étaient unanimes : je devais m’imposer ! J’étais promu chef de meute, mâle dominant. Un rôle que j’acceptais en intermittence selon le script du jour sous la couette mais avec un clébard cela me convenait moyen. Les cours d’initiation donnés (pas vraiment) par des comportementalistes canins étaient sensés m’apprendre le sens de l’ordre donné fermement et de l’obéissance rendue immédiatement. Bon ! Elliott obtempérait avec un regard qui me disait "Pauvre imbécile, tu commandes et je t’obéis mais c’est de moi que te vient ce pouvoir". J’allais aux renseignements dans la tribu des dominants. L’un d’entre eux m’impressionnait. Il roulait sur son vélo dans le quartier tenant en laisse un monstre à quatre pattes, un dogue argentin qui devait peser le poids de ma conscience. Le cycliste et la bécane auraient pu devenir un drapeau flottant au vent s’il prenait à la bête l’idée de courser un chat. Le gars que je croisais souvent avait en toutes circonstances une confiance absolue en son autorité. Je m’informais de sa méthode. "Une bonne branlée quand il était petit. Incapable de bouger pendant trois jours et sans bouffer, à la première gamelle il avait compris qui était le patron !"

Sevrer un chiot à coups de lattes, je ne savais pas faire. J’étais perplexe. De mémoire, mon père confondait le dressage des chevaux avecl’éducation des enfants oubliant que l’épiderme d’un bourrin était épais. J’étais plus enclin à obéir à "mon" chien réclamant la promenade qu’à lui gueuler dessus. Sa façon d’avancer vers moi quand je montais le son pour le faire revenir vers moi, les oreilles basses, le regard rampant s’agenouillant en position de soumission quand il parvenait à ma proximité ne m’inspirait que de la honte. Puis, je constatais que les adeptes du "aupiedcouchépasbougé" exigeaient un public. L’animal obéissait à un ordre inutile et son intelligence était indexée sur l’ego (et celle) du "maître " A vaincre sans périls …

J’avais choisi de promener Elliott sans laisse et de n’intervenir que pour des injonctions concernant sa sécurité. S’il coursait un chat je laissais faire - à la maison nous avions la chatte Romeschka qui le calmait d’un regard- si le chat traversait la rue je claquais un "NON !" très convainquant (ou con vainqueur) et le récompensait d’une caresse.Avec 100% de réussite nous avions établi un protocole de communication réduit à l’essentiel mais d'un commerce équitable.

Archive II
Archive II

Archive II

Avec Romeschka c’était une autre partition. Ma tendresse ne l’intéressait pas, le câlin n’était pas négociable. C’était une passante. J’admirais son élégance que je ne me risquerais pas à décrire afin de ne pas nuire à Baudelaire (Viens, mon beau chat, sur mon cœur amoureux retiens les griffes de ta patte et laisse-moi plonger dans tes beaux yeux mêlés de métal et d'agate…) et surtout parce que c’était une chatte.

Je lui devais mon "succès" Elle passait ses journées dehorsdans des randonnées intimes et secrètes. J’étais absent de sa vie, de ses rencontres, de ses activités. Son alimentation me répugnait et c’est sa maitresse qui s’occupait de sa litière. Qu’elle passe ses journées dehors et rentre pour nous gratifier de ses déjections immondes dans un endroit dédié comme autant de trophées, me consternait. Je doutais qu’elle m’identifie en figure déiste et ne prenais pas pour offrandes les carcasses d’oiseaux qu’elle rapportait exclusivement à mes pieds. J'ignorais ses tentatives de séduction, je me bornais à lui servir de portier, jamais la nourrissant. Elle m’ensorcelait, imprévisible et autoritaire, quand elle se blottissait sur mes cuisses. Mes angoisses s’estompaient. La nuit, elle pesait sur ma poitrine d’une affectueuse pesanteur, sa merveilleuse tête satanique à quelques centimètres de mon visage, ses yeux céladon dans les miens et elle ronronnait. Je sentais une chaleur bienfaitrice m’envahir, mon imagination voyait des ombres maléfiques sortir à travers le Velux constellé d’étoiles. Le lendemain, je transformais en bon de commande le devis qui allait sauver mon salaire du mois. La nuit, si j’oubliais de rabattre le capot du clavier, elle jouait sans partition au pianod’étranges aubades succubes. A l'inverse du chien, l'admiration ne brillait pas  dans des yeux qu'elle ne levait jamais vers moi. Question de taille, pas d'estoc. Je dépendais de son indépendance

Ces bestioles à quatre pattes ont accompagné une tranche de vie utile et agréable avant que je ne m’installasse dans le contradictoire temporaire. Sans elles, doté de jouets mécaniques ostentatoires et dérisoires en attendant celle "quiendort les plus cruels maux", celle "qui contient toutes les extases, pour dire les plus longues phrases, elle n’a pas besoin de mots "


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Alexcessif 80 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte