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Anicet, une litanie de bleus

Publié le 28 février 2022 par Aicasc @aica_sc
Anicet, une litanie de bleus

Les lignes imaginaires de Victor Anicet

Le 22 février, le  LPO Victor Anicet de Saint – Pierre et Valérie John  présentaient en partenariat avec La fabrique décoloniale  un ouvrage récent , édité par les presses universitaires des Antilles sous la direction de Dominique Aurelia , Les lignes imaginaires de Victor Anicet, avec des textes de Dominique Aurelia, maître de conférences à l’Université des Antilles, Naima Hachad, maître de conférences à l’American University de Washington, Valérie Loichot, professeur de littérature à l’Université d’Emory à Atlanta, Monchoachi écrivain et poète, Guillaume Pigeard de Gurbert, docteur en philosophie, Olivia Berthon, docteur en arts et sciences de l’art, Fernand Tiburce Fortuné, président de Fwomajé.

Plutôt qu’une note de lecture traditionnelle, je préfère partager avec vous quelques extraits sur l’un des thèmes transversaux du recueil, le bleu dans l’œuvre de Victor Anicet.

Anicet, une litanie de bleus

« Ce bleu, c’est en effet celui du cimetière Atlantique dont la trace lugubre remonte jusqu’aux côtes de Guinée. C’est peut être aussi un cousin de l’indigo venus des tissus d’Afrique subsaharienne, couverts de signes  protégeant la femme enceinte. Ce qui est sûr c’est que les premiers esclaves libres peignaient leur case en bleu. Le bleu encadrait les ouvertures (portes et fenêtres) pour tenir les mauvais esprits à l’extérieur. Mais c’est aussi le bleu de l’esthéticienne qui s’en sert pour faire disparaître les taches : ce qui serait une façon pour l’artiste de revendiquer  le droit au rêve dans un monde où la consommation tient lieu de mythologie. C’est encore ce bleu de rêve encapsulé dans un petit bout de tissu plongé dans l’eau chaude pour blanchir le linge et qui trace ensuite dans la rivière un sillon évanescent  qui ondule jusqu’à la mer. C’et enfin le bleu outre-mer, c’est-à-dire le bleu colonial avec le bleu de l’encre qui patrouille dans les veines de l’écolier. Le bleu d’Anicet qui synthétise tous ces bleus-là se réalise, davantage que dans le bleu du coup qui se voit sur le corps, dans le bleu au cerveau que l’on nomme en créole an blès. Ce bleu là est autant une douleur qu’une couleur. »

Les maux bleus,  Guillaume Pigeard de Gurtbert

Anicet, une litanie de bleus

Le bleu, cependant, ne se limite pas pour Anicet à la mer mais ouvre sur toute une série d’interprétations sédimentées, allant du sens très littéral au métaphorique et au symbolique… Ainsi la couleur bleue peut aussi être lue comme le symbole de l’absence ou du silence d’autres abîmes qui font écho à celui de la mer, symbole de la traversée. De par son association à l’obscurité de la profondeur de la mer et du silence, la couleur bleue  devient la couleur noire du deuil….

Le bleu devient celui de l’encre que l’enfant (Victor Anicet) fabriquait à partir de baies violettes chauffées au bain- marie. L’inscription du bleu de l’inscription  dans son œuvre artistique indique la transformation que subissent les objets assemblés dans le tray…

Anicet, une litanie de bleus

Le bleu, abîme et trait d’union. Le tray est inéluctablement lié au bleu. Les couches de bleus se superposent dans un abîme dont le fond ne peut – être vu. La définition du bleu ne peut être fixée. Elle désigne à la fois la surface belle, gaie et scintillante de l’océan ainsi que ses profondeurs bleu- nuit travaillées par la mémoire du passage transatlantique et du deuil. Le bleu est à la fois l’encre qui écrit et la tache qui recouvre. Anicet utilise la couleur bleue  comme une métaphore des cheminements et processus qui caractérisent la formation de cette identité éclatée, c’est-à-dire aux sources multiples.

Anicet, une litanie de bleus

Le bleu d’Anicet est ainsi de voyage et d’ancrage ; tout en servant de lien transatlantique, il est rattaché à un vécu particulièrement martiniquais. Si le bleu évoque forcément le blues, la Traversée et toutes les souffrances innommables de la diaspora africaine, la misère bleue fait référence à la période de famine qu’on nomme en Martinique An tan Robè, période de blocus et d’occupation du pays pendant le régime de Vichy. Le bleu ainsi signifie la faim, la dépendance et la précarité économique dans l’expérience proprement martiniquaise de l’artiste.

Victor Anicet : le Pays-Martinique ou le bleu de la Restitution, Naima Hachad et Valérie Loichot

Anicet, une litanie de bleus

Vous découvrirez dans cet ouvrage de 150 pages édité par les Presses universitaires des Antilles bien d’autres analyses sur le tray, le signe La Présence de l’Est multiple reproduit sur la tombe d’Edouard Glissant et bien d’autres axes de la création plastique d’Anicet

Voir une vidéo- interview de Victor Anicet à l’occasion de sa participation à la Biennale de Sao Paulo de 2021/2022

Victor Anicet à la Biennale de São Paulo.   Voir également une courte vidéo l’Oeil du lézard sur Victor Anicet, disponible également en anglais et espagnol sur le blog de l’Aica Caraïbe du Sud
https://aica-sc.net/2017/07/27/loeil-du-lezard-victor-anicet/

Lire des articles sur Victor Anicet

“Nos barques sont ouvertes, pour tous nous les naviguons  » (We are sailing for all, on these welcoming caravels) (1) Victor Anicet : Restitution

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