Par Simone Wapler
Au mépris d’une histoire monétaire multimillénaire, les autorités (gouvernements et banques centrales) se sont lancées dans une grande expérience planétaire : la monnaie n’a plus d’ancrage dans le réel, elle repose sur de la dette :
- Aujourd’hui l’argent de votre compte en banque est une dette que votre banque reconnaît avoir à votre égard. Elle vous le rendra… si elle le peut, et si les autorités y consentent (comme les Canadiens, les Libanais ou les Russes peuvent en témoigner).
- Votre livret A est adossé à de la dette publique française. La République française vous rendra probablement cet argent mais nous parlons de 22 950 euros au maximum qui est le plafond du livret A. Et son pouvoir d’achat en carburants n’est déjà plus le même.
- Votre assurance-vie est une dette que votre assureur reconnaît avoir à votre égard. Il honorera ses engagements futurs… s’il le peut sans faire faillite.
- Vos cotisations de retraite complémentaires sont une dette qu’un organisme privé reconnaît avoir à votre égard pour vous les reverser lors de votre retraite, s’il le peut. Et le pouvoir d’achat de ce qu’il vous rendra sera lui aussi érodé.
Certes, vous manipulez – mais de moins en moins fréquemment – des billets. Ils n’ont évidemment aucune valeur intrinsèque. Voyez-les comme un bon d’achat certifié par un banquier central, valable dans une monnaie donnée. Les espèces représentent une très faible proportion de la monnaie en circulation dans les pays développés. Quand la monnaie s’effondre comme le rouble actuellement, ces bons d’achat ne permettent plus d’acquérir grand-chose.
La dette s’est multipliée à un niveau désormais hors de contrôle. Jamais en temps de paix l’endettement public n’avait atteint de tels sommets.
Le Titanic de la dette
La dette mondiale a connu sa plus forte progression en 50 ans
Sur ce graphe, la dette est exprimée en pourcentage des biens et services produits (le PIB)
- Dette mondiale
- Dette publique
- Dette des ménages
- Dette des entreprises non financières
Source : FMI, chiffres publiés le 15 décembre 2021. Le montant total 2020 est de 226 000 milliards de dollars. Il est estimé en septembre 2021 à 300 000 milliards par l’International Institute of Finance.
Le graphique du FMI mesure la dette en pourcentage du PIB. Rappelons que le PIB est la somme des biens et services produit en un an dans un pays.
En 1970, lorsque le dollar était encore rattaché à l’or, la dette représentait l’équivalent des biens et services produits. La dette du secteur privé (entreprises non financières et ménages) en représentait 75 % et celle du secteur public 25 %. Une production de biens et services de 100 était adossée à 100 de dettes dont les trois-quarts étaient émises par le secteur privé.
Aujourd’hui, tous pays confondus, la dette représente 256 % des biens et services produits en un an. Si on considère que la dette doit être adossée à quelque chose de tangible (les biens et services produits, l’économie réelle), 156 % de 300 000 milliards de dollars de dettes ne sont adossés à rien, à du vent, à des promesses de payer.
La dette du secteur privé a doublé et la dette du secteur public a quadruplé, toujours par rapport à ce qui est produit.
Certains esprits subtils vous diront « ha mais, on ne compare pas un stock (la dette) à un flux (la production), blablabla… ». Ce sont des niais (hypothèse bienveillante) ou des manipulateurs (hypothèse complotiste ou populiste). En pratique, on compare toujours une dette à une capacité de remboursement, à des revenus, à la faculté de produire quelque chose. Avant de vous accorder un prêt, votre banquier s’inquiète de vos revenus.
Voici comment se distribue la dette publique par pays (source Visualcapitalist).
Dette publique par pays, rapportée à la taille de leur économie
La dette publique est importante car elle est devenue l’assise du système financier, l’actif le plus sûr. Les bons du Trésor américain jouent le rôle autrefois dévolu à l’or. Les marchés financiers, la réglementation, votre banquier, votre assureur considèrent qu’une obligation d’État émise par les États-Unis, l’Allemagne, la France… ne comporte aucun risque. Elle sera toujours honorée.