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Le visiteur tombe : l'agence immobilière et le vendeur sont responsables.

Publié le 13 mars 2022 par Christophe Buffet

Les époux Joël A. et Anne V. (ci-après 'les époux A.'), assurés auprès de la société Pacifica, ont confié la vente de leur maison d'habitation, sise [...], à la société Paulo Da C. Immobilier, agence immobilière assurée par la compagnie MMA IARD.

La société Paulo Da C. Immobilier a donné mission à M. Johann Dos S. G., agent commercial immobilier assuré auprès de la société MAAF, de faire visiter la maison aux personnes intéressées.

Le 14 mars 2016, M. José C. A., accompagné de son frère Jimmy (intéressé par l'acquisition de la maison), a procédé à la visite de l'immeuble des époux A., sous la conduite de M. Johann Dos S. G..

M. José C. A. s'est, au cours de la visite, rendu dans le grenier. Pour éclairer la cage d'escalier de l'immeuble, la toiture était composée en partie de tuiles en verre et une trémie avait été aménagée dans le plancher du grenier pour laisser passer cette luminosité dans la cage d'escalier. Mais lors de la visite, cette trémie était recouverte d'une plaque de polycarbonate translucide, elle-même recouverte de laine de verre. Lors de la visite du grenier, M. José C. A. a marché sur la plaque de polycarbonate, qui a cédé sous son poids, et il a chuté environ huit mètres plus bas après avoir percuté une console et la rampe d'escalier. Il a été sérieusement blessé, notamment à la tête.

Suivant exploit du 5 octobre 2016, M. José C. A. a fait assigner les époux A. devant le tribunal de grande instance de Nancy afin d'obtenir une provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.

Les époux A. ont fait assigner en intervention forcée et en garantie M. Dos S. et la société Paulo Da C. Immobilier

Par ordonnance sur incident du 6 juin 2017, le juge de la mise en état a ordonné une expertise confiée à M. Dominique M., afin notamment de décrire les lieux, de déterminer les responsabilités encourues et d'évaluer, s'il y a lieu, les préjudices subis. Cet expert a déposé son rapport définitif le 11 avril 2018.

M. José C. A. et la société JCN dont il est le gérant ont notamment demandé au tribunal, outre une provision de 20 000 euros :

- de condamner in solidum les époux A. et leur assureur, la société Pacifica, ainsi que la société Paulo Da C. Immobilier et son assureur la MMA, et M. Dos S. et son assureur, la MAAF, à l'indemniser du préjudice résultant de son accident,

- de désigner un expert pour déterminer ses préjudices causés par l'accident,

- de donner acte à la société JCN qu'elle se réserve de solliciter l'indemnisation de son préjudice causé par l'accident de M. José C. A.,

- de déclarer le jugement à intervenir opposable à Agir Mutuelles (organisme conventionné RSI) et à la Société Générale qui est sa complémentaire santé.

Les époux A. et leur assureur ont conclu au rejet des demandes et à la condamnation solidaire de M. Dos S. et de la société Paulo Da C. Immobilier, et de leurs assureurs, à leur payer leur préjudice matériel, soit 830 euros.

La société Paulo Da C. Immobilier et son assureur, MMA IARD, ont demandé au tribunal de rejeter les demandes formées à leur encontre.

La caisse RSI a sollicité la condamnation in solidum des époux A., de la société Paulo Da C. Immobilier et de MMA, de M. Dos S. et de la MAAF à lui rembourser ses débours provisoires à hauteur de 21 304,49 euros, outre 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion et 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société Générale, complémentaire santé de M. José C. A., n'a pas constitué avocat devant le tribunal.

Par jugement rendu le 6 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Nancy a :

- déclaré les époux A. et M. Dos S. entièrement responsables du préjudice subi par M. José C. A.,

- condamné in solidum les époux A. et leur assureur (la société Pacifica), M. Dos S. et son assureur (MAAF Assurances) à indemniser M. José C. A. du préjudice consécutif à l'accident,

- dit que dans les rapports entre les co-obligés, le partage de responsabilité doit s'effectuer à 50% pour les époux A. et à 50% pour M. Dos S.,

- condamné in solidum M. Dos S. et son assureur (MAAF Assurances) à garantir les époux A. à hauteur de 50% des condamnations prononcées à leur encontre,

- condamné in solidum M. Dos S. et son assureur (MAAF Assurances) à payer aux époux A. la somme de 415 euros au titre de leur préjudice matériel,

- condamné in solidum les époux A. et leur assureur (la société Pacifica), M. Dos S. et son assureur (MAAF Assurances) à payer à M. José C. A. une provision de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

- débouté la CPAM du Puy-de-Dôme (venant aux droits de la caisse RSI) de sa demande de provision,

- rejeté les demandes formées à l'encontre de la société Paulo Da C. Immobilier et de MMA IARD,

- ordonné une expertise, confiée au docteur Serge B., pour déterminer le préjudice corporel de M. José C. A.,

- renvoyé l'affaire à la mise en état en attendant le dépôt du rapport de l'expert.

Par déclaration enregistrée le 8 janvier 2021, M. Dos S. et son assureur (MAAF Assurances) ont interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions déposées le 22 septembre 2021, M. Dos S. et la société MAAF Assurances demandent à la cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de M. Dos S. dans le cadre de l'accident de M. José C. A., de rejeter les demandes de M. José C. A. et les appels incidents des époux A. et de leur assureur (Pacifica), de déclarer irrecevable (subsidiairement mal fondé) l'appel de la CPAM, de rejeter l'appel en garantie de la société Paulo Da C. Immobilier et de son assureur (MMA), de condamner M. José C. A., les époux A. et Pacifica à leur payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de leur appel, M. Dos S. et la société MAAF Assurances exposent notamment :

- que la victime de l'accident et deux témoins n'ont pas entendu les propriétaires des lieux prévenir quiconque du danger existant dans les combles lors de leur visite de la maison, alors pourtant que les propriétaires étaient présents,

- qu'avant de faire visiter l'immeuble par M. José C. A. et son frère, M. Dos S. n'avait jamais visité la maison et ne pouvait donc pas imaginer qu'un trou béant dans les combles était camouflé par une simple laine de verre, puisque personne ne l'en avait prévenu,

- que le premier juge a retenu à tort les attestations de MM. Jimmy et Nicolas C. déclarant que M. Dos S. avait été informé du danger, car ces deux témoins ne font que relater les propos du fils des propriétaires tenus après l'accident, qu'au surplus la véracité de ces propos n'est pas certaine,

- que M. I., autre agent commercial mandaté pour effectuer les visites, témoigne qu'il n'avait jamais été alerté sur le danger que présentait la présence d'une trémie dans les combles,

- que le fait pour M. Dos S. de ne pas avoir visité les lieux avant la visite des clients, ni interrogé les propriétaires sur les dangers potentiels de l'immeuble n'est pas fautif (et si fautes il y avait, elles ne seraient pas la cause de l'accident),

- qu'en s'abstenant de sécuriser leur maison ou de prévenir les intervenants du danger, les propriétaires ont commis une faute grave dont ils ne peuvent se décharger sur un tiers, même partiellement,

- que la CPAM ne demande pas expressément l'infirmation du jugement et, subsidiairement, forme un appel incident hors délai.

Par conclusions déposées le 25 juin 2021, M. José C. A. demande à la cour de confirmer le jugement déféré et, y ajoutant, de condamner M. Dos S. et son assureur (MAAF Assurances) à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il fait valoir notamment :

- qu'il fonde sur l'article 1384 alinéa 1 du code civil (ancien) son action contre les époux A., responsables en tant que gardiens du sol, la garantie contre l'agent immobilier, totalement ou partiellement fautif, étant secondaire,

- qu'il appartenait à l'agence immobilière de se renseigner sur le bien immobilier qu'elle faisait visiter ; que suivant l'attestation de M. Jimmy C., le fils des propriétaires avait mis M. Dos S. en garde contre le danger ; que l'agence a fait preuve de légèreté dans la publicité qu'elle a fait paraître en indiquant que les combles pouvaient être aménagées sans travaux.

La société Paulo Da C. Immobilier et la société MMA IARD demandent à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté toute partie des demandes formées à leur encontre ; subsidiairement, si la responsabilité de la société Paulo Da C. Immobilier était retenue, de condamner M. Dos S. et MAAF Assurances à garantir la société Paulo Da C. Immobilier de toutes condamnations qui pourraient être prononcées contre elle ; en toutes hypothèses, de condamner in solidum les époux A. et Pacifica à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Ils font valoir, à titre principal, que la responsabilité de la société Paulo Da C. Immobilier n'est pas engagée, car elle n'a commis aucune faute et les conditions posées par l'article 1994 du code civil pour transférer au mandataire la responsabilité encourue par celui à qui elle a délégué son mandat ne sont pas remplies, d'autant que M. Dos S. n'a lui-même commis aucune faute.

Par conclusions déposées le 25 juin 2021, les époux A. et la société Pacifica demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les époux A. responsables du préjudice de M. José C. A. et tenus de le réparer avec leur assureur, la société Pacifica, et statuant à nouveau, de débouter M. José C. A. de ses demandes formées contre eux ; subsidiairement, de dire que M. Dos S. et la société Paulo Da C. Immobilier ont commis une faute dans la réalisation du mandat de vente non exclusif et que cette faute est à l'origine du préjudice de M. José C. A., en conséquence de condamner M. Dos S. et la société Paulo Da C. Immobilier à garantir les époux A. de toutes condamnations prononcées contre eux ; plus subsidiairement, si la cour maintient la responsabilité des époux A., dire que M. José C. A. a commis une faute ayant concouru à hauteur de 50% à la réalisation de son dommage et réduire son droit à indemnisation de 50% ; en toute hypothèse, infirmer le jugement en ce qu'il les a condamnés à verser à la victime une indemnité provisionnelle de 10 000 euros, débouter toute autre partie de ses demandes contraires et condamner solidairement la société Paulo Da C. Immobilier et M. Dos S. à leur payer une somme globale et unique de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Ils font valoir notamment :

- que la responsabilité du gardien d'une chose inerte ne peut être engagée que si cette chose inerte a eu un rôle actif dans la production du dommage, soit à cause du vice de la chose, soit à cause de l'anormalité de sa position ou de son état, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence,

- que M. Dos S. s'était vu transférer la garde des lieux et de leur structure lors de la visite de la maison, puisqu'il en avait l'usage, la direction et le contrôle ; qu'en effet, les propriétaires étaient priés de rester dans la cuisine lorsque M. Dos S. faisait visiter la maison à des acquéreurs potentiels,

- que les époux A. avaient balisé la zone dangereuse des combles par la pose de tuiles destinées à attirer l'attention des visiteurs,

- que ce n'est qu'à titre subsidiaire qu'ils soulèvent la responsabilité de la société Paulo Da C. Immobilier, qui a sous-mandaté la vente de la maison à M. Dos S. et qui doit répondre contractuellement de celui qu'elle s'est substituée,

- qu'en application de l'article 1994 du code civil, le mandataire (la société Paulo Da C. Immobilier) doit répondre de celui qu'il s'est substitué dans la gestion (M. Dos S.) ; qu'en outre, le gérant de la société Paulo Da C. Immobilier a commis une faute en ne faisant pas une visite préalable des lieux et en publiant une publicité qui indiquait à tort que les combles pouvaient être aménagés sans travaux,

- que la victime a elle-même commis une faute d'inattention ayant contribué à son dommage, d'autant que M. José C. A. travaille dans le bâtiment et aurait dû être plus prudent,

- qu'en l'absence de renseignements sur l'ampleur du préjudice de la victime, l'octroi d'une provision de 10 000 euros n'est pas justifié.

Par conclusions déposées le 27 septembre 2021, la CPAM du Puy de Dôme demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité provisionnelle et, statuant à nouveau, condamner in solidum les époux A. et M. Dos S. et son assureur (MAAF Assurances) à lui payer à titre de provision la somme de 21 304,49 euros au titre du remboursement des débours provisoires ; étendre cette condamnation à la société Paulo Da C. Immobilier et à son assureur si sa responsabilité est retenue ; les condamner in solidum à lui payer 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La société JCN et la Société Générale ont été régulièrement assignées devant la cour d'appel (par signification délivrée le 15 février 2021 à domicile pour la société CJN et par signification délivrée le 18 février 2021 à personne morale pour la Société Générale), mais elles n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la responsabilité de l'accident

1°/ La responsabilité des époux A.

M. José C. A. fonde sa demande contre les époux A. sur l'article 1242 du code civil qui institue la responsabilité du fait des choses.

Pour engager la responsabilité du gardien d'une chose inerte, il appartient à la victime d'établir que la chose présente un caractère anormal ou dangereux, un vice, une défectuosité et qu'elle n'a pas eu simplement un rôle passif dans la survenance du dommage.

En l'espèce, il est constant que M. José C. A. a fait une chute en marchant sur une plaque de polycarbonate qui couvrait au sol une trémie et qui ne pouvait supporter le poids d'un homme, ce qui explique qu'elle ait cédé lorsqu'il a marché dessus.

L'expertise technique qui a été réalisée sur les circonstances de l'accident souligne les points suivants :

- 'la trémie, non seulement n'était pas protégée, mais elle était recouverte de matériaux sans résistance (laine de verre), transformant cette dernière en véritable piège', - cette trémie dissimulée ne faisait l'objet d'aucune protection : ni barrières rigides, ni panneaux de signalisation. Les époux A. soutiennent qu'ils avaient balisé la zone dangereuse en l'entourant de tuiles. Toutefois, la présence de tuiles au sol ne signale pas forcément la présence d'un danger. D'autant que la présence de tuiles sur le sol d'un grenier sous combles ne paraît pas anormale et ne constitue pas en soi une alerte. Le caractère dangereux de la trémie recouverte (qualifiée par l'expert de véritable piège) est ainsi parfaitement caractérisé.

Les époux A., propriétaires de l'immeuble (présumés gardiens en cette qualité), soutiennent que la garde de la chose avait néanmoins été transférée à M. Dos S. le temps de la visite des lieux par M. José C. A..

Le transfert de la garde ne s'opère que s'il y a transfert de l'usage, du contrôle et de la direction de la chose. En l'occurrence, le fait que M. Dos S. ait été autorisé à faire visiter la maison par des tiers qu'il conduisait à travers les différentes parties de cette maison, n'a pas eu pour effet de faire perdre la garde de la maison à leurs propriétaires, d'ailleurs présents lors de cette visite (même si M. Dos S. leur a demandé de rester dans la cuisine).

Par conséquent, c'est à juste titre que le tribunal a déclaré les époux A. responsables de l'accident de M. José C. A. sur le fondement de l'article 1242 du code civil. 2°/ La responsabilité de M. Dos S.

Tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, M. Dos S., en sa qualité d'agent immobilier, avait reçu mandat de faire visiter la maison des époux A. à des acquéreurs potentiels. En sa qualité de professionnel, il lui appartenait de prendre les précautions utiles pour pouvoir conduire ces visites sans faire encourir de danger à ses clients. Par voie de conséquence, il revenait à M. Dos S. de s'enquérir auprès des propriétaires de l'absence de danger à déambuler dans les différentes parties de la maison et de vérifier lui-même cette absence de danger avant d'y introduire et conduire des tiers. Cette obligation s'imposait d'autant plus qu'il ne conteste pas qu'il avait demandé aux propriétaires de ne pas l'accompagner durant les visites avec les clients.

Or, M. Dos S. ne rapporte pas la preuve de s'être enquis des dangers potentiels qui pouvaient survenir lors de la visite de la maison. Pire, M. Dos S. a lui-même indiqué (notamment lors des opérations d'expertise de M. M.) qu'il n'avait jamais vu le grenier avant la visite du 14 mars 2016 au cours de laquelle il y a pourtant conduit M. José C. A. et son frère Jimmy.

Le fait pour M. Dos S. d'avoir, sans être accompagné par les propriétaires, conduit des clients dans un grenier, local décrit par l'expert comme étant plongé dans la pénombre, qu'il dit n'avoir jamais visité préalablement, et sans s'être assuré qu'il était sans danger, constitue une faute. Cette faute est à l'origine de la chute de M. José C. A., puisque si M. Dos S. s'était montré prudent il aurait su que le grenier était dangereux et il aurait pu avertir ses clients du danger.

Par conséquent, sans même qu'il soit nécessaire de rechercher si M. Pierre A. (fils des propriétaires) avait mis en garde M. Dos S. sur l'absolue nécessité de ne pas marcher sur la zone de la trémie recouverte (la réalité de cette mise en garde étant contestée), il convient de dire que M. Dos s. a commis une faute et que cette faute est à l'origine du dommage de M. José C. A.. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point également.

3°/ La responsabilité de la société Paulo Da C. Immobilier

Pour voir retenir la responsabilité de la société Paulo Da C. Immobilier, les époux A. invoquent l'article 1994 du code civil qui dispose que le mandataire répond de celui qu'il s'est substitué dans la gestion de son mandat :

1°/ quand il n'a pas reçu pouvoir de se substituer quelqu'un,

2°/ quand ce pouvoir lui a été conféré sans désignation d'une personne, et que celle dont il a fait choix était notoirement incapable ou insolvable.

Le mandat de vente conclu le 6 janvier 2016 entre les époux A. et la société Paulo Da C. Immobilier stipule qu' 'afin que le mandataire puisse accomplir sa mission, le mandant autorise la délégation'. La société Paulo Da C. Immobilier a donc reçu pouvoir de se substituer quelqu'un, mais l'identité de ce délégataire n'est pas précisée dans le mandat. Il en découle que pour que la société Paulo Da C. Immobilier réponde de la faute denM. Dos S., il faudrait qu'il soit prouvé que ce dernier était notoirement incapable ou insolvable. Or, ni les époux A., ni aucune autre partie ne vient démontrer (ni même prétendre) que M. Dos S. serait insolvable ou notoirement incapable.

Les époux A. reprochent également au gérant de la société Paulo Da C. Immobilier de ne pas avoir effectué de visite de la maison, alors que le mandat stipule que le mandataire doit 'entreprendre toutes les démarches nécessaires pour mener à bien la mission qui lui est confiée'. Toutefois, cette clause dont la formulation est très générale n'implique nullement que le gérant de l'agence immobilière visite lui-même le bien, cette obligation pouvant être remplie par la désignation d'un délégué chargé d'effectuer toutes les démarches utiles pour trouver un acquéreur (ce qui a été le cas de la désignation de M. Dos S.).

Enfin, les époux A. reprochent à la société Paulo Da C. Immobilier l'annonce publicitaire qui a été publiée sur le site 'Le bon coin' au motif qu'elle mentionnait 'aucun travaux à prévoir', alors que l'existence de la trémie impliquait au contraire des travaux de réfection. Mais en admettant même que cette annonce ait été trompeuse, la faute qui aurait été ainsi commise est sans lien direct avec l'accident dont a été victime M. José C. A. : ce n'est pas parce que l'annonce publicitaire annonçait qu'il n'y avait pas de travaux à faire dans la maison que ce dernier a marché sur la plaque de polycarbonate trop fragile pour supporter son poids, mais parce que les propriétaires de l'immeuble ont masqué le trou et cette plaque par de la laine de verre et parce que M. Dos S. ne lui a pas signalé le danger.

Il n'y a donc pas lieu de retenir la responsabilité de la société Paulo Da C. Immobilier, conformément à ce qu'a jugé le tribunal.

4°/ La faute de la victime

L'expert judiciaire chargé de déterminer les circonstances exactes de l'accident est catégorique : la trémie recouverte d'une plaque de polycarbonate et de laine de verre constituait un véritable piège, et il ajoute, de façon tout aussi catégorique : 'Quiconque non averti de la présence de la trémie ne pouvait déceler ce piège'. Personne n'ayant averti M. José C. A. de l'existence de cette trémie, il ne pouvait en déceler la présence et nul ne peut lui reprocher la moindre faute dans l'accident dont il a été victime. Le jugement déféré sera confirmé à cet égard.

5°/ Le partage de responsabilité entre les co-obligés C'est à juste titre que le tribunal a retenu que les époux A. et M. Dos S. avaient une responsabilité partagée dans la survenance de l'accident : les époux A. en ayant omis de sécuriser leur grenier avant qu'il soit visité par des tiers et M. Dos S. en ayant négligé de s'assurer de la sécurité de lieux qu'il faisait visiter dans la pénombre par des tiers. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu une responsabilité à parts égales entre eux.

Sur la provision allouée

L'accident du 14 mars 2016 a causé à M. José C. A. un traumatisme crânien avec hématome extradural, qui lui a valu une hospitalisation en urgence et 25 points de suture sur le cuir chevelu. Suite à son accident, M. José C. A. a présenté des vertiges persistants nécessitant des arrêts de travail. L'étendue exacte de son préjudice corporel sera déterminée par l'expert qui a été nommé par le tribunal, mais au vu des éléments médicaux produits, la provision de 10 000 euros qui a été allouée apparaît tout à fait justifiée.

Sur la recevabilité de l'appel incident de la CPAM

Le tribunal a rejeté la demande de remboursement de débours formée par la CPAM au motif que cette demande est prématurée et devra être appréciée lors de la liquidation du préjudice corporel de M. José C. A..

Néanmoins, la CPAM réitère sa demande de paiement à hauteur d'appel, ce qui s'analyse en un appel incident.

Les appelants ont conclu le 26 mars 2021. En application de l'article 909 du code de procédure civile, la CPAM disposait ainsi d'un délai de trois mois à compter du 26 mars 2021 (soit jusqu'au 26 juin 2021) pour former appel incident. Or, ce n'est que par des conclusions déposées le 12 juillet 2021 (réitérées le 27 septembre 2021) qu'elle a formé son appel incident.

Son appel incident est donc irrecevable.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

M. Dos S. et son assureur, la société MAAF Assurances, qui échouent en leur appel, supporteront les dépens d'appel (hormis ceux de la société Paulo Da C. Immobilier et de son assureur, la société MMA IARD, qu'ils n'ont pas intimés) et ils seront déboutés de leur demande de remboursement de leurs frais de justice irrépétibles. En outre, il est équitable qu'ils soient condamnés à payer à M. José C. A. la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les époux A. et leur assureur, la société Pacifica, qui échouent en leur appel incident et provoqué, seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et seront condamnés, sur ce fondement, à payer la somme de 1 000 euros à la société Paulo Da C. Immobilier et à son assureur, la société MMA IARD, ainsi que les dépens d'appel de ces dernières à l'encontre desquelles ils ont formé un appel provoqué.

La CPAM du Puy de Dôme, qui a formé un appel incident irrecevable, sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

DECLARE irrecevable l'appel incident de la CPAM du Puy de Dôme,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

DEBOUTE M. Dos S. et son assureur, la société MAAF Assurances, ainsi que les époux A. et leur assureur, la société Pacifica, et la CPAM du Puy de Dôme de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. Dos S. et la société MAAF Assurances à payer à M. José C. A. la somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les époux A. et leur assureur, la société Pacifica, à payer la somme globale de 1 000 € (mille euros) à la société Paulo Da C. Immobilier et à son assureur, la société MMA IARD, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum M. Dos S. et son assureur, la société MAAF Assurances, aux entiers dépens d'appel (sauf ceux exposés par la société Paulo Da C. Immobilier et de son assureur, la société MMA IARD) et autorise Me F. et Me Sarah F., avocats, à faire application de l'article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE in solidum les époux A. et leur assureur, la société Pacifica, aux dépens exposés en appel par la société Paulo Da C. Immobilier et par son assureur, la société MMA IARD,

RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal judiciaire de Nancy pour la poursuite de la procédure (expertise médicale et liquidation des préjudices).

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, Président de Chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame Emilie ABAD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT;"


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