Magazine France

Pourquoi j'ai coupé le kiwi en deux

Publié le 07 août 2008 par Roman Bernard

Retour au blog après deux semaines d'absence, avec un sujet d'apparence légère, qui ne devrait pas intéresser au-delà des habitués de la « blogosphère » politique française.
Le traditionnel manque d'inspiration consécutif à toute pause dans la publication me conduit aujourd'hui à expliquer pourquoi j'ai, en mars dernier, quitté le réseau de blogs Kiwis pour fonder LHC avec Lomig Unger, d'Expression Libre.
Cette démarche n'avait rien d'évident pour moi, vu que l'existence de ce blog avait presque coïncidé avec celle de Kiwis, et ce pendant près de neuf mois. Lorsque Criticus fut créé, en mars 2007, rien ne me prédisposait à consacrer autant de temps et d'énergie à la blogosphère. La publication sur Criticus n'a réellement commencé que le mois suivant, en avril, et jusqu'à mon adhésion à Kiwis, je n'écrivais que de petits billets épars, beaucoup plus « sarkozystes » que je ne le suis réellement. Car je ne le suis pas.
Je dois avouer que c'est grâce à Kiwis que mon investissement dans la blogosphère est devenu aussi conséquent, puisque c'est à partir de mon adhésion au réseau, en juin 2007, soit deux mois seulement après le début de la publication régulière de billets, que j'ai commencé à écrire non plus seulement pour moi, mais pour les autres membres du réseau, et au-delà pour les quelques centaines de lecteurs qui ont, de plus en plus, quotidiennement posé leur regard sur ce blog (la fréquentation a beaucoup chuté depuis cet hiver, du fait de la moins grande fréquence de publication; mais, paradoxalement, il n'y a jamais eu autant de commentaires).
En quoi consistait la démarche à la base de la création de Kiwis ? Il s'agissait de fonder un réseau de blogs politiques de sensibilités diverses, de la gauche à la droite, en évitant les blogs militants comme les extrêmes. Une démarche plutôt louable à l'origine. J'avais été parrainé dans ce réseau par Le Chafouin, en tant que blogueur « de droite », chose comique pour l'ancien adhérent du MJS que je suis.
J'ai intégré ce réseau non en tant que co-fondateur, mais ce fut tout comme. Rapidement, j'ai pu faire partie du comité directeur de Kiwis, dont je fais d'ailleurs toujours partie officiellement. Le rôle de ce comité directeur ? Filtrer les demandes d'adhésion au réseau. Le critère principal était la qualité rédactionnelle, mais comme l'appréciation de ce critère est toute subjective, Kiwis est devenu, plus qu'un label qualitatif, un réseau de blogs « amis ». Des amis liés par une obligation commune : pointer vers le portail du réseau.
En inconditionnel du général Alcazar, je cite souvent cette phrase qu'il prononce dans Les Sept boules de cristal, lorsque Tintin présente le capitaine Haddock à celui qui n'est plus que Ramon Zarate, lanceur de couteaux : « Los amigos de nuestros amigos son nuestros amigos. » Il semblerait, pourtant, que dans l'ordre blogosphérique, cette noble maxime soit inopérante. Pire : on peut faire partie du même réseau que certains blogueurs et détester leur prose. On se dit d'abord que la diversité voulue de ce réseau impose à chacun une certaine composition, qu'il est nécessaire de débattre avec des personnes ayant un point de vue opposé au sien, ou, plus prosaïquement, que l'appartenance au réseau amène des lecteurs et des commentateurs. Bref, comme le disait François Hollande au sujet des listes socialistes aux élections régionales de 2004, que « ça vaut le coup ». Mais pas plus que celles du général Alcazar, les maximes de François Hollande ne peuvent être généralisées au monde de la blogosphère.
Car cela ne vaut pas le coup de faire partie de Kiwis. J'ai mis un moment à en tirer les conséquences, par loyauté envers mes pairs plus que par manque de lucidité.
Il y a d'abord eu, à l'occasion de la République des blogs de janvier, une discussion avec Cratyle et Monsieur Pingouin sur l'utilité d'un tel réseau. J'arguais, pour convaincre le premier nommé du bien-fondé de Kiwis, de l'apport de lecteurs et de commentateurs que permet l'appartenance à Kiwis, sans considération du fait que le portail de Kiwis, très peu fréquenté, amène un nombre très faible de visiteurs. C'est d'ailleurs l'un des arguments que m'a opposés Cratyle, qui avait résolu, à plus ou moins long terme, de quitter le réseau. Lorsque sa décision fut prise, pourquoi aurais-je arrêté de le lire, de le commenter, de le citer, et inversement ? Ainsi l'argument « utilitariste » qui seul me retenait encore dans le réseau cédait. Dès lors, je pouvais enfin me décider sur le reste, le plus important : la compatibilité idéologique avec les autres blogs membres du réseau.
Compatibilité idéologique, et même compatibilité tout court. J'ai par exemple très peu goûté les remarques désobligeantes à l'endroit du dessinateur Gief, en février, lorsque j'ai proposé son adhésion aux autres membres. Pierre Catalan, européiste notoire, en bon partisan de la Turquie « européenne », avait opposé son veto, au motif que Gief, dans l'un de ses dessins, aurait fait un « amalgame » entre les propos du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan estimant que l'assimilation des Turcs d'Allemagne est un « crime contre l'humanité » et le génocide des Arméniens de l'Empire ottoman, en 1915. Il n'y a pourtant rien d'« amalgamant » à rappeler que cet islamiste « modéré » est bien mal placé pour donner des leçons ès droits de l'Homme alors que son pays nie toujours la réalité du génocide arménien, et, plus grave, condamne ceux qui osent le mentionner. Mais en européiste zélé, Pierre Catalan est aussi un pourfendeur de l'« islamophobie », qui « amalgame » à du racisme la critique d'un dogme religieux.
Un peu avant la controverse interne à Kiwis sur l'éventuelle adhésion de Gief, il avait écrit un billet au sujet de la possible naturalisation d'Ayaan Hirsi Ali, qualifiant cette femme qui a apostasié l'islam de « forme d'extrême-droite » - alors que c'est une libérale -, pour justifier son propos, selon lequel « La France ne peut pas accueillir toute la misère intellectuelle du monde ». Dans ce billet, Pierre Catalan faisait fi des menaces de mort qui pèsent sur Ayaan Hirsi Ali. Menaces de mort mises à exécution dans le cas de Theo Van Gogh, ce qui ne semblait pas vraiment l'émouvoir.
Mais au moins, Pierre Catalan est un bien-pensant revendiqué, un agent assermenté du politiquement correct. On ne peut donc pas lui reprocher outre mesure d'intégrer tous les tabous de son époque, sinon que cela ne laisse pas d'inquiéter sur le degré de liberté intellectuelle de nos futurs cadres et hauts fonctionnaires européens.
Il n'y a, en revanche, rien de pire que le politiquement correct qui se croit subversif, corrosif. C'est le cas de Frednetick qui, lors d'une sempiternelle discussion par courriel entre membres de Kiwis, s'est fendu d'une petite saillie sur Christian Vanneste. Ce que Le Chafouin et moi lui avons répliqué, c'est que sans forcément partager l'opinion du député UMP sur l'homosexualité, nous estimions qu'il devait pouvoir être libre de l'exprimer. Que n'avions-nous pas dit là ! Pour Frednetick, défendre la liberté d'expression sur l'homosexualité était comparable à l'antisémitisme des nazis ! Je répondis simplement que l'identité juive allait, au contraire de l'homosexualité, bien au-delà de la pratique, qu'elle était un héritage transmis par la mère, etc. Frednetick, manifestement outré par tant d'audace, commit un billet, censuré depuis, dans lequel Le Chafouin et moi y étions qualifiés, en gros, d'homophobes antisémites. Le même Chafouin menaça de quitter Kiwis. Je le fis, et, comme je projetais depuis quelque temps de partir pour un autre réseau, je résolus de fonder LHC avec Lomig, dont je partage le respect absolu et sans condition de la liberté d'expression. Une liberté d'expression qui ne doit céder devant aucun tabou, aucun dogme. Cela paraît évident, mais l'application pratique de la liberté d'expression montre bien que chacun ne partage pas ses exigences. Pour ceux dont le respect de la liberté d'expression est impératif, il est nécessaire de savoir garder ses distances avec ceux qui en font peu de cas. Voilà donc pourquoi j'ai quitté Kiwis, voilà aussi pourquoi, à LHC, réseau qualifié de « libéral » alors que je ne le suis pas vraiment, je veille à ce que les nouveaux membres respectent cette exigence.
Roman Bernard
Criticus est membre du Réseau LHC.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Roman Bernard 428 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte