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Une QPC sur le droit des associations contestant un permis de construire

Publié le 22 mars 2022 par Christophe Buffet

Cette QPC sur le droit des associations contestant un permis de construire a été posée par le Conseil d'Etat le 31 janvier 2022.

Une QPC sur le droit des associations contestant un permis de construire

"Vu la procédure suivante :

L'association La Sphinx a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Versailles de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du 2 avril 2021 par lequel le maire de Palaiseau a délivré à la société Total Paris-Saclay un permis de construire valant autorisation d'aménagement d'un établissement recevant du public en vue de la réalisation d'un centre d'innovation et de recherche sur un terrain situé au sein de la zone d'aménagement concerté du quartier de l'Ecole polytechnique. Par une ordonnance n° 2105783 du 27 juillet 2021, le juge des référés du tribunal administratif a rejeté cette demande.

Par un pourvoi, enregistré le 30 juillet 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, l'association La Sphinx demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Total Paris-Saclay la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Arnaud Skzryerbak, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l'association La Sphinx et à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société TotalEnergies Paris-Saclay ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le maire de Palaiseau a, par un arrêté du 2 avril 2021, délivré, au nom de l'Etat, à la société Total Paris-Saclay, désormais dénommée Total Energies Paris-Saclay, un permis de construire valant autorisation d'aménagement d'un établissement recevant du public en vue de la réalisation d'un centre d'innovation et de recherche sur un terrain situé dans la zone d'aménagement concerté du quartier de l'Ecole polytechnique. L'association La Sphinx se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 27 juillet 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles, après avoir refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle avait soulevée à l'encontre de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, a rejeté comme irrecevable sa demande tendant à la suspension, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de cet arrêté, au motif que les seules mentions de ses statuts susceptibles de lui conférer un intérêt pour agir à l'encontre de décisions individuelles d'urbanisme résultaient d'une modification ayant donné lieu à dépôt en préfecture moins d'un an avant l'affichage en mairie de la demande de la société pétitionnaire, en méconnaissance de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme aux termes duquel : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire ".

Sur la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 prévoient que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux. Il résulte en outre des dispositions de l'article 23-5 de cette ordonnance que, lorsque le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution est soulevé à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat, le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. A l'appui de son pourvoi, l'association La Sphinx demande au Conseil d'Etat, d'une part, d'annuler l'ordonnance du 27 juillet 2021 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qu'elle avait soulevée à l'encontre de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme, d'autre part, de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

4. Ces dispositions, résultant de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, sont applicables au litige. Elles n'ont pas été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans leur rédaction issue de cette loi. La question de l'atteinte que ces dispositions portent aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment au droit au recours garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, présente un caractère sérieux. Il en résulte qu'il y a lieu, d'une part, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée en application des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 et, d'autre part, d'annuler l'ordonnance attaquée en tant qu'elle statue sur la question prioritaire de constitutionnalité.

Sur les autres moyens du pourvoi :

5. Il a lieu de surseoir à statuer sur les autres moyens du pourvoi, dirigés contre l'article 2 de l'ordonnance attaquée, jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché cette question prioritaire de constitutionnalité.


D E C I D E :
--------------

Article 1er : L'article 1er de l'ordonnance du 27 juillet 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 3 : Il est sursis à statuer sur le surplus des conclusions du pourvoi de l'association La Sphinx jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'association La Sphinx, à la ministre de la transition écologique, à la société TotalEnergies Paris-Saclay et au Conseil constitutionnel.
Copie en sera adressée au Premier ministre.
Délibéré à l'issue de la séance du 17 janvier 2022 où siégeaient : Mme Maud Vialettes, présidente de chambre, présidant ; Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre ; Mme A... D..., Mme G... I..., M. H... E..., M. B... F..., Mme Carine Chevrier, conseillers d'Etat ; Mme Agnès Pic, maître des requêtes en service extraordinaire et M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat-rapporteur.


Rendu le 31 janvier 2022.


La présidente :
Signé : Mme Maud Vialettes
Le rapporteur :
Signé : M. Pierre Boussaroque

La secrétaire :
Signé : Mme J... C...

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision."


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