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Le chèque scolaire contraindrait l'école publique à l'excellence

Publié le 08 août 2008 par Francisrichard @francisrichard

Le chèque scolaire contraindrait l'école publique à l'excellenceC’est un article du quotidien lausannois 24 Heures du 4 août dernier ( ici )qui m'a appris qu'une initiative en faveur du chèque scolaire allait être lancée dans le canton de Vaud cet automne. Ce qui a attiré mon attention, c’est le titre de l’article : « Le bon scolaire ne séduit pas les écoles privées ». Je ne dis pas que je suis blasé, mais je n’ai pas été davantage surpris que quand j’ai rencontré des patrons hostiles à l’économie de marché.

A y regarder de plus près ce qui inquiète ici les écoles privées c’est que le chèque scolaire serait alimenté par des fonds publics, autrement dit que l’Etat serait en position de les contrôler. Le secrétaire général de l’AVDEP, l’Association vaudoise des écoles privées ( ici ), Pierre-Antoine Hildbrand, fait part de son inquiétude en ces termes : « Nous ne voulons pas que l’Etat s’immisce dans nos affaires. De notre côté nous ne nous permettons pas de juger l’école publique.»

Selon Pierre-Antoine Hildbrand « la demande d’un chèque scolaire émane avant tout des parents ». Est-ce un reproche ? Si c’est un reproche, il est surprenant. Car l’école est-elle faite pour les enseignants et leurs dirigeants, ou bien pour les élèves et leurs parents ? De même que l'on peut se demander si les personnes sont faites pour la société, ou la société pour les personnes.

L'article de 24 Heures rapporte d'autres propos de Pierre-Antoine Hildbrand : « « Le jour où l’Etat financera les établissements, ce sera la fin de la diversité. » Et de citer en exemple la France, où les établissements privés sont largement financés par l’Etat. Résultat ? « Vous avez des écoles catholiques où la discipline est peut-être un peu plus importante, et des établissements laïques, mais le contenu est identique ». Pierre-Antoine Hildbrand se trompe doublement. Il a choisi un mauvais exemple et il n’a rien compris à ce qu’est le chèque scolaire.

En effet en France le chèque scolaire n’existe tout simplement pas. Ce n’est donc pas pour cette raison que les établissements privés y reçoivent un petit bout de la manne de l’Etat et sont archi-contrôlés. Ils se sont tout simplement mal défendus contre l’emprise toujours plus grande de l’Etat. Les grandes manifestations pour la défense de l’école libre d’il y a 20 ans n’auront été qu’un baroud d’honneur.

Le chèque scolaire permet le libre choix des parents. Les établissements privés et publics sont mis en concurrence. La carte scolaire encore en vigueur dans l’école publique ne peut plus exister. Les familles pauvres peuvent envoyer leurs enfants dans les meilleurs établissements. Ce n’est plus l’Etat qui paye - il n’est que collecteur - ce sont les parents via le chèque scolaire. L’implication de ces derniers est alors automatiquement plus grande.

La seule contrainte pour tous les établissements, qu'ils soient privés ou publics, est de respecter des règles d’hygiène et de sécurité. Sinon la concurrence signifie justement que le contenu ne peut pas être identique. Les préférences pour tel ou tel établissement peuvent se faire sur des critères très différents. Quels critères ? Le contenu justement, les conditions de travail, les résultats scolaires, mais aussi des critères religieux, culturels, géographiques, environnementaux, que sais-je ? Par ailleurs il faut qu’il y ait adéquation entre l’établissement et les aptitudes et comportements des élèves.

Thierry Meyer, rédacteur en chef de 24 Heures, se fend d’un édito ( ici ) le même 4 août, date anniversaire en France de l'abolition des privilèges. Il est d’accord avec « la méfiance avisée des écoles privées » à l’égard du chèque scolaire. Il écrit : « Le principe du chèque scolaire induit l’illusion que l’enseignement fondamental est un vaste supermarché où chacun pourrait faire son choix, sans entrave. Les écoles privées vaudoises cherchent la complémentarité avec le service public. L’amélioration nécessaire de cette collaboration ne passe pas par le chèque scolaire ».

Des propos conservateurs de Thierry Meyer je retiendrai que le statu quo est encore pour lui la meilleure solution et qu’il se moque comme d’une guigne que des enfants méritants, mais de milieux défavorisés, ne puissent jamais fréquenter les meilleurs établissements, qu’ils soient publics ou privés. Chacun chez soi et les vaches seront bien gardées. C'est le réflexe corporatiste bien connu qui empêche toute évolution.

Laurent Caspary nous apprend dans « Le Temps » du 6 août que les réticences à l’égard du chèque scolaire ne sont pas l’apanage des écoles privées. Elles sont aussi le fait des partis politiques. Il faut dire que l’école vaudoise nourrit le débat ces derniers temps.

Une première initiative a été déposée au printemps munie de 15 000 signatures – alors que12 000 auraient suffi. Cette initiative demande principalement le retour aux notes. Une deuxième initiative devrait bientôt être lancée demandant l’accueil continu à l’école. Ces deux initiatives visent directement l’école publique. Cette troisième initiative qui demande la diversité et le libre choix de l’école pour tous vise également, mais indirectement, l’école publique. C'est l'école publique qui devrait s'inquiéter si cette initiative aboutit parce qu'elle serait contrainte à l'excellence, par les meilleurs des juges, les parents.

A l'origine de l'initiative pour le chèque scolaire il y a une associtation, Lobby Parents ( ici ). Susanne Bergius (photo ci-dessus, parue dans 24 Heures du 6 août ici), sa vice-présidente pour la Suisse et sa présidente pour le canton de Vaud, déclare au Temps le 6 même août : « En tant qu’association de parents neutre sur le plan politique, nous souhaitons un comité d’initiative large : des parents d’élèves ainsi que des enseignants du public et du privé. Pour ce qui concerne les politiciens, parmi lesquels nous avons des partisans dans tous les partis, nous en intégrerons un par parti dans le comité d’initiative ».

Laurent Caspary précise : « Sont ainsi déjà annoncés adhérents : le PDC et conseiller national Jacques Neirynck, la radicale Christa Calpini, l’UDF Jérôme Wuillamoz, la PS Marie-Jocelyne Michel et le député UDC Félix Glutz. »

On peut toutefois compter sur l’opposition impétueuse, et néanmoins déterminée, d’Anne-Catherine Lyon, la ministre socialiste vaudoise en charge du département de la formation. Laurent Caspary nous rappelle qu'elle « a déjà affirmé à maintes reprises son opposition à l’idée du libre choix de l’école, défendant les « valeurs républicaines » de l’école publique », parmi lesquelles valeurs la liberté de choix est un vain mot comme chacun sait, ou devrait le savoir.
Francis Richard 


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LES COMMENTAIRES (1)

Par SOS Éducation
posté le 20 juillet à 11:08
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Excellent article.

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