Il existe des rapports étroits entre architecture et maladie. Le discours architectural se fraie toujours un chemin à tra- vers les théories du corps et de l’esprit, faisant de l’architecte une sorte de médecin et du client un patient. Depuis des milliers d’années, l’architecture est décrite à la fois comme une forme de prévention et comme un remède. La santé serait le but premier de l’architecte, comme Vitruve le soulignait déjà au premier siècle avant Jésus-Christ. Pourtant, l’architecture est souvent aussi perçue comme cause de maladie – depuis l’usage de matériaux toxiques dans la construction jusqu’au syndrome du bâtiment malsain. L’architecture elle-même est tombée malade. Avec « Sick Architecture » Beatriz Colomina (curatrice invitée), Silvia Franceschini (curatrice CIVA) et Nikolaus Hirsch (directeur artistique du CIVA) mettent en lumière une thématique plus actuelle que jamais.
A chaque époque et à chaque affliction correspond une architecture spécifique. L’époque des maladies bactériennes, de la tuberculose en particulier, a donné naissance à l’architecture moderne dans les premières décennies du XXe siècle, à des bâtiments blancs détachés du « sol humide où couve la maladie », comme le disait Le Corbusier. Durant l’après-guerre, l’attention s’est déplacée vers les problèmes psychologiques. L’architecte a souvent été vu comme une sorte de psy, et la maison pas seulement comme un dispositif médical de prévention de la maladie, mais aussi comme un espace procurant un confort psychologique ou, comme le disait Richard Neutra, de « santé nerveuse ». Le XXIe siècle est l’âge des troubles neurologiques, avec la dépression, le trouble déficitaire de l’attention, les troubles bipolaires, le syndrome du burn-out, les allergies et l’hypersensibilité environnementale comme facteurs définissant l’expérience contemporaine de l’architecture et de l’environnement bâti.
En attendant, les pandémies sont de retour. L’épidémie de COVID-19 est en train de refaçonner complètement l’architecture et l’urbanisme. Le virus a mis en évidence les injustices structurelles en matière de race, de classe et de genre, provoquant un appel à la transformation sociale et peut-être à une révolution architecturale.
L’exposition élargit le cadre historique et conceptuel des discussions, avec des éléments d’analyse qui couvrent un spectre allant de l’architecture historique de la quarantaine à Ellis Island et à l’ancien lazaret de Venise jusqu’à l’architecture moderne d’Aino et Alvar Aalto et d’Henri Lacoste, en passant par les expérimentations d’Hans Hollein et de la Coop Himmelb(l)au dans les années 1960. Enfin, « Sick Architecture » s’attardera sur les réalisations de figures contemporaines de l’architecture (51N4E, Arno Brandlhuber / B+, Elizabeth Diller, De Vylder Vinck Taillieu, Andrés Jaque) et les propositions et œuvres d’artistes tels que Sammy Baloji, Mohammed Bourouissa, Vivian Caccuri, Goldin+Senneby et Ahmet Öğüt.
L’exposition s’accompagne d’une série de publications en ligne sur e-flux Architecture
(voir https://www.e-flux.com/architecture/sick-architecture/), dont la première partie est parue en 2020 et dont la seconde partie paraîtra au moment de l’ouverture de l’exposition en mai 2022. Y contribuent, les auteurs suivants : Edna Bonhomme, David Gissen, Brooke Holmes, Fabiola Lopez-Duran, Elizabeth Povinelli, Meredith TenHoor et Mark Wigley, ainsi que de nombreux doctorants de la Princeton University qui participent depuis 2019 aux séminaires de Beatriz Colomina consacrés aux liens entre architecture et maladie.
Le 6 mai 2022, les « Sick Architecture Talks » auront lieu de 10 à 21 heures au CIVA, avec des exposés de plus de 20 architectes, artistes, écrivains et scientifiques. L’événement, animé par le rédacteur en chef adjoint d’e-flux Architecture, Nick Axel, sera également diffusé en direct sur e-flux Live.
Plus d’infos :
CIVA. 55 rue de l’Ermitage. 1050 Bruxelles
Dates : 6 mai – 28 août 2022
Site internet : https://www.civa.brussels