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Saint Jean Chrysostome, Rien ne peut séparer le saint de Dieu (5)

Publié le 08 août 2008 par Walterman

Saint Jean Chrysostome, Rien ne peut séparer le saint de Dieu (5)

1504 4. Ensuite, pour que ces épreuves ne soient pas considérées comme un signe de délaissement, il cite le prophète qui les a prédites longtemps d'avance en ces termes : " A cause de vous nous sommes mis à mort tout le jour, on nous regarde comme des brebis destinées à la boucherie (Rm 8,36) ", c'est-à-dire Nous sommes exposés à subir des mauvais traitements de la part de tout le monde, néanmoins contre tant et de si grands périls, contre tant de nouvelles et sanglantes cruautés, une consolation nous suffit : la raison même de ces combats. Non-seulement elle nous suffit, mais elle dépasse de beaucoup nos besoins. Car, ce n'est pas pour les hommes ni pour rien de terrestre que nous souffrons tout cela, mais pour le Roi de l'univers. Et ce n'est point là la seule couronne que Dieu réserve à ses élus, mais il leur en prépare une autre multiple et variée. Car comme, en qualité d'hommes, ils ne sauraient souffrir mille morts, il leur montre que la récompense n'en sera pas moindre pour autant: Bien que ce soit une loi de notre nature que nous ne mourions qu'une fois, Dieu cependant nous donne la faculté de mourir tous les jours, si nous le voulons. D'où il suit clairement que nous aurons, à l'heure du départ, autant de couronnes que nous aurons vécu de jours, et même beaucoup plus : car on peut mourir une fois, deux fois, bien des fois par jour. Et celui qui est prêt à cela, reçoit toujours la récompense entière.
C'est à quoi font allusion ces mots du prophète : " Tout le jour ". Aussi l'apôtre invoque-t-il son témoignage, pour mieux exciter leur ardeur. Si en effet, leur dit-il, ceux qui vivaient sous l'Ancien Testament, qui n'avaient pour prix de leurs travaux que la terre et ce qui passe avec la vie, ont pu ainsi dédaigner la vie présente, les épreuves, les périls, comment serions-nous excusables de tomber dans le relâchement, de ne pas même atteindre à leur mesure, quand on nous a promis le royaume du ciel et des biens ineffables? L'apôtre n'exprime pas cette pensée, mais, l'abandonnant à la conscience de ses auditeurs, il se contente du témoignage du prophète, il leur montre que leurs corps sont une victime, et qu'ils ne doivent point s'en troubler, ni s'en effrayer, puisque Dieu l'a ainsi réglé. Il les anime encore d'une autre manière. Pour qu'on ne dise pas qu'il fait là simplement de la spéculation avant l'expérience des faits, il ajoute : " On nous regarde comme des brebis de tuerie ", indiquant par là que les apôtres mouraient tous les jours. Voyez-vous sa force et sa modestie ? Comme, dit-il, les brebis qu'on égorge n'opposent aucune résistance, ainsi en est-il de nous. Mais comme la faiblesse de l'esprit humain redoutait encore, même après tant et de si grandes choses, la multitude des épreuves, voyez comme il relève l'auditeur, comme il le rend haut et fier, en disant : " Mais en tout cela nous triomphons par celui qui nous a aimés (Rm 8,37) ".
Ce qu'il y a d'étonnant, ce n'est pas seulement que nous triomphions, mais que nous triomphions par les piéges même qu'on nous tend. Et non-seulement nous triomphons, mais nous faisons plus que triompher, c'est-à-dire que nous remportons la victoire avec une extrême facilité, sans fatigues et sans peines. Et ce n'est pas en souffrant réellement, mais par la simple disposition à souffrir, que nous dressons des trophées contre nos ennemis. Et cela est juste : car c'est Dieu qui combat avec nous. Ne faites donc aucune difficulté de croire que, flagellés, nous sommes vainqueurs de ceux qui nous flagellent; que, proscrits, nous dominons ceux qui nous proscrivent; que, mourants, nous supplantons ceux qui vivent. Une fois supposé la puissance de Dieu et son amour pour nous, rien ne s'oppose à ce que ces choses étonnantes, incroyables, aient lieu, et que le triomphe soit éclatant. Et ils ne remportaient pas une simple victoire, mais une victoire miraculeuse, en sorte que leurs ennemis comprissent qu'ils faisaient la guerre non plus à des hommes, mais à la puissance invincible. Voyez-vous les Juifs les tenir au milieu d'eux, puis hésiter et dire : " Que ferons-nous à ces hommes? " (Ac 4,16) Et voilà la merveille : c'est que, les retenant, les regardant comme coupables, les jetant dans les fers, les frappant, ils étaient dans l'embarras et dans l'incertitude, et se trouvaient vaincus par ceux mêmes par qui ils espéraient vaincre. Ni le tyran, ni les bourreaux, ni les légions infernales, ni le démon lui-même ne purent triompher d'eux; la défaite fut complète; on vit tourner à leur profit les moyens mêmes qu'on employait contre eux. Aussi l'apôtre dit-il : " Nous sommes plus que vainqueurs ". C'était la nouvelle loi de la guerre, de vaincre par les contraires, de n'être jamais défait et d'aller au combat comme si on était assuré du succès. " Car je suis certain que ni mort, ni vie, ni anges, ni principautés, ni puissances, ni choses présentes, ni choses futures, ni ce qu'il y a de plus haut, ni ce qu'il y a de plus bas, ni aucune autre créature ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est dans le Christ Jésus (Rm 8,38-39) ".
1505 5. Voilà de grandes paroles, mais nous ne les comprenons pas, parce que nous ne savons pas aimer ainsi. Cependant bien qu'elles soient grandes, pour montrer que son amour n'est rien en comparaison de l'amour de Dieu pour lui, il n'en parle qu'en second lieu, de peur de paraître se vanter. Voici ce qu'il veut dire: A quoi bon parler du présent, et des maux attachés à cette vie? Quand même on parlerait de choses à venir et de puissances, de choses comme la mort et la vie, de puissances comme les anges et les archanges, de tout ce qu'il y a de plus élevé dans la création: tout cela me paraîtrait petit, en comparaison de l'amour du Christ. Quand on me menacerait d'une mort éternelle, quand on me promettrait une vie sans terme pour me séparer du Christ, je n'accepterais pas. A quoi bon me parler de tel ou tel roi terrestre, de tel ou tel consul? Quand vous me parleriez des anges et de toutes les puissances célestes, de tout ce qui est, de tout ce qui sera, de tout ce qui est sur la terre ou dans les cieux, de tout ce qui est sous la terre ou au-dessus des cieux, tout me semblerait peu de chose en comparaison de cet amour. Et comme si cela ne suffisait pas encore à exprimer son amour, il y ajoute autre chose, en disant : " Ni aucune autre créature ", c'est-à-dire : aucune autre création aussi grande que celle que nous voyons, aussi grande qu'on puisse l'imaginer, rien ne me détachera de cet amour.
S'il parle ainsi, ce n'est pas que quelque ange ou quelque autre puissance ait essayé de lui enlever cet amour, à Dieu ne plaise ! mais il emploie ces hyperboles pour montrer l'amour qu'il porte au Christ. Car il n'aime pas le Christ à cause de ses dons, mais les dons à cause du Christ; c'est lui seul qu'il a en vue, et il ne craint qu'une chose : perdre cet amour. Le perdre serait pour lui plus terrible que l'enfer, comme y persévérer lui est plus cher qu'un empire. Comment donc, quand Paul n'estime pas même les choses du ciel en comparaison de l'amour du Christ, comment serions-nous excusables de mettre de la boue et de l'argile au-dessus du Christ? Paul est prêt, s'il le faut, à tomber en enfer et à être privé du ciel plutôt que de perdre l'amour du Christ; et nous ne méprisons pas même la vie présente ! Sommes-nous seulement dignes de délier les cordons de ses souliers, nous qui sommes à une telle distance de cette âme magnanime? A cause du Christ il dédaigne même le royaume du ciel, et nous, nous méprisons le Christ et estimons beaucoup ses dons.
Et plût au ciel que nous estimassions ses dons ! mais ce n'est pas même cela: le royaume du ciel est devant nous, et nous le laissons pour courir chaque jour après des ombres et des songes. Pourtant Dieu qui est bon et miséricordieux fait comme un père tendre qui, voyant son fils dégoûté de vivre toujours avec lui, invente d'autres moyens de le retenir. En effet comme son amour n'est pas pour nous un lien assez puissant, il met en oeuvre beaucoup d'autres moyens pour nous rattacher à lui. Mais cela ne nous retient pas encore, et nous courons à des jeux d'enfants. Il n'en était pas ainsi de Paul; comme un fils bien né, généreux et plein de piété filiale, il ne recherche que la compagnie de son père, et se soucie bien moins du reste; que dis-je? il est plus qu'un fils; car il n'unit pas dans son estime son père et ses dons; mais quand il voit son père, il dédaigne tout le reste, et aimerait mieux être puni et flagellé en restant avec lui, que de vivre dans les délices loin de lui.
1506 6. Tremblons donc, nous qui ne méprisons pas même les richesses pour Dieu, bien plus, qui ne les méprisons pas pour nous-mêmes. Paul seul souffrait tout pour le Christ, non en vue du royaume, non en vue de l'honneur, mais par pure affection pour lui. Et nous, ni le Christ, ni les biens du Christ, ne sauraient nous détacher des choses terrestres ; mais comme les serpents, comme les vipères, comme les pourceaux ou d'autres animaux de ce genre, nous nous traînons dans la fange. En quoi, en effet, différons-nous de ces animaux, nous qui, après tant et de si beaux exemples, avons encore les yeux fixés sur la terre et ne supportons pas même de les diriger un instant vers le Ciel? Et pourtant Dieu nous a donné son Fils; et vous, vous ne donnez pas même un morceau de pain à celui qui a été livré et immolé pour vous ! Pour vous, le Père n'a pas même ménagé son Fils, son Fils légitime; et vous, vous le dédaignez, ce Fils, quand il meurt de faim, quand vous ne dépenseriez que ce qui vient de lui et que vous le dépenseriez pour vous. Qu'y a-t-il de pire qu'une telle iniquité? Il a été livré pour vous, il a été immolé pour vous, il erre çà et là dévoré par la faim; vous donneriez de ce qu'il vous a donné lui-même, et vous le donneriez pour votre profit, et vous ne donnez cependant rien ! Ceux qui, malgré tant de motifs propres à les toucher, persévèrent dans cette inhumanité diabolique ne sont-ils pas plus insensibles que les pierres?
Il ne s'est pas contenté de la mort et de la croix; mais il a voulu être pauvre, étranger, errant, nu, prisonnier, malade, afin de vous attirer à lui. Si vous ne me rendez rien, nous dit-il, pour tout ce que j'ai souffert pour vous, ayez pitié de ma pauvreté ; et si la pauvreté ne vous touche pas, que ce soit au moins la maladie, la captivité; et si rien de tout cela ne vous inspire un sentiment de bonté, faites attention au peu que je demande. Je ne demande rien de coûteux; mais dû pain, un abri, une parole de consolation. Que si votre dureté persiste, eh bien ! songez au royaume céleste, aux récompenses que je vous ai promises, et devenez meilleur. Vous ne tenez encore aucun compte de cela? Cédez au moins à la nature, et en voyant cet homme nu, songez à la nudité que j'ai supportée pour vous sur la croix. Si cette nudité-là ne vous émeut pas, souvenez-vous de celle que je subis maintenant dans la personne des pauvres. J'ai été alors dans le besoin à cause de vous, j'y suis encore aujourd'hui à cause de vous, afin que, pour l'une ou l'autre de ces raisons, vous me fassiez quelque aumône; j'ai jeûné à cause de vous, j'ai encore faim à cause de vous; j'ai eu soif sur la croix, j'ai encore soif dans la personne des pauvres, afin que par tous ces motifs je puisse vous attirer à moi et vous rendre humain dans votre propre intérêt. Et pour les services sans nombre que je vous ai rendus, je vous demande un retour, non comme dette, mais comme grâce, et, pour le peu que je demande, je vous couronne, je vous donne un royaume. Je ne vous dis pas: Délivrez-moi de la pauvreté, ni : Donnez-moi la richesse, bien que j'aie été pauvre pour vous; je vous demande simplement du pain, un vêtement, un faible soulagement à ma faim. Et si je suis en prison, je ne vous oblige pas à briser mes chaînes ni à me tirer de là; je vous demande seulement de jeter un regard sur un homme enchaîné à cause de vous, et cette grâce me suffit, et pour ce simple fait je vous donne le ciel. Pourtant je vous ai délivré d'une captivité bien plus dure; mais je suis content, si vous venez me voir comme prisonnier. Je pourrais vous couronner sans cela; mais je veux être votre débiteur, afin que vous ayez quelque confiance à saisir la couronne. Voilà pourquoi, pouvant me nourrir moi-même, je vais mendier de tous côtés, je me tiens à votre porte et vous tends la main. C'est de vous que je désire recevoir ma nourriture; car je vous aime beaucoup; je désire m'asseoir à votre table, comme c'est le propre des amis, et j'en suis fier; en présence du monde entier, je proclame vos louanges, et, devant l'auditoire attentif, je montre celui qui m'a nourri.
Pourtant, nous autres hommes, quand quelqu'un nous nourrit, nous en rougissons, nous le tenons dans l'ombre ; mais lui, parce qu'il nous aime beaucoup, proclame le fait, même quand nous gardons le silence, le relève par de grands éloges et ne rougit point de dire que nous l'avons vêtu quand il était nu et nourri quand il avait faim. Pensons donc à tout cela, et ne nous en tenons pas aux éloges, mais accomplissons tout ce qui a été dit. A quoi bon ces applaudissements et ce bruit? Je ne vous demande qu'une chose: la démonstration par les faits, l'obéissance par les oeuvres; voilà mon éloge, voilà votre profit, voilà qui brillera plus qu'un diadème à mes yeux. Donc, au sortir d'ici, tressez cette couronne pour vous et pour moi par les mains des pauvres, afin de vivre tous ensemble ici-bas, dans une douce espérance, et d'obtenir des biens sans nombre, lors du départ pour l'autre vie. Puissions-nous tous avoir ce bonheur, par la grâce et la bonté de Notre-Seigneur Jésus-Christ, avec qui la gloire, l'empire, l'honneur appartiennent au Père en même temps qu'au Saint-Esprit, maintenant et toujours et dans les siècles des siècles ! Ainsi soit-il.


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