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Faut-il de l'épargne pour créer des richesses ?

Publié le 13 avril 2022 par Raphael57
Faut-il de l'épargne pour créer des richesses ?

Lors de son allocution très mouvementée à Strasbourg, le candidat Emmanuel Macron a déclaré que "la réforme fiscale faite en début de quinquennat a permis de faire revenir de l'investissement" et "qu'on ne peut pas répartir des richesses qu'on ne produit pas". Cette remarque, a priori frappée au coin du bon sens, cache en réalité une vision très particulière de l'économie qui fait de l'épargne un préalable à l'investissement. 

L'allocution de Macron

Voici ci-dessous un très court extrait des propos tenus par Emmanuel Macron sur l'ISF et la redistribution des richesses, mais libre aux plus courageux ou téméraires d'écouter l'intégralité des propos :

Deux visions économiques

Dans la théorie néoclassique, l'investissement dépend d'une épargne préalable. C'est tout le génie de Keynes que d'avoir inversé cette causalité : c'est l’investissement qui entraîne l’épargne ! Pour comprendre ces deux visions opposées du fonctionnement de l'économie, revenons à une identité macroéconomique simple : le revenu global de l'économie (R) est utilisé pour consommer (C), investir (I), réaliser des dépenses publiques (G), exporter (X) net des importations (M).

R = C + I + G + X - M

Ajoutons à cette identité macroéconomique une autre identité liée à l'épargne de la nation (ou épargne nationale), qui agrège l'épargne des ménages, des entreprises et de l'État. Puisque l'épargne est définie comme le revenu courant moins les dépenses en besoins courant, si l'on suppose pour simplifier que l'ensemble des dépenses de consommation (C) et des dépenses publiques (G) sont des dépenses en besoin courant, alors l'épargne d'une nation (S) s'écrit : S=R-C-G. L'on en déduit :

S - I = X - M

À partir de ces deux identités macroéconomiques, les néoclassiques en déduisent que l’investissement doit être financé par une épargne préalable provenant des ménages (revenus non consommés), des entreprises (profits non distribués), de l'État (excédent budgétaire) ou de pays étrangers qui prêtent leur excédent extérieur. Il faut donc à tout prix favoriser l'épargne par des politiques accommodantes envers les ménages les plus riches (fiscalité faible, inflation modérée...), des politiques de l'offre pour soutenir les profits des entreprises (réduction et simplification de la fiscalité, réduction des coûts salariaux...), des politiques de réduction des dépenses publiques afin que l'État dégage un excédent budgétaire.

Au contraire, les keynésiens en déduisent que l'épargne n'est pas un préalable à l'investissement et constitue même un problème pour l'économie s'il s'agit d'un revenu thésaurisé.  Il suffit pour s'en convaincre de se rappeler que les banques commerciales n'accordent pas les crédits sur la base de fonds préalables en caisse, mais qu'elles créent la monnaie (scripturale) au moment même de l'opération de crédit.

On l'aura compris, dans ses déclarations Emmanuel Macron s'est fait le chantre de la vision néoclassique et même néolibérale. Pourtant, les crises économiques qui se sont succédé depuis trois décennies et la crise sanitaire ont clairement montré les limites d'une telle approche. Mais que faire face à une vision de l'économie devenue idéologie ?

P.S. L'image de ce billet provient de cet article des Échos.


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