Bien que son usage soit en baisse constante depuis des années et en dépit des efforts de l'industrie en vue de le faire disparaître, le chèque reste un instrument de paiement encore très répandu dans le monde. Aux États-Unis, BNY Mellon joue désormais sur la fibre environnementale afin de convaincre ses adeptes de l'abandonner.
Contrairement aux idées reçues, si les français font partie des populations les plus attachées à ce vestige d'un autre temps, avec presque 18 chèques par habitant en 2020 (pour un total de 1,2 milliards d'opérations), les américains ne sont pas si loin derrière (avec 9 transactions par personne au Canada et 7 chez son voisin du sud, en 2021). La faute en incombe essentiellement à des entreprises qui le privilégient, implicitement ou explicitement, pour le règlement de leurs factures, notamment de montant élevé.
Extrêmement coûteux à traiter et très exposé à la fraude, les institutions financières aimeraient se débarrasser de cet outil encombrant, face auquel elles sont promptes à souligner les multiples avantages des virements et autres prélèvements (surtout quand ils deviennent instantanés). Malheureusement, leurs campagnes ne semblent pas porter tous leurs fruits et l'érosion du nombre de chèques émis (de l'ordre de quelques 3 à 5% chaque année) est bien trop lente pour espérer l'éradiquer totalement à court terme.
Dans ces conditions, BNY Mellon, qui est un des plus importants processeurs du pays, expérimente donc une nouvelle tactique, consistant à fournir à ses clients encaisseurs une plate-forme de mesure de l'empreinte carbone complète de leurs habitudes d'accepter les chèques imprimés, dont l'objectif est de les sensibiliser et, de la sorte, infléchir leurs décisions. À titre de référence, l'établissement signale, entre autres, l'équivalent de 455 000 arbres que représente le papier utilisé pour les formules.
De toute évidence, l'argument écologique n'est pas le seul déployé, d'autres, plus traditionnels, sont également mis en action, depuis les gains d'efficacité (rapidité, fiabilité, sécurité…) jusqu'à des réductions de prix sur certaines alternatives (y compris la suppression des frais d'installation), en passant par la promesse d'une expérience utilisateur optimisée. Mais y a-t-il une chance que la perspective de limiter l'impact environnemental fasse pencher la balance, au moins chez quelques clients ?
C'est assez difficile à croire, auquel cas nous nous trouvons en présence d'une énième tentative de greenwashing. Non que l'élimination des chèques ne constitue une cible verte désirable, ne serait-ce que du point de vue de leur consommation de papier, mais plutôt dans son usage comme arme de séduction. Il serait plus sage pour le remplir de se pencher sérieusement sur les frictions qui freinent l'adoption d'autres méthodes, par exemple celles qui interviennent dans un parcours classique de virement…
Il faudrait avoir atteint un niveau de prise de conscience extraordinaire pour que les entreprises, et les consommateurs qui règlent leurs factures, soient réellement et massivement encouragés à changer leurs comportements grâce à un simple affichage des émissions de gaz à effet de serre – indicateur terriblement abstrait pour la majorité d'entre eux – engendrées par leurs actes quotidiens. En attendant, il vaut mieux compter sur des moyens plus prosaïques pour envisager une quelconque influence positive…