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La place de l’État chez Hayek

Publié le 09 mai 2022 par Magazinenagg

 Par Raphaël Roger.

Les activistes de gauche, notamment d’ultra ou d’extrême gauche, ainsi que certains sociologues, qualifient souvent Hayek de chantre de « l’ultra-libéralisme », partisan d’un État minimal relégué à la simple garantie des droits de propriété.

Cependant, une lecture attentive de ses ouvrages leur montrerait qu’il n’en est rien. Chez Hayek, la place de l’État est importante, et c’est ce qu’il convient d’expliquer dans cet article.

Le refus chez Hayek de l’État minimal

Contrairement à une idée répandue, Hayek n’est ni le chantre du laissez-faire ni celui de l’État minimal. Il a critiqué le laissez-faire dogmatique de certains libéraux dans La route de la servitude, lequel a conduit à l’attrait pour le planisme et le collectivisme.

Ainsi, selon lui, pour assurer la catallaxie et le fonctionnement ordonné du marché, le gouvernement « doit se servir de son pouvoir fiscal pour assurer un certain nombre de services qui, pour diverses raisons, ne peuvent être fournis, du moins adéquatement par le marché ». La devise à laquelle on pourrait rattacher Hayek est celle de Godesberg en 1959 : « autant de marché possible et autant d’État que nécessaire ». L’État doit ici servir le marché, il doit agir, certes sans le perturber, mais toujours au travers de règles pour permettre l’ajustement de l’ordre spontané.

Selon Hayek, l’État doit fournir des services et faire contribuer l’ensemble de la société pour en permettre la création. Ainsi, dans Droit, législation et liberté il affirme :

« Dans certains cas, l’on ne peut fournir le service désiré sans faire contribuer à son coût tous ceux qui en profitent, car il serait impossible de le réserver à ceux qui pourraient le payer et qu’alors, seul le gouvernement doit être habilité à employer son pouvoir de contrainte. »

Chez Hayek, l’État n’est donc pas limité aux compétences régaliennes. Il doit fournir des services indispensables à la vie collective mais il n’est pas utile qu’il les gère lui-même.

La gestion décentralisée des services publics

La troisième partie de La Constitution de la liberté  intitulée « La liberté dans l’État providence » permet de comprendre la vision hayékienne de l’État.

Hayek ne remet pas en cause l’État providence, mais souhaite y instaurer de la concurrence, de la liberté. C’est aussi cette vision qu’il défend dans Droit, législation et liberté. Pour ce faire, il prône la décentralisation dans la gestion des services fournis par l’État.

Il affirme notamment :

« Déléguer tout pouvoir qui peut être exercé localement, à des organismes dont les pouvoirs sont cantonnés dans leur circonscription, est probablement le meilleur moyen de s’assurer que les charges et les bienfaits de l’activité gouvernementale seront approximativement proportionnels. »

Selon lui, il faut bien distinguer le prélèvement des impôts visant à financer les services et effectué par gouvernement central et le fait que ces services soient gérés par lui. La gestion doit ici se faire idéalement par des entreprises concurrentielles, où l’État n’aurait comme rôle que celui d’attribuer les fonds recueillis aux producteurs en fonction des préférences exprimées de façon ou d’une autre par les utilisateurs. Cependant, les services fournis par l’État sont supplétifs, ils interviennent seulement en l’absence de services fournis par le marché.

Mais dès lors que le marché peut fournir efficacement ces services, il doit le faire et l’État doit se retirer, car comme l’affirme Hayek :

« La vérité pourrait bien être qu’ayant assumé trop de tâches, le gouvernement en néglige l’essentiel ».

La gestion doit donc être la plus efficace possible. Outre cet aspect-là de l’État, Hayek considère que l’État doit aussi fournir assistance aux plus démunis et au secteur privé, quand celui-ci est défaillant.

L’État comme relais de l’initiative privée

La vision du rôle de l’État en matière de fiscalité, de dépenses publiques et d’assistance aux plus pauvres est très intéressante.

En matière de dépense publique, comme partout ailleurs, Hayek défend la domination de la règle sur la discrétion. Avoir des règles en matière de fiscalité et de dépenses publiques permettrait selon lui de « conduire à une limitation rationnelle du volume de la dépense publique totale ». Le fait de ne pas avoir de règles contraignantes en matière budgétaire conduit à ce que « toute majorité a le droit de taxer les minorités selon des règles qui ne s’appliquent pas à elle-même », ce qui engendre inévitablement « une croissance constante des dépenses publiques au-delà de ce que l’individu désire réellement ».

Cependant, pour Hayek, les dépenses publiques ont une certaine importance. En effet, il reconnaît que l’action de l’État ne peut pas être guidée « entièrement par la rentabilité », et qu’ainsi, par leur répartition dans le temps, le rôle des dépenses publiques est de « relayer l’investissement privé quand celui-ci est défaillant », permettant à l’État « d’employer ses ressources à des investissements publics, au moindre coût et le plus opportunément pour la société ».

Pour éviter tout gaspillage inutile de dépenses publiques, Hayek propose un programme afin que celles-ci soient « établies de façon que la vitesse d’exécution puisse être accélérée ou ralentie dans des délais restreints ».

Enfin, et pour terminer cet article, il convient de lister quelques exemples des activités étatiques défendues par Hayek :

  • assainissement public
  • routes publiques
  • services sanitaires publics
  • services de soins publics
  • travaux publics étatiques
  • entreprises publiques (si absence de monopole)
  • allocation minimum universelle
  • assurance vieillesse obligatoire
  • assurance chômage obligatoire
  • parcs municipaux
  • enseignement minimum obligatoire
  • aide publique à l’enseignement supérieur
  • sondages publics
  • parcs nationaux

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