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J.O. de Pékin : les Chinois ont peur

Publié le 10 août 2008 par Deklo

  C’est très délicat cette histoire de Jeux Olympiques à Pékin, parce vous avez d’un côté un régime très bizarre, quelque chose comme une énorme dictature et puis de l’autre des sortes d’activistes hystériques infatués par leur assurance aveugle de « faire le bien » ou des gens complètement racistes, quelques fois les mêmes d’ailleurs. Face à une Chine qui cultive sa honte d’avoir été envahie par l’Occident, vous avez des occidentaux coupables et impuissants, tiraillés de toutes parts.
  C’est parfaitement merveilleux comme imbroglio, ça se lit à tous les niveaux, ça se retourne dans tous les sens, c’est délicieusement insoluble, c’est tout simplement un casse-tête où se croisent toutes sortes d’intérêts. Que tout le monde ait, en plus, un avis là-dessus, c’est peut-être ce qu’il y a de plus charmant. Je crois vraiment qu’il faut prendre tout ça comme c’est, pêle-mêle : un occident sur le déclin avec des fonds souverains chinois qui financent l’endettement américain ; des entreprises américaines qui jouent le jeu de la dictature chinoise pour conquérir des marchés (
Google et Msn s’autocensurent et Yahoo a permis l’arrestation d’un dissident condamné à 10 ans de prison) ; des chefs d’États qui se livrent à toutes sortes de courbettes (les erreurs de communication du Président Sarkozy ne lui ont d’ailleurs pas facilité la tâche, là où Gordon Brown et surtout Angela Merkel se sont montrés plus habiles) ; un monde sportif de plus en plus soucieux de ses intérêts économiques avec une organisation mafieuse, le C.I.O. à sa tête ; un devoir « moral » de lutter pour les droits humains partout dans le monde et le danger prosélyte et égocentrique qui va avec…
  Alors je n’ai évidemment aucun avis sur la question, fallait-il boycotter la cérémonie d’ouverture de ces Jeux ?  Faut-il imposer par la force des valeurs que nous ne respectons même pas en Occident ? Faut-il se pincer le nez pour faire comme si l’argent n’avait pas d’odeur ? Peut-on mépriser « ¼ de l’humanité » ? Peu-on ne pas tirer profit du marché que constitue ¼ de l’humanité ? Peut-on mépriser ¼ de l’humanité en traitant avec ceux qui le privent de liberté ? Peut-on méconnaître une culture si dense, si riche ? Peut-on blesser un peuple si fier ? Peu-on laisser ce peuple en proie à cette dictature et livré à l’âpreté féroce de la dérégulation économique ? Je ne sais pas. Je reste très loin d’être convaincu par les alternatives et les solutions toutes trouvées des uns et des autres.
  Mais il est quelque chose dont je suis sûr, quelque chose qui me fait frissonner chaque fois que je le rencontre et qui se trouve dans
ces 8 minutes de différé dans la diffusion des Jeux à la télévision chinoise ; dans cette censure des médias et de l’Internet ; dans cette parole des passants qui répètent machinalement celle officielle, quitte à dire les pires énormités : que Pékin n’est pas pollué, que les tibétains sont des « activistes », que la Chine est « formidable » ; dans cette cérémonie d’ouverture aveuglément à la gloire d’un Régime ; dans cette mise au pas de tout un peuple intoxiqué et abruti ; et ce quelque chose, on le reconnaît en Europe pour l’avoir déjà vécu, c’est la peur. La même que celle des peuples d’Europe de l’Est, il n’y a pas si longtemps. La peur, celle d’être écouté, dénoncé, exilé ; cette peur qui hante encore, toujours, la pensée d’un Roumain, d’un Allemand de l’Est ou d’un Croate ; cette peur, que vous pouvez entendre dans la parole des Chinois qui s’expriment en ce moment, que vous pouvez lire dans leurs yeux, sentir dans leur sueur. La vigilance, le qui-vive, la terreur.
  Vous ne me ferez pas croire que cette peur-là ne vous porte pas au cœur.

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