Tandis qu'une nouvelle banque s'implantait dernièrement dans l'univers virtuel de Decentraland, le web (classique) bruit des doutes croissants qu'inspire, y compris, de plus en plus, à des personnages influents, l'engouement actuel pour les métavers, entre ressenti plutôt décevant, valeur effective réduite et, surtout, autres priorités à envisager.
C'est un petit établissement (essentiellement) « digital » basé à New York, Quontic Bank, qui annonçait il y a quelques jours l'ouverture d'une agence au cœur de l'un des environnements les plus populaires du moment. Dans une approche clairement expérimentale, il offre là un espace d'échange, entre visiteurs et avec le personnel de l'entreprise, notamment pour présenter ses produits, et y distribue des NFT exclusifs. L'opportunité de développer, à l'avenir, des services bancaires est toutefois évoquée.
Ceux qui ont connu les plus belles heures de Second Life, et qui ne sont pas tous des seniors incapables de se projeter vers demain, retrouvent exactement dans ce genre d'initiative ce qui les faisait déjà rêver il y a une quinzaine d'années… et n'a jamais véritablement pris auprès du grand public. Certes, les héritiers d'aujourd'hui se piquent de décentralisation, de blockchain, de cryptomonnaies, de NFT… et de web3 mais que voit et que vit concrètement le visiteur ? La même expérience qu'au début du siècle !
Il existait alors des monnaies virtuelles, convertibles ou non vers des dollars et des euros, permettant d'acquérir des objets « digitaux », parfois aussi pour des sommes astronomiques. À l'occasion d'une puissante bulle médiatique, les entreprises (dont de grandes enseignes de la finance) ont commencé à s'installer, à des fins d'exploration, avec des objectifs prioritairement marketing. En réalité, le seul progrès visible avec les métavers tient dans la qualité graphique, qui a profité des avancées technologiques.
Il n'est évidemment pas question de condamner le concept sous prétexte qu'un précédent a échoué. En revanche, ses promoteurs et ses participants seraient inspirés d'analyser l'histoire et d'en tirer quelques leçons utiles. Par exemple, une des raisons du désintérêt du grand public pour Second Life était son manque de sens : pourquoi passer du temps (beaucoup) sur ce site ? Les métavers ludiques (Fortnite, Minecraft…) apportent une réponse mais je doute que la possibilité d'exhiber ses NFT en fournisse une autre…
Naturellement, ce qui sépare Second Life et Decentraland est la furie des réseaux sociaux survenue dans l'intervalle et l'hypothèse dominante, déclenchée par la stratégie dévoilée par Mark Zuckerberg en 2021, est celle d'une transition de ces plates-formes, Facebook en tête, vers les monde virtuels. Or, comme l'exprime Tony Fadell, ex-gourou d'Apple, il serait beaucoup plus important de se pencher sur les problèmes dont souffrent ces services maintenant plutôt que d'essayer d'imaginer leurs évolutions futures.
Enfin, la vraie rupture susceptible de stimuler une adoption massive des métavers serait la généralisation des interfaces en 3 dimensions, pour lesquelles les modèles d'interaction devront effectivement être réinventés. Mais cette mutation, matérielle et logicielle, en est encore à ses balbutiements (un peu comme les premiers smartphones Nokia et PocketPC avant la vague iPhone) et prendra longtemps. D'ici là, il reste bien d'autres idées à faire émerger, de solutions à découvrir et de possibilités à tester…