Magazine Humeur

Le contrôle des prix est une menace pour la liberté

Publié le 06 juin 2022 par Magazinenagg

 Par Marius-Joseph Marchetti.

Le système des prix est un synonyme de liberté. Ou du moins, il est une condition nécessaire à l’existence des libertés les plus primaires, ce dont la plupart de nos contemporains n’ont pas conscience, eux qui fustigent facilement l’économie de marché.

En général, ils souhaitent donc des formes d’organisation sociales plus solidaires, impliquant l’abolition du système de prix et de la monnaie, accusée de conduire à un règne de la marchandisation de l’homme. Il ne se passe guère un jour sans qu’un intellectuel quelconque rédige des pamphlets contre le capitalisme entre deux voyages en Argentine.

L’importance du rôle des prix

En réalité, c’est méconnaître le rôle des prix de penser pouvoir s’en passer. Le rôle des prix est de poser une valeur (certes de manière imparfaite, qui rend la capacité d’ajustement indispensable) sur des biens produits sur le marché, comme le prix du travail, le prix du pain, les taux d’intérêt (à savoir le prix du temps), le prix du gasoil. Ils servent de substituts de connaissance, et permettent précisément de former un ordre économique rationnel, sans avoir besoin d’un planificateur central. Ils jouent un rôle de valeur d’échange contre des biens marchands, et loin d’être l’expression d’un monstre de déshumanisation, ces valeurs sont déterminées par la conscience individuelle de chacun, c’est-à-dire au sein d’une échelle de valeur qui a cours dans l’esprit d’un individu à un instant t. Comme le notent les économistes autrichiens, ce sont les prix psychiques qui intéressent les agents économiques. Par exemple, un entrepreneur peut embaucher son « bon à rien de neveu » (ceci est l’exemple utilisé par Murray Rothbard dans Économistes et charlatans) pour lui fournir une sécurité, même s’il y perd finalement en revenu monétaire.

Sans l’existence de prix pour fournir une expression de la valeur des biens, permettant aux individus de former des plans de vie, on finit par poser un prix sur les hommes (avec un bulletin de vote, par exemple), ou par l’émergence d’un unique dictateur (ou de beaucoup de petits dictateurs) qui décide de la forme de l’organisation sociale. Et ces mêmes individus deviennent des éléments, des moyens à la réalisation des plans des dirigeants.

Voilà ce que les humanistes proposent : quitter le système où l’on achète des biens pour celui où l’on vend les hommes, où ceux-ci deviennent des rouages écrasés au sein de la gigantesque machinerie de l’ingénieurie sociale.

Mais où est donc la liberté ?

La seule alternative au système de prix est, en réalité, le système de commandement, car seul un général est amené à dicter un prix de manière arbitraire. C’était l’observation du philosophe Herbert Spencer, dans sa Statique sociale : l’alternative aux sociétés commerciales, les sociétés libres, étaient les sociétés militaires. On propose donc des programmes politiques en alternative au système des prix, comme si un prix juste pouvait exister. Mais cela n’est pas possible, car un choix collectif ne peut pas être déduit par une simple agrégation de valeurs individuelles déterminé par le vote dans ces cas.

« Ainsi, la floraison présente des régimes de dictature ne peut être tenue pour fortuite. Elle est seulement l’aspect politique du mouvement qui a eu pour effet de remplacer le mécanisme des prix, instrument d’expression et de réalisation de toutes les volontés individuelles, si humbles soient-elles, par le choix autoritaire de l’homme ou du parti au pouvoir. » Jacques Rueff, La crise du capitalisme (1936)

Une des raisons qui fait que nos contemporains sont dans l’incapacité de cerner la différence fondamentale entre le système des prix et celui des statuts, c’est que nous sommes aujourd’hui dans un système d’économie mixte, dans lequel l’État monopolise certains secteurs et offre des avantages à des sociétés et des emplois qui n’existeraient pas sans son soutien (sous couvert d’externalités, de biens non fournis par le marché, de protection et d’emplois non rémunérateurs au prix du marché, de politique industrielle, etc.), au détriment de sociétés et d’emplois qui n’ont pu se créer (Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas). On peut donc comprendre la volonté de certains d’avoir des prix justes, même si cela devient risible lorsque cette affirmation provient des hautes sphères de l’État ou de grands industriels du capitalisme de connivence qui monopolisent le capital de tout un pays.

C’est un corollaire qu’avait bien cerné l’économiste français Jacques Rueff, dans son livre L’Ordre Social :

– Une société où les prix sont libres de fluctuer selon les changements d’offre et demande (c’est-à-dire sans contraintes institutionnelles faisant obstacle à l’ajustement des marchés), et où la monnaie est réaliste, c’est-à-dire fondée sur un étalon de valeur prévisible et stable (ou garantit sa neutralité) est une société libre, puisqu’elle ne nécessite pas l’usage de la coercition, d’ordre de commandement, pour assurer un fonctionnement sain de l’ordre social. Dans cette société, les gens restent égaux en droit, et l’arbitraire du pouvoir y est limité.

– Une société où les prix sont sujets à des contrôles de prix, des quotas, etc. et où la monnaie est nominaliste (c’est-à-dire plus ancrée à aucune valeur réelle, n’étant réellement plus que du papier) est une société de régiment. Il n’y a des commandements que pour assurer un semblant d’ordre. Les consommations des ménages sont rationnées, des commissaires sont engagés pour vérifier les processus de production, des fonctionnaires vérifient que les prix sont bien fixés à la norme, des politiques de revenu et d’emploi sont mises en place pour limiter une inflation galopante (souvent engendrée par des créations excessives de monnaie visant à financer des déficits publics), etc.

C’est l’inverse qui est vrai. Le droit n’est plus fondé. Il est interprété de manière subjective au bon vouloir du bureaucrate et du fonctionnaire, et laisse la personne sans statut à la merci de celui qui détient la moindre once de pouvoir et d’influence.

Jacques Rueff et les autres libéraux de son époque ont bien vu ce qu’impliquait l’idée même de contrôle des prix. Sa logique implique d’appliquer le schéma de l’armée à l’ensemble de la société. Le contrôle des prix est la tentation totalitaire envahissant la vie quotidienne du citoyen lambda. Par le contrôle des prix, l’homme de la rue perd sa liberté politique en même temps que sa liberté économique.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Magazinenagg 1226 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte