Par Élodie Keyah.
Récemment, la Commission européenne a annoncé des propositions de révision de la réglementation sur le tabac. Il semblerait que les taxes en vigueur n’aient pas été révisées depuis… 2010, et qu’elles ne prennent donc aucunement en compte ni l’évolution du marché, ni les niveaux d’inflation ces dernières années.
Ce projet de réforme n’est que la pointe de l’iceberg en ce qui concerne les restrictions de consommation à échelle nationale et européenne. Que ce soit en termes d’alimentation, d’alcool ou encore de tabac, ce paternalisme pose tout d’abord des questions de principe.
Au nom de la protection des consommateurs, le législateur prend des décisions à leur place, impose un mode de vie particulier, et décrète arbitrairement ce qui constitue un niveau de risque acceptable. Mais à l’ère de l’information accessible en quantité illimitée, ces derniers ne sont-ils pas capables d’assumer les conséquences de leurs propres décisions personnelles ? Selon une dernière étude IFOP, 8 Français sur 10 se déclarent pourtant intéressés par les questions liées à l’alimentation – dont 32 % déclarent l’être beaucoup et 51 % assez.
Des politiques inefficaces et coûteuses
Rappelons tout d’abord qu’au cours de l’histoire, la moralisation des habitudes des consommateurs a débouché sur le chaos social. Ainsi, la « gabelle du sel », instaurée au Moyen-Âge, est à l’origine de nombreux soulèvements populaires. Véritable loi somptuaire, la « taxe whisky » aux États-Unis, censée alerter sur les effets indésirables de l’alcool, a débouché sur une violente rébellion à la fin du XVIIIe siècle. Là où les taxes représentent une aubaine, la protection de la santé est une excuse traditionnelle pour mieux piéger le contribuable.
Ensuite, l’État échoue la plupart du temps à atteindre ses objectifs. Selon un rapport du Sénat, l’introduction de la « taxe soda » en 2012 n’a eu des effets que très incertains sur l’obésité. Sans surprise : une taxe ne distingue pas les consommateurs effrénés des plus modérés… Mais une chose est sûre : ces politiques impactent grandement le pouvoir d’achat des ménages modestes. Toujours selon le même rapport, certaines marques de boissons ont même vu leur prix de vente augmenter jusqu’à 25 %. En plus d’être inefficace, l’État s’attaque donc, en pratique, au portefeuille des plus défavorisés.
Le privé plus efficace que l’État
En réalité, les initiatives privées et coalition de consommateurs sont beaucoup plus efficaces pour améliorer la santé des individus. Plus proches des consommateurs, les entreprises peuvent s’adapter plus rapidement à l’évolution constante de leurs attentes – au risque de perdre des parts de marché. Donnée essentielle, la perte de profit se révèle être une sanction beaucoup plus efficace que n’importe quelle mesure coercitive.
Récemment, l’entreprise Pepsi s’est engagée à réduire la teneur moyenne en sucre de ses boissons à hauteur de 25 % d’ici 2025, et 50 % d’ici 2030. En Suisse, la Déclaration de Milan, créée en 2015, a débouché sur l’engagement de dix entreprises pour la réduction de la teneur en sucre des yaourts et céréales. De la même manière, l’entreprise Yuka est une énième illustration d’initiative privée pour une plus grande information des consommateurs sur la composition des produits.
En attendant, l’État prétend lutter contre l’obésité, mais subventionne la filière du sucre à hauteur de 133 millions d’euros par an. Il prétend lutter contre le cancer, mais subventionne allègrement les débits de tabac. Il prétend lutter contre les méfaits de l’alcool, mais ne voit aucune contradiction à taxer et en même temps subventionner la filière viti-vinicole.
Au fond, l’idée même d’un « intérêt » commun aux consommateurs n’a pas beaucoup de sens. Cet holisme étriqué suggère qu’il y aurait un objectif unique vers lequel devrait tendre chaque individu, et rejette la possibilité de préférences individuelles multiples. Et si nous étions libres de devenir obèse ?