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Comores et kwassa kwassa

Publié le 20 août 2022 par Alexcessif

Le début est à lire ici 

https://dusportmaispasque.blogspot.com/2020/12/comores.html

Balade en mer coté migrant

"Comores 6 : voyage retour, 1ere partie

Surtout pour les amis et famille en France, les Runners je ne vais pas vous faire le supplice de me lire et en plus de vous raconter en vrai

Petite récap rapide car c’est très long, je suis sorti le 08 février de mon petit bungalow au bord de la mer, après une semaine dans la petite capitale de cette île de Moheli, je prends l’avion pour Mutsamudu, capitale d’Anjouan, port international. Je me dis que je vais bien y trouver une solution, sachant que l’Ambassade m’a inscrit sur une liste, m’a dit que je rentrais le 15/02, pour annuler une heure après. Depuis, plus aucune nouvelle de l’ambassade. Je cherche des adresses mail de la préfecture de Mayotte, j’en trouve 4 dont une nominative, aucune réponse. Les comoriens me mettent en contact avec le capitaine du seul bateau faisant du frêt régulier entre Comores et Mayotte : je lui demande un simple voyage, même en soute, précisant que j’avais déjà payé mon billet retour auprès de sa compagnie, il me répond que même si je lui donnais 4000€ il ne me prendra pas. Il peut perdre son boulot, sa licence, la compagnie aussi... je n’insiste pas. Et le jour où je me décide pour le kwassa, c’est parce que j’apprends qu’un bateau de l’état français va arriver avec une centaine de clandestins ramenés de Mayotte mais repartira à vide... zob les solutions dites légales, allons y pour la clandestinité. Heureusement, je suis hébergé gratuitement pour cette dernière semaine, j’y passe un bon moment (photo chez Boss, un atelier de peinture), ambiance musicale la journée et de grandes conversations avec un gars super le soir. C’est là que j’y trouve le contact qu’il me faut. Bref, tout ça pour dire que je prends le kwassa kwassa, ces petits bateaux monocoques pas dangereux en soit mais bon, y a tellement de paramètres. Et oui papa, ça s’avèrera être une sacrée aventure en fait. Le jeudi : une journée de perdue car en fait le gars m’avait dit jeudi 3h, sauf que pour lui c’était la nuit de jeudi à vendredi... je le dit pour l’anecdote. Le vendredi : mon capitaine vient me chercher chez Boss vers 18:00. II m’amène dans sa caze, nous nourri et nous loge, je me retrouve avec la future équipe qui fera le voyage avec moi, on sera 2 bateaux pour 16 passagers au total. Départ annulé vers 2h du mat’ car un voyage en Kwassa c’est comme un go fast, y en a un qui surveille la voie. Là en l’occurrence un gars posté sur Mayotte qui signale les patrouilles. Il appelle notre gars ici, voyage annulé, trop de gendarmes qui rôdent. Samedi : départ 3h du mat’, on trace bien en bagnole (à 12 dans un Scénic, pas mal) pour éviter de croiser les condés. Arrivés sur la plage, je suis posé sur une pirogue, les gars préparent les bateaux sur ma gauche, les voyageurs font la prière (la doha) sur ma droite, ça sent le départ. Ils éteignent le projecteur, la nuit est vraiment noire, c’est couvert donc pas d’étoiles, on voie que dalle mais même pas peur, pour l’instant je suis bien. On embarque, tout se passe bien. Au bout d’une 1/2 heure sur un trajet qui doit en faire normalement 3, la mer commence à pas mal s’agiter, on commence à bien se faire doucher, la sérénité est moindre. Le seul truc cool, se sont des espèces de paillettes dans l’eau et qui nous retombent dessus, superbe, je m’accroche à ça pour pas stresser. Le 2ème bateau pas loin de nous fait des trajectoires bizarres, j’apprendrai par la suite qu’ils ont failli chavirer à plusieurs reprises : en fait leur capitaine commençait à s’endormir... faut savoir que sur le notre de bateau, y avait une nana avec un bb d’à peine 1 ans 1/2, 2 ans. A cause des conneries de l’autre, heureusement avant qu’on soit au milieu de l’océan, les capitaines se font des appels aux torches des portables et on fait 1/2 tour. L’autre bateau s’approche, moi je comprends rien à ce qu’ils disent et ce qui se passe, on me dit d’y monter avec un autre gars, en urgence, je ne sais pas pourquoi. Je laisse mes bagages sur le 1er bateau. Je vois bien qu’on retourne sur Anjouan, les Comores, je commence à m’inquiéter, demande qu’est ce qui se passe, pas vraiment de réponse claire. Je commence à paniquer en pensant à mon tel et mon passeport, seules affaires vraiment importantes pour rentrer, faut pas qu’il arrive une tuile à mon précédent bateau. On nous descend sur une petite plage, très mignonne au demeurant, et les 2 capitaines s’expliquent. En fait c’est là qu’on me dit que le gars s’endormait, qu’il se sent pas apte à faire le voyage, quel crétin !! Les gars refusent de remonter sur son bateau, ils rentrent à pied jusqu’à notre logement. Les femmes sont rapatriés avec le 1er bateau, moi je sais pas pourquoi ils me mettent seul avec l’idiot. Ce con il rigole, il fume clope sur clope et là je pète un plomb. Le mec je le regarde dans les yeux, le montre du doigt, lui gueule dessus mais il comprend rien. On arrive au port, y a une trentaine de personnes, je demande bien fort si quelqu’un parle français car mon autre capitaine avec les nanas n’est pas encore arrivé. Et là, je passe par l’intermédiaire du traducteur pour lui en remettre une couche, qu’à cause de lui on a fait 1/2 tour, qu’il a mis en danger une quinzaine de personnes, ces passagers à lui et ceux de notre bateau par répercussion, dont un bébé. Et ce con il rigole encore. J’étais à 2 doigts de l’emplâtrer, je le traite de Djinn (démon), de shango (débile) pour qu’il comprenne bien, lui dit qu’il mérite de mourir en enfer. Je m’excuse auprès des gens pour la crise, ils sont compréhensifs. Là où je culpabilise un peu, c’est qu’on m’apprend qu’en fait les gens étaient rassemblés car ils faisaient des rotations en mer pour essayer de retrouver un pêcheur disparu depuis la veille... je refais des excuses aux pêcheurs en regardant la femme du disparu, ambiance ! Quand mon capitaine arrive, les pêcheurs sur la plage lui parle de ma scène, j’en remets une petite couche en scred, en lui demandant s’il remettrait son propre enfant entre les mains d’un taré pareil, lui rappelle que beaucoup de ces frères comoriens sont morts dans l’océan possiblement à cause d’idiots comme l’autre. Il me dit qu’il comprend, il s’excuse même car c’est lui qui organise, dit aussi qu’il ne bossera plus avec lui. On rentre à la case, les femmes y sont déjà, on bouffe ensemble. Les gars arrivent vers 13:00 les pauvres, ils ont traversés la moitié de l’île en savate et les gars ont trouvé le moyen de me rapporter une noix de coco, énorme !! Ça m’a hyper touché, leur explique que j’ai allumé leur pilote de mes couilles, que j’admire leur pacifisme en disant qu’on devrait lui couper les doigts au gars pour qu’il ne puisse plus jamais naviguer, ça les fait rire, je précise que je suis sérieux, les femmes qui ont été mise au courant (oui ils aiment se répéter ce genre d’histoire ici) développent en comorien. En fait ils sont pas pacifistes, ils sont plus que passifs, ils subissent en silence. En tout cas, même si je n’avais pas fait ce que j’ai fait, on avait partagé quelque chose de fort. Le reste de la journée était beaucoup plus cool, on a dansé, préparé un peu le repas ensemble, ça se détend, on fait les photos (j’ai demandé la permission de poster car avant j’osais pas prendre, pas de problèmes pour eux), ils ne m’appellent plus mounzoungo mais « clandestin » et on attend le vrai départ pour la nuit prochaine normalement... entre temps, ils m’ont trouvé de grands sachets pour emballer mes sacs quand ils m’ont vu galérer pour faire sécher dans l’aprèm et même une capote pour le portable !! Je connaissais pas la technique, ce sera efficace. Un gars enlève le lubrifiant en frottant sur son short et enfile le tel dedans. Propre. Au passage, leur disant que ça servait pas à ça normalement, j’apprend qu’ils mettent pas de capotes alors que ça baise tous azimuts. Franchement les Comoriens, humainement, l’hospitalité, l’attention envers moi et la sécurité (a part le con du jour mais justement ça a été vite géré), y a vraiment strictement rien à redire. Et tout ça c’est juste le 1er départ, avorté qui plus est. To be continued... Pour info, le kwassa que j’ai pris aujourd’hui n’est pas celui en photo, c’est une capture écran pour vous montrer à quoi ça ressemble. Bises

Comores 7 : voyage retour final Bon ça y est, le départ approche. Dimanche 3 h du mat, on embarque sur une autre plage. On est dans le noir, ils sont tous noirs, je met un moment avant de me rendre compte que mon capitaine en qui j’avais confiance n’est pas à bord. Ils sont 2 pilotes, bon point mais ils parlent pas français. Pas le choix, on trace, c’est couvert mais pas de vent, la mer est calme. La configuration a un peu changé, on est 10 passagers + les 2 pilotes, un moteur de 40 cv et un autre de 15, je pensais que ce n’était pas bon niveau équilibre mais au point où j’en suis je me pose plus de question. Le jour se lève, la lumière arrive, on commence à voir Mayotte, ça rassure. Les poissons volants volent, un magnifique oiseau nous survole à un moment (parait que c’est un Albatros), c’est plutôt sympa. Le trajet se passe bien mais c’est très inconfortable, on est serrés et ça tape le cul. Alors je fais quelques blagues de temps en temps car c’est bien beau leur prière mais aucune énergie positive ne circule, personne parle, ils sont même apeurés. En tout cas moi c’est en ça que je crois, de la bonne humeur ne fera pas de mal. On doit être à une dizaine de bornes de Mayotte quand le gars s’arrête pour passer son coup de fil de vérification patrouille. Je le vois debout entrain de regarder son téléphone, nous entrain de prendre la flotte car un bateau, c’est fait pour naviguer, pas pour s’arrêter au milieu de l’océan. Il y a un dévidoir et si tu trace, l’eau s’évacue autant qu’elle rentre, c’est physique. Donc au bout d’un moment, je demande aux passagers ce qui se passe, on me dit qu’il attend le réseau. Ça risque durer longtemps ! Marre d’avoir le cul mouillé et de voir l’eau s’accumuler à bord, je lui dis « si pas réseau, toi devoir bouger » en faisant des gestes. Je rajoute que le satellite ne va pas se déplacer vers lui, je ne sais pas s’il comprend tout mais il redémarre. On s’arrête plus loin, un avion nous survole, il nous dit de nous coucher. LOL l’avion il est en l’air, nous dans le bateau, je ne vois pas ce que notre position va changer. Mais je la ramène pas car en fait on est tous rester allongés jusqu’à l’arrivée, j’étais bien calé contre une bien grosse bien moelleuse, fin de parcours confortable. On arrive sans soucis sur la plage, comité d’accueil. Les gars prennent nos bagages, nous disent qu’il faut faire vite à cause de la gendarmerie. Je lui dit que c’est pas un problème pour moi, j’ai mes papiers. Mais je reste solidaire avec les clandos. Si j’avais su !! On escalade une petite falaise, rien d’insurmontable mais après 3 h de bateau, pas dormi des masses, rien mangé depuis la veille, ça tire un peu. J’enlève mon Kway et l’attache vite fait à mon sac mais ça me gêne. Un des gars me le prend soit disant pour m’aider, je reverrai jamais mon Kway. Arrivés dans les bois, ils nous font nous asseoir. Ça parle comorien, je comprends rien, m’allume une clope, ils m’en demandent une, je file le paquet. Je déconne un peu, ça rigole, jusqu’ici tout va bien. Puis ça cause sérieux et je vois tout le monde allumer les téléphones. Gentil, ou plutôt naïf, je leur dit de faire gaffe car s’ils se connectent tous en même temps et si les flics veulent vraiment faire leur boulot, c’est pas compliqué à repérer. Un des gars me dit « c’est bon on est sur internet ». J’y dis « ok si tu veux, moi je m’en fous ». En fait les clandestins appelaient leurs familles respectives car ils étaient en train de se faire racketter, les gars demandaient 50€ par tête de pipe ! On vient de crapahuter comme des sauvages, dont une femme d’une bonne soixantaine d’année en surpoids qui souffle comme un bœuf et les gars demandent leur fric. Heureusement qu’y avait pas les mêmes passagers que la veille, notamment la meuf avec son bébé, comment auraient ils gérés ça ? Y en a un qui se pose à côté de moi, m’explique calmement qu’il faut payer, ce que je n’avais pas encore compris. Je lui dis pas qu’il y a la cb dans le sac, juste que j’ai rien et que je peux me faire envoyer du western mais qu’on est dimanche. Et je rajoute qu’en même temps, il peut me laisser seul ici c’est pas un problème pour moi. Ils rigolent en attendant ça. J’étais sérieux, j’avais repéré un lac en grimpant, je sais qu’on est sur Petite Terre, difficile peut être a cause de la forêt mais pas impossible surtout avec Google. Mais je ne leur dit pas tout ça. Une des nanas que vous avez vu sur les photos avec qui j’ai sympathisé, parlant bien français, viens me voir et me dit qu’elle va payer pour moi. Je lui dis ok mais c’est combien ? Elle dit 50. Le gars nous entend et dit non pour lui c’est 250€ !! ». Je le regarde et lui dit que c’est n’importe quoi, ça baisse de suite à 150. Je lui dis pas possible, c’est elle qui paie pour moi, elle ne peut pas. Et on attend comme ça pendant bien 2 h. Pendant ce temps, y en a qui partent accompagnés d’un gars qui fait les allers retour, les femmes en premier car apparemment leurs maris paient. Moi je cogite, analyse de la situation : ils sont 6 moins un qui accompagne, ils ont 1 coupe coupe. Nous on est 5 mecs dont un qui s’est fait mal au genou en grimpant. Le rapport de force est correct, c’est pas non plus des gogols. Celui au coupe coupe est à 2-3 mètres devant moi, accroupi et en dévers, c’est jouable. Mais comment vont réagir les autres ? J’ai déjà vu la passivité de certains quand ils ont faillis se faire noyer, ils sont pas très réactifs et les autres ont peut être déjà tué, j’en sais rien. Fais pas le caïd Dadou, ça vaut pas la peine. Mais ça m’énerve. Je me lève, ils me demandent de m’assoir, je refuse en disant que j’ai mal au cul, je demande la permission d’aller pisser, ça passe. J’allume mon tel, un me voie, il me dit « qu’est ce que tu fais toi ? » je réponds que j’allume, il me dit non, je le fais en disant qu’ils l’ont tous fait. Problème je suis en mode avion et la capote de protection m’empêche d’activer. J’insiste pas, je le range. Ma pote vient me voir et à l’oreille me dit « calme-toi stp ». Elle m’a peut être sauvé la life... Au final, on n’est plus que trois. Pour le dernier qui est avec nous, il n’a que 30€ en poche, une adresse et son baluchon, ou plutôt un sac poubelle avec ses affaires. Le pauvre, il lui prenne son cash et le laisse partir. Pour nous, on nous accompagne, je demande discrètement à la meuf si ils avaient dit quelque chose me concernant, elle me dit que non j’ai rien à craindre, que tout est réglé, sa coloc a payé. En s’approchant de la civilisation, les gars nous ont lâchés petit à petit, un dernier nous amène au taxi. On arrive chez elle et en racontant l’histoire en comorien, on apprend qu’en fait la coloc n’a payé que 50€. Elle aurait pu ne rien me dire mais elle le fait, j’admire son honnêteté, je lui paie les 50€ qu’elle a perdu. Elle refuse, je lui dit qu’elle m’a peut être sauver la vie, elle accepte. Je retire et c’est bon. C’est tellement plus facile quand on est français ... Là je suis encore chez elle mais je bouge tout à l’heure, des français rencontrés aux Comores m’accueillent. Elle me dit que je peux rester chez elle, je lui dis de ne pas se vexer mais j’en ai un peu marre de cette ambiance, que dans son quartier je ne peux ne pas bouger. Oui ici c’est un quartier populaire, je ne me déplace pas sans son fils car elle veut qui m’arrive rien. Elle est cool mais j’ai pas envie, vraiment, pour une fois je refuse l’hospitalité. D’habitude les quartiers populaires ne me posent aucun problème. Mais même à Mada je n’ai pas connu de situation aussi tendues. Là j’en ai marre. Voilà, fin des aventures. Je fais un test antigénique à 16:50 demandé par les gens qui vont m’héberger, demain j’en fais un autre valide pour les compagnies aériennes (merci la sécu, c’est du beau tout ça quand tu vois comment je suis arrivé ici) et si tout va bien je bouge jeudi. J’avais réussi à gruger les tests jusqu’à présent, là j’en aurais eu deux en deux jours. Pas peur du Covid mais peur de rester bloqué ici si c’est positif. Inch’Allah comme ils disent, ça va bien se passer. En tout cas Valérie Boutin t’avais raison en me disant de faire super gaffe, mais je précise juste que c’est à Mayotte que c’est la merde, rien à voir avec les Comores, même s’il s’agit de la même population

Merci de m’avoir lu les amis et désolé de vous avoir inquiété pour certains... Bisous


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