Bilan carbone zéro (1)
Une centaine de kilomètres à pied, de Dinard au Mont Saint-Michel, ça use plus les pieds que les souliers… Belle occasion d’entrevoir l’univers du slow tourisme, sans paillettes (et tenues fluo), sans compétition (goûter l’expérience suffit), sans classes (personne n’évoque sa profession), sans âges…
Le Mont Saint-Michel est le point de départ du GR 34 qui arpente la Bretagne sur environ 2000 km, un des chemins de randonnée « mythiques » (comme le GR 20 en Corse, le GR 10 qui traverse les Pyrénées, sans parler des chemins de Compostelle). Non par esprit de contradiction mais pour avoir un point de mire, j’ai choisi d’entreprendre ce tronçon à contresens. Dans une douce euphorie j’ai donc zoomé pendant quelques jours sur cet objectif majestueux, que j’aurais atteint en moins d’une heure en voiture… J’ai découvert ce bout de Bretagne (et cette parcelle de Normandie) à l’échelle d’une fourmi et non d’une humaine. Et pris le temps d’écrire quelques cartes postales…
Pingre ou rationnelle ?
Camping de Saint-Malo, table de pique-nique où le hasard réunit une cyclotouriste, deux randonneuses dont une Allemande. A chacune son repas mais les expériences de voyage se partagent. L’Allemande nous montre son réchaud à alcool à brûler, fabriqué par sa mère grâce à un tutoriel. Poids plume. La quête du randonneur, c’est d’alléger son sac (je regrette déjà les quelques gadgets auxquels je n’ai su renoncer comme cette boussole qui ne m’a pas empêchée de me perdre sans arrêt… ou ces carnets dans lesquels je n’ai rien écrit ou dessiné…). J’observe que tout est rangé dans des micro-sachets minutieusement étiquetés (sel, semoule…) Comme nous discutons du savant dispositif qui équipe la tente d’un autre Allemand à proximité – de mini-panneaux solaires pour produire de l’électricité, nous plaisantons sur la qualité des produits industriels allemands. « Oui. Mais nous n’avons pas votre romantisme ! » objecte-t-elle.
Vient le montage de sa tente. Elle contient dans un sac de la taille d’un K-way et pèse moins de 400 grammes, soit six fois moins que la mienne ! Une rapide recherche internet de la cyclotouriste nous apprend qu’elle coûte 390 euros pour une personne, 750 pour deux places (soit 25 fois plus que la mienne, je suis gagnante au rapport poids/prix…) Je fais tout de même légèrement sensation avec ma lampe-ampoule en plastique ultralégère (payée 2 euros dans le magasin danois de la rue Ste-Catherine…) Plus tard, alors que je reviens des sanitaires, elle me demande si je peux la dépanner de quelques feuilles de papier-toilette. « Il ne me reste que ça mais ils en vendent à l’accueil à 50c. » le lendemain matin, comme je reviens du petit-déjeuner, elle m’interpelle :
Tu as fait tes courses ?
Je réponds, un peu surprise :
Euh… oui ! Enfin, j’ai acheté du papier-toilette…
Tu peux m’en donner quelques feuilles ? Comme il ne me reste que quelques jours…
Interloquée, je lui cède le rouleau entamé, me demandant s’il s’agit de rationalité ou de pingrerie… Et si c’est mon « romantisme » qui m’empêche de refuser…
Colette Milhé