D'ores et déjà, 60% des Français se déclarent «pour»...
«Je ne sais pas ce que c’est qu’un superprofit.» Nous nous gausserons longtemps de cette phrase assez surréaliste prononcée par Bruno Le Maire, la semaine dernière, devant les adhérents du Medef réunis pour leur Rencontre des entrepreneurs de France annuelle. Alors que, dans le pays, la colère gronde et se propage à la vitesse des fins de mois difficiles sinon impossibles, le gouvernement, aux abois, poursuit ses provocations et refuse pour l’instant toute idée de «taxation» de ces superprofits, contrairement à nos voisins espagnols et italiens, voire l’Allemagne qui l’envisage désormais. L’enjeu est de taille et, après avoir alimenté «le» feuilleton de l’été, il est devenu celui de la «rentrée» sociale et politique. Et pour cause. Ce 2 septembre, une grande entreprise française, l’armateur de porte-conteneurs CMA CGM, a «remis une pièce dans le jukebox» sous la forme d’un profit phénoménal enregistré au deuxième trimestre de l’année en cours, 7,6 milliards d’euros… pour un cumul au premier semestre de près de 15 milliards. Du jamais-vu.
Il y a quelque chose d’obscène et d’indécent à nier cette réalité : les actionnaires et les profiteurs des crises s’en mettent plein les poches sans lever le petit doigt en profitant de circonstances exceptionnelles (174 milliards d’euros de dividendes redistribués !), pendant que les Français subissent l’inflation et un coût de la vie croissant qui ruinent leur pouvoir d’achat. «Taxer en France, c’est produire moins en France», répond absurdement Bruno Le Maire, quand Élisabeth Borne, coincée par ces chiffres scandaleux et l’ampleur de la polémique, affirme vouloir laisser le débat ouvert si elle constate que les patrons, d’ici la fin de l’année, n’ont pas redistribué une partie de cette manne en salaires, primes ou baisse des prix – manière bien opportuniste de botter en touche.
Au Parlement, la Nupes n’a pas dit son dernier mot. Mais ce combat fondamental doit aussi devenir l’affaire de tous. D’ores et déjà, 60% des Français souhaitent la taxation de ces superprofits. Voilà l’une des grandes batailles politiques qu’il convient de gagner pour répondre, immédiatement, à l’urgence sociale absolue et amorcer le début d’une nouvelle répartition des richesses. Une mobilisation totale est requise pour y parvenir. À commencer dès le 9 septembre, à la Fête de l’Humanité…
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 5 septembre 2022.]