Par Loic Rousselle.
Les déboires subis actuellement par la filière nucléaire mettent en danger la sûreté de l’approvisionnement en électricité à un coût raisonnable pour les particuliers comme pour les entreprises. La promesse de l’État stratège d’être en capacité de fournir une énergie abondante, sûre et abordable est battue en brèche… Cette situation doit être considérée comme une occasion de diversifier et de décentraliser la production d’électricité.
Comment arbitrer de la manière la plus efficace possible pour nous adapter à la raréfaction des ressources, faire face aux besoins croissants en énergie, renforcer notre indépendance énergétique et préserver la compétitivité de nos entreprises ?
Nous pensons que les prix libres et la liberté économique sont la solution.
Seuls des prix libres et la possibilité offerte aux entreprises productrices d’électricité ou aux particuliers de vendre leur production aux prix du marché peuvent fournir les incitations qui nous permettrons de nous adapter… Sans constructivisme ni planification centralisée.
Pour permettre au marché libre de stimuler la création de solutions innovantes de production d’énergie et pour laisser l’ordre spontané arbitrer entre les différentes options, les informations capitales dont ont besoin les intervenants sont les prix réels. Les subventions doivent donc être bannies pour la filière nucléaire comme pour les ENR, car elles constituent une distorsion de la concurrence et des prix.
La transparence des coûts doit prendre en compte l’ensemble du cycle de vie des produits et des formes d’énergie… Dans le cas du nucléaire par exemple, le prix du KWH doit tenir compte du démantèlement des centrales, de la dépollution des sites, du coût de la gestion des déchets à très long terme ainsi que d’une prime d’assurance pour faire face à une éventuelle catastrophe.
Avec cette manière rationnelle, transparente et équilibrée de calculer le prix du KwH d’électricité nucléaire, il est probable que de nombreux futurs projets de production d’énergie à base de technologies propres et innovantes puissent être rapidement rentables et compétitifs.
La politique suivie par le gouvernement français est une sorte de double pensée qui d’une part sous-estime le coût réel de l’électricité provenant de la fission nucléaire, une technologie parvenue à maturité, gênant ainsi l’émergence de solutions alternatives et d’autre part subventionne lourdement des ENR qui ne correspondent probablement pas aux solutions qu’un véritable marché libre ferait émerger.
La diversification des productions d’énergie électrique est une nécessité pour garantir l’approvisionnement des consommateurs comme le démontre l’incroyable épisode actuel de la filière nucléaire en quasi monopole en France avec 28 des 56 réacteurs que compte notre pays à l’arrêt. La volatilité actuelle des prix n’est pas le résultat du marché libre mais bien du monopole de gros intervenants soutenus par l’État. Il est peu probable qu’un acteur privé se débrouille pour avoir la moitié de son outil de production en maintenance en pleine envolée des prix.
Un véritable marché libre européen constitué de très nombreux intervenants parfaitement interconnectés doit aboutir à des prix stables et en baisse comme cela s’est toujours vérifié lors de l’ouverture de marchés à la concurrence (téléphonie, internet).
Contre la planification étatique
La planification étatique et centralisée de la production électrique n’est pas adaptée à la période de destruction créatrice shumpétérienne que nous vivons dans ce domaine.
Les ENR ne sont certes pas matures actuellement mais des découvertes et des innovations prometteuses voient le jour régulièrement comme les panneaux solaires à haut rendements, le stockage des pics d’électricité solaire sous forme de chaleur ou sous forme solide. Personne actuellement n’est capable d’imaginer les technologies qui seront pertinentes dans quelques années. La seule certitude est que le prix de la production d’énergie nucléaire ne devrait pas baisser car c’est une technologie mature basée sur une ressource non renouvelable tandis que le prix du KWH solaire par exemple ne cesse de décroître. Pour profiter à plein de cette destruction créatrice et offrir à notre pays l’opportunité de devenir un leader de ces technologies d’avenir, la seule solution est le laissez faire, c’est à dire un État garant des prix libres et d’une concurrence loyale qui laisse l’initiative privée se déployer localement sans lui opposer d’entraves bureaucratiques excessives.
Pour que ce système puisse fonctionner convenablement, une refonte du marché européen de l’énergie doit être mise sur la table afin d’améliorer l’interconnexion des différents réseaux, cette interconnexion permettant un lissage des prix et une intégration optimale des ENR existantes au réseau. Les prix fixés arbitrairement par l’État ne sont bien entendu pas compatibles avec un marché libre et pénalisent les consommateurs qui payent en réalité une partie de leurs factures d’énergie sous forme de taxes et d’impôts qui seront ensuite distribués de façon plus ou moins opaque aux producteurs d’énergie.
Ces prix artificiellement bas diminuent les incitations économiques qui devraient être le moteur de la transition énergétique.
Les dispositifs actuels tels que la loi NOME adoptée en 2010, (nouvelle organisation du marché de l’énergie) et l’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) qui obligent EDF à vendre une proportion importante de sa production à un prix dérisoire à ses concurrents sont bien évidemment le contraire d’un marché libre, dynamique et interconnecté, nous pensons qu’ils devraient être supprimés.
Pour nos industriels qui ont besoin de stabilité des prix de l’énergie, les solutions existent et sont déjà appliquées, ce sont les contrats de fourniture long terme.
Par exemple, le consortium Exeltium, constitué de 27 industriels gros consommateurs d’électricité a signé en 2010 un contrat d’approvisionnement sur 24 ans afin de s’assurer une fourniture d’une quantité d’électricité à un prix compétitif fixe sur cette période.
Nous pensons que le marché européen des droits d’émission de carbone, qui est une taxe d’incitation (100 euros la tonne de CO2 émise), n’est pas un problème pour la compétitivité de nos entreprises à condition qu’elle soit complétée par un mécanisme d’ajustement aux frontières de l’Union européenne, faisant payer cette taxe aux pays étrangers qui souhaitent vendre leurs produits en Europe afin de rétablir une concurrence loyale.
Ces taxes écologiques peuvent permettre de faciliter la transition énergétique et la relocalisation de l’économie, gage d’une baisse substantielle de la pollution liée aux transports, de plein emploi et de résilience pour l’Europe.
Le gouvernement insiste lourdement sur la nécessité d’efforts très importants de baisse de la consommation d’énergie à réaliser pour les particuliers et les entreprises.
Comment faire respecter ce type d’injonctions gouvernementales sans tomber dans la société de surveillance ? Sans tomber dans l’écologie punitive que nous rejetons ?
Là encore, nous pensons que seuls les prix libres de l’énergie sont à même de fournir les incitations requises : la rénovation énergétique des bâtiments et la sobriété énergétique des entreprises se feront naturellement car ce sera rentable, tout simplement.
La liberté économique, la transparence des prix et la concurrence loyale sont les meilleurs atouts de la transition énergétique.