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Interdiction des véhicules thermiques neufs : un suicide

Publié le 19 septembre 2022 par Magazinenagg

 Par Philippe Charlez.

Le Parlement européen a adopté le 8 juin 2022 la directive visant à interdire la commercialisation de véhicules thermiques (voitures et petits utilitaires) à partir du 1er janvier 2035. La décision est lourde de conséquences pour le citoyen sur le plan de l’usage, la faisabilité « universelle » du VE (Véhicule Électrique) étant loin d’être démontrée. Elle est aussi lourde de conséquences pour l’industrie automobile européenne obligée de se restructurer totalement en moins de 15 ans. La filière produit 7% du PIB et emploie 10 % de de la main-d’œuvre manufacturière.

Véhicule électrique pour quels usages ?

Comparés aux véhicules thermiques, les VE se caractérisent par une faible autonomie et des longs temps de charge. Ces caractéristiques convergent vers la même conclusion : la voiture électrique est un véhicule urbain et périurbain et non un véhicule routier. Son application doit se restreindre à des petits véhicules de faible autonomie (batteries de 20 à 30 kWh), des parcours journaliers n’excédant pas 150 km et des longs temps de charge sur des prises de faible puissance (<10 kW) utilisées la nuit au domicile et le jour au bureau. Sur l’ensemble des kilomètres parcourus, 75 % sont dédiés à des trajets quotidiens de moins de 100 km contre seulement 25 % pour les trajets longues distances. Malgré ses inconvénients, l’électromobilité jouera donc un rôle déterminant dans la mobilité du futur.

Bilan énergétique et bilan carbone d’un véhicule électrique

Ne brûlant aucun combustible, la voiture électrique a un rendement de près de 100 % (contre 20 % à 30 % pour une voiture thermique). Mais, à ces consommations d’utilisation viennent se greffer des consommations grises liées à l’importante consommation énergétique requise pour extraire, conditionner et assembler les métaux (cobalt, lithium, graphite) nécessaires à la fabrication de la batterie. Sur 100 000 km (kilométrage de garantie de la batterie), l’énergie de fabrication de la batterie va accroitre de 36 % la consommation d’une urbaine (petite batterie de 30 kWh) et plus que doubler celle d’une routière (grosse batterie de 90 kWh). Le rendement de 100 % doit donc être largement modulé.

S’il n’émet aucun CO2 durant son utilisation, un VE est responsable d’abondantes émissions grises durant son cycle de vie. Suivant la source électrique (charbon, gaz, fioul) l’électricité peut être fortement carbonée : en moyenne le kWh Européen émet 250 gCO2. Fortement énergétivore la fabrication d’une batterie est un processus fortement émetteur de CO2. Selon le Swedish Environmental Research Institute la fabrication d’une batterie de 1kWh émet entre 60 kgCO2 et 100 kgCO2.

Si un petit VE urbain émet 62 % de CO2 en moins que son équivalent thermique, en revanche la routière électrique émet 8 % de plus. Comme pour l’usage et la consommation, la mobilité électrique longue distance se révèle donc désastreuse en termes d’émissions de dioxyde de carbone.

Interdiction des véhicules thermiques neufs : un suicide

Surconsommation et surpuissance électrique

Une électrification totale du parc français actuel augmenterait la consommation annuelle d’électricité de 100 TWh soit un excédent de 25 % par rapport à la consommation actuelle. Tout en étant significatif, cet accroissement ne constitue pas un point de blocage. En revanche, la sur-demande en puissance électrique (de l’ordre de 30 GW) représente jusqu’à 40 % de la puissance nominale consommée aux heures de pointe l’hiver. La généralisation de la mobilité électrique devra donc s’accompagner de la mise œuvre d’unités supplémentaires.

Enfin, la gestion de la mobilité électrique longue distance peut être catastrophique les jours de « grande transhumance ». Ainsi, la gestion du flux critique de véhicules un premier août nécessiterait 42 000 bornes haute puissance de 240 kW. Un goulot supplémentaire montrant combien la mobilité électrique s’avère très mal adaptée aux longues distances.

Batteries et métaux rares : une affaire d’indépendance européenne

Elément clé de la mobilité électrique, les batteries ion-lithium sont aujourd’hui fabriquées en grande majorité (80 %) dans le sud-est asiatique.

Mais la construction des batteries n’est pas le seul élément d’indépendance nationale à considérer. Les métaux rares et semi rares (cobalt, graphite et lithium) sont très mal répartis à la surface du globe. Ainsi, la RDC recèle plus de la moitié des réserves de cobalt, le Brésil, la Chine et la Turquie possèdent les deux tiers des réserves de graphite tandis que l’Argentine et le Chili possèdent les trois quarts des réserves de lithium.

Le passage de la mobilité thermique à la mobilité électrique transformera notre dépendance pétrolière en dépendance minière.

Conclusion : équilibrer la mobilité verte entre électricité, hydrogène et biocarburants

La mobilité électrique n’est pas, comme semble le supposer l’UE, une « thérapeutique » universelle pour remplacer la mobilité thermique. Si elle représente la solution la plus pertinente en déplacement urbain, son utilisation sur les longues distances est très contestable à la fois en termes d’usage, de consommation et d’émission de CO2. Sur longues distances, les alternatives décarbonées sont les biocarburants et l’hydrogène.

Couvrir 25 % des trajets par l’hydrogène nécessiterait de produire annuellement 1,3 million de tonnes de H2 vert ce qui réclamerait environ 70 TWh d’électricité et la construction d’un réseau coûteux de distribution d’H2.

En abandonnant la construction du moteur thermique à l’horizon 2035, l’Europe se privera implicitement de l’autre alternative (les biocarburants peuvent être utilisés tels quels dans les moteurs thermiques actuels) sous forme de véhicules hybrides associant bio-éthanol et électricité.

L’arrêt de la production des voitures thermiques en 2035 comme le propose la Directive européenne associée à la vision lointaine de la filière hydrogène encouragera inexorablement les motoristes à construire des routières électriques et les fournisseurs d’énergie à équiper les stations autoroutières de bornes haute puissance. À l’encontre de toute logique, cette stratégie peut se révéler à terme suicidaire pour le Vieux Continent.


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