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L’Observatoire de servomap VARIATION DES PRIX DANS LES MARCHES PUBLICS

Publié le 04 janvier 2008 par Vecteurplus

FOCUS JURIDIQUE par Maître Rodolphe Rayssac, Avocat au Barreau de Paris - 7/12/07
VARIATION DES PRIX DANS LES MARCHES PUBLICS :

servomap : LE TITULAIRE DU MARCHE PEUT IL SE PREVALOIR DE LA THEORIE DE L’IMPREVISION ?
Maître Rodolphe Rayssac : Dans un contexte général de tension sur les prix de certaines matières premières et de l’énergie, de nombreuses entreprises titulaires de marchés publics rencontrent de réelles difficultés se traduisant par une augmentation de leurs coûts de production.
Cela est notamment le cas pour les marchés de travaux ou de fournitures dont les prestations font appel à l’utilisation de matériaux dont les cours connaissent de fortes fluctuations.
Ces difficultés rencontrées par les fournisseurs dans les fluctuations des prix relèvent, en cas de préjudice financier pour le titulaire du marché, de la théorie de l’imprévision.
Au-delà de l’approche jurisprudentielle, ces difficultés ont également fait l’objet de circulaires ministérielles, comme par exemple la Circulaire du 20 novembre 1974, ou bien encore la Circulaire du 25 janvier 2005.
L’imprévision est une théorie jurisprudentielle née de l’arrêt du Conseil d’Etat du 30 mars 1916, Cie générale du gaz de Bordeaux. Cette théorie impose à la personne publique cocontractante l’obligation d’aider financièrement le titulaire du marché à exécuter le contrat, lorsqu’un événement imprévisible et étranger à la volonté des parties a provoqué le bouleversement de l’économie du contrat.
Tel est le cas lorsqu’à raison de l’état d’imprévision qui s’est constitué, le cocontractant est exposé à ne plus pouvoir faire face à ses obligations.
Plusieurs conditions doivent toutefois être vérifiées pour que le titulaire du marché puisse se prévaloir de la théorie de l’imprévision.
I - LES CONDITIONS DE L’ETAT D’IMPREVISION :

La théorie de l’imprévision est constituée si quatre conditions cumulatives sont réunies :

- un bouleversement de l’économie du contrat entraînant un déficit pour le cocontractant,
- l’imprévisibilité des circonstances et du bouleversement
- l’extériorité du bouleversement
- la possibilité de continuer l’exécution du contrat

Deux de ces conditions nécessitent un examen particulier :

1. La notion de bouleversement de l’économie du contrat :

Il est acquis par la jurisprudence administrative que le bouleversement doit être spécial, et que la théorie de l’imprévision n’est pas destinée à indemniser les aléas normaux.
L’aléa économique doit ainsi entraîner un surcoût spécial dans l’exécution du contrat. Il en résulte que la théorie n’est pas applicable si l’augmentation des charges n’est pas spécifique au contrat passé avec l’administration (CE, 7 octobre 1970, Pierre Lavigne) et, a fortiori, s’il concerne un grand nombre d’entreprises (CE, 2 mars 1977, Sté Leflon et Cie et Hoeltgen).
En outre, le bouleversement doit être important et est apprécié au cas par cas. L’analyse de la jurisprudence montre que le minimum doit se situer approximativement entre 5 et 10%.
Sur ce point, la circulaire du 20 novembre 1974 dispose que la condition relative au bouleversement est remplie lorsque « les charges extracontractuelles ont atteint le quinzième du montant initial du marché ou, pour les marchés ne comportant pas de montant initial (…), lorsque ces charges extra contractuelles ont atteints le quinzième des sommes réglées en application des clauses contractuelles. Toutes ces sommes doivent être calculées hors TVA ».
Le bouleversement peut par ailleurs être constitué par une hausse des charges d’approvisionnement, des charges fiscales ou des salaires, appointement ou charges qui s’y rapportent.
Le conseil d’Etat considère sur ce point que :
« L’imprévision suppose d’abord un déficit, une perte subie par le cocontractant; celui-ci ne peut jamais invoquer un simple manque à gagner une diminution ou même la disparition totale de son bénéfice » (de Laubadère A., Moderne F. et Delvolvé P., Traité des contrats administratifs, t. II, 3° éd., LGDJ, 1984, n° 1358, p. 595; voir en ce sens: CE, 25 nov. 1921, Cie pour l’éclairage des villes, Rec. CE 1921, p. 1001).
C’est au titulaire du marché qu’il appartient de prouver que son contrat a été bouleversé et d’apporter les justifications de nature à établir le montant de la surcharge qu’il a supporté. La personne publique doit, quant à elle, contrôler toutes les assertions en examinant les justificatifs produits.

2. L’imprévisibilité des circonstances du bouleversement
L’état d’imprévision ne peut résulter que de la survenance d’un événement qui était imprévisible lors de la conclusion du contrat.
De sa survenance doit résulter un bouleversement de l’économie du contrat, c’est à dire plus qu’une simple rupture de son équilibre financier. L’évènement doit aggraver les charges du cocontractant dans une mesure telle qu’une situation extra contractuelle se trouve créée.
Sur ce point également, le Conseil s’Etat a rappelé que la théorie ne pouvait valablement être invoquée lorsque l’événement constitutif du préjudice concernait plusieurs entreprises (CE 2 mars 1977, Sté Leflôn et Cie et Hoeltgen, Lebon Tables, p. 740 et 890; RDP 1917, p. 430).

II - LES CONSEQUENCES DE LA THEORIE DE L’IMPREVISION :

La théorie de l’imprévision est applicable à tous les contrats administratifs, et notamment dans les marchés publics. Elle ne libère pas le cocontractant de ses obligations. Ce dernier reste tenu de continuer l’exécution du contrat. Son interruption aurait pour effet de le priver du droit d’obtenir une indemnisation au titre de l’imprévision.
Surtout, la non exécution de ses obligations contractuelles serait susceptible d’engager sa responsabilité, et de conduire la personne publique à faire exécuter le marchés aux frais et risques du titulaire défaillant.

En pratique, lorsqu’il y a forte variation des conditions économiques du marché, les parties sont tenues de rechercher les conditions dans lesquelles le contrat pourrait être adapté à l’état d’imprévision.
Deux situations peuvent alors se présenter :
- Soit les parties trouvent un accord sur le montant de l’indemnité d’imprévision. Celle-ci sera alors contractualisée par un avenant au marché public.

- A défaut d’accord entre les parties, le cocontractant pourra saisir le juge administratif, afin de solliciter le versement d’une indemnité d’imprévision.
Lorsqu’il y a lieu à indemnité, celle-ci est liquidée et mandaté après exécution du marché puisque, réserve faite de certains marchés de longue durée, le montant des charges extra contractuelles doit être évalué par rapport aux résultats d’ensemble du contrat.

Dans l’hypothèse où la stabilisation des circonstances économiques s’effectue à un niveau tel que les clauses contractuelles s’avèrent définitivement inadaptées, les tribunaux considèrent qu’il appartient aux contractants de procéder à l’amiable à leur révision.
Enfin on relèvera qu’à défaut d’accord sur ce point, les tribunaux administratifs se réservent le droit de prononcer la résiliation du contrat.

En conclusion, on constate que la mise en œuvre de la théorie de l’imprévision implique, pour que le titulaire du marché puisse prétendre au versement d’une indemnité, la réunion de plusieurs conditions.
Récemment, cette théorie a trouvé à s’appliquer à propos des très fortes hausses du marché de l’acier (de l’ordre de 30%) et par des retards d’approvisionnement importants. Une note du ministre de l’Equipement en date du 18 mai 2004 (Mon. TP 11 juin 2004, p. 436) a donc sur ce point incité les entreprises subissant un préjudice à se prévaloir de la théorie de l’imprévision (Cf également Rép.min. à QE n°36543, JOAN Q.21 septembre 2004, p. 7298, qui confirme que la hausse du marché de l’acier relève de l’application de la théorie de l’imprévision).
L’appréciation du principe même de l’imprévision, ainsi que son montant, relèvent bien évidemment d’une appréciation au cas par cas de chaque situation. Pour autant, on constate que les fluctuations économiques récentes, et les difficultés fréquentes que rencontrent les fournisseurs pour maintenir leurs prix créent aujourd’hui des situations susceptibles de faire augmenter les réclamations fondées sur ce principe jurisprudentiel.

Rodolphe Rayssac
Avocat au Barreau de Paris

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