Chroniques de l’ordinaire bordelais. Episode 420

Le miroir retourné

Déjeuner d’anthropologues avec le maire d’une commune du Mali. Il nous raconte la situation militaire, le rôle des bandes armées, ses difficultés… donnant nécessairement des informations de qualité et peu conformes avec ce que nous disent les médias. Mais, d’un coup, tout change. Il s’enquiert des conditions dans lesquelles l’une d’entre nous a rencontré certaines personnes de sa commune et pas d’autres, a logé chez certains et non chez d’autres, pourquoi elle s’est trouvée dans un camp, le sien, et non dans celui de ses opposants. Loin de l’Afrique ose-t-il enquêter sur les circonstances dans lesquelles il a été étudié, dans lesquelles se déroulent les recherches anthropologiques ? A ces questions, l’Africaniste répond par son âge, jeune elle n’intéressait personne, par ses comptes, elle est allée chez les moins onéreux, le hasard… L’enjeu n’est pas mince car justement, toutes les célébrités de l’anthropologie venus dans la région n’ont eu de contact qu’avec les autres, négligeant ainsi les informations et les points de vue de ses amis. Rien n’est surprenant dans cette situation même si Barley ou Clastres ont rendu compte de leurs échecs et difficultés, mais presque jamais les conditions des enquêtes n’ont été présentées du point de vue des enquêtés. L’anthropologie a encore des progrès à faire.
Bernard Traimond