C'est lundi, jour de retour de deux semaines de vacances. C'est à 14h00 que je reprends le travail pour l'école à Québec, à mi-temps pour deux mois.
Le temps passe à grande vitesse et j'ai tout juste eu le temps d'apprécier ces instants avec les personnes aimées, ces moments de repos remplis de moments de découvertes et d'échanges. Je n'ai pas vraiment arrêté mais ce n'est pas mon style non plus. Faire la crêpe sur la plage pour dorer les deux faces, ce n'est pas moi du tout.
Je suis curieuse et j'aime rencontrer, échanger, partager des moments avec des personnes intéressantes. J'aime me balader et fouiner pour découvrir des lieux, des objets, des personnes. La vie et le monde sont remplis de surprises et je suis toujours remplie de joie et de gratitude pour ces moments. Ce sont mes vacances. Celles qui me déconnectent de mon "travail".
Ce que j'aime de ce genre de vacances, des voyages en fait, ce sont les surprises ! Quand on bouge, qu'on sort de notre zone de confort, on découvre tellement ! Le monde extérieur mais aussi notre monde intérieur. Avancer dans le monde, dans la Vie, vers les autres, c'est aussi avancer vers Soi puisque la vie nous met alors devant, ou dans, des situations auxquelles on ne s'attendrait pas, et c'est là le merveilleux de sortir de son cocon et d'oser aller vers l'inconnu. La découverte de Soi à travers le Monde et les autres.
Justement, cette semaine, alors que je marchais sur un trottoir de Neuchâtel (la ville où j'ai grandi avant d'aller vivre à Genève à l'âge de 18 ans), j'ai croisé un monsieur en jean et pull vert, avec une légère barbe blanche et un sac à dos, qui marchait d'un pas à la fois sûr et nonchalant. J'ai vu son visage très rapidement mais il m'a rappelé quelqu'un. Je me suis retournée et l'ai regardé marcher. Sa démarche le trahissait. J'ai appelé son prénom, une fois. S'il ne se retournait pas, c'est que ce n'était pas lui, me suis-je dit, quoique j'en étais quasi sûre.
Hésitant un quart de seconde en entendant le prénom, il s'est retourné et on s'est regardés. "Dominique ?!" a-t-il dit, l'air à la fois surpris et interrogateur. C'était bien lui. Peureux du Covid (de ses dires tout de suite alors que j'allais lui faire la bise comme tout le monde le fait pour se dire bonjour), il m'a tendu le poing pour se saluer.
On avait du temps tous les deux et il m'a invitée à prendre un café sur une terrasse à la place du Marché.
C'était mon premier amour, mon premier amant, mon premier compagnon de voyages. Sardaigne en vélo-camping, ski dans les Alpes, tour des États-Unis, Sri Lanka et Inde, cet homme a été aussi celui qui m'a amenée à m'intéresser à d'autres spiritualités. Il a été un grand tournant dans ma vie. Nous ne nous étions pas vus depuis 1985.
A l'époque, je ne savais pas ce que voulait dire aimer et être aimée. J'étais juste hyper dépendante affective et très souffrante. Il avait beaucoup de compassion et de gentillesse pour moi mais n'était pas amoureux de moi, pas comme moi je l'étais de lui. Nous avions du plaisir ensemble mais il ne m'a jamais pris la main pour marcher, par exemple.
Il m'a trompée un jour avec celle qui est ensuite devenue sa femme et avec qui il est toujours très heureux, m'a-t-il dit alors qu'on échangeait sur nos vies respectives. Ils ont eu trois enfants et ont quatre petites-filles.
Je savais depuis longtemps que je devais finaliser quelque chose avec cet homme qui était toujours présent dans mon coeur malgré les années et tout le cheminement intérieur que j'ai fait à ce sujet. J'avais longtemps voulu le revoir et lui dire ce que j'avais vécu après notre relation, à cause et grâce à lui, car sa présence dans ma vie de femme a marqué toutes les relations que j'ai eues ensuite.
Nous avons passé une demi-heure ensemble et, en aucun temps, je n'ai eu envie de lui raconter ça. Nous sommes à des fréquences totalement différentes et lui parler de mon histoire après lui n'a aucun intérêt. Que pourrait-il en faire, de toute façon ? C'est ma vie. Le revoir m'a permise de voir et de sentir qu'il est très heureux en famille, dans la région où il vit et que nous n'avons plus les mêmes intérêts.
Quand on s'est quittés, il m'a dit qu'il ne pourrait pas voyager comme je le fais, que ce n'est pas éthique pour la nature et le réchauffement climatique, qu'il emploie très peu son auto. J'ai reconnu l'homme engagé dans sa société. Je lui ai souhaité le meilleur et à la revoyure dans un autre 35 ans en le saluant d'un autre poing-à-poing anti-covid !
Plusieurs heures plus tard, j'ai réalisé qu'on ne s'étaient pas proposé d'échanger ne serait-ce que notre numéro de téléphone. Pas besoin. Nous ne nous reverrons probablement jamais, en tout cas pas sur invitation réciproque. Il n'y a que le "hasard" qui pourrait nous amener à nous recroiser.
A chaque endroit où je passe, je découvre des choses sur moi. A certains endroits, j'en viens même à guérir de vieilles reliques du passé. C'est mon chemin, celui que je sens que je dois faire pour ne pas tomber dans une routine qui serait mortelle pour moi. J'ai trop besoin de bouger, découvrir, rencontrer, voir l'horizon, l'infini, l'illimité et de savoir que j'y ai accès quand je veux.
Par contre, quand je regarde le sourire heureux de cet homme aujourd'hui, je me dis qu'il y en a qui ont la propension au bonheur et d'autre pas, qui naissent avec tandis que les autres galèrent longtemps pour en trouver des fragments.
Il y a peut-être une dizaine d'années, j'aurais été encore dans l'envie de son bonheur en couple, en amour, en famille, avec cette impression (et croyance) que le bonheur est pour les autres et pas pour moi.
En le rencontrant l'autre jour, je me suis rendue compte que j'aime ma vie telle qu'elle est, avec tout ce que j'ai vécu et je ne regrette rien même si j'aurais parfois "voulu l'avoir plus facile" comme on dit. Je n'ai rien à lui envier car je n'ai pas les mêmes intérêts que lui et je sais aujourd'hui que je peux aussi créer un tel bonheur, que je le mérite, y ai droit, etc... et que je suis en train de le créer.
Tenter de se comparer à son bonheur est impossible car il n'a pas la même vie que moi. Je ne voulais pas d'une vie rangée, d'enfants, la maison avec le jardin et la routine quotidienne. Ce n'est pas moi. Nous ne pouvions donc pas être ensemble et je ne regrette rien. Le rencontrer m'a permise de voir que je suis bien à ma place, sur mon chemin de vie.
Et vous, êtes-vous sur votre chemin ou celui de quelqu'un d'autre ?Je vous souhaite de ne jamais quitter le vôtre pour faire plaisir à quelqu'un, malgré les difficultés que cela pourrait vous occasionner.
De tout coeur
Dominique
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