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Les 12 travaux d’Imelda – Adieu au cinéma

Par Julien Leray @Hallu_Cine

Au sortir de la projection des 12 travaux d’Imelda, une fois passée la sidération, une seule question : à quoi bon ? A quoi bon sortir ce genre de production au cinéma ? A quoi bon diffuser ce type de films qui n’en ont que le nom, et qui n’ont justement pour principal argument que la somme de leurs grands noms apposés sur l’affiche ? A quoi bon financer ce type de projet, au détriment de propositions plus audacieuses, plus originales, plus en phase avec leur support d’expression ?

Ceci posé, à quoi bon dès lors tirer sur l’ambulance, et sur un film qui n’a de toute façon pas grand-chose d’intéressant à dire, rien à proposer visuellement, et qui n’a absolument aucune légitimité artistique à trôner fièrement sur grand écran ? Et bien, parce qu’au-delà de l’insignifiance de ce long (très long…)-métrage, qui transpire par tous les pores l’étirement jusqu’à la rupture de scénettes mal filmées et cruellement mal interprétées, le malaise est bien plus large, forcément plus profond. Le débat fait rage en France, et ne manquera pas de gagner également la Belle Province, si les entrées ne regagnent pas le niveau qui était le leur avant la pandémie de Covid-19 : pourquoi les spectateurs se détournent-ils de la salle de cinéma ?

Sans revenir sur l’ensemble des potentiels facteurs, dont chacun a probablement sa part de responsabilité, il en est un, patent, sur lequel les créatifs et les décideurs (producteurs, distributeurs, diffuseurs) voient également leur responsabilité engagée : la valeur ajoutée que représenterait le grand écran dans l’expérience proposée. Et par valeur ajoutée, nous ne parlons pas nécessairement de la 3D ou de la Haute Fréquence, mais plutôt de la qualité de l’expérience visuelle, narrative, sinon thématique. En d’autres termes, avoir quelque chose à proposer et/ou à dire. Et à ce compte-là, Les 12 travaux d’Imelda trahit à lui-seul tous les travers du manque d’exigence, du manque de compréhension de son média, et par voie de conséquence, du manque de considération pour le spectateur dans ce qu’il a à proposer, et in fine, à simplement raconter. Oubliant par le fait même qu’aller au cinéma, c’est aussi payer. Payer pour une expérience. Payer pour s’évader, ou être confronté. Questionné, ou transporté. Ailleurs, ou dans le réel. Un réel onirique, a minima interrogé. Et le plus beau, c’est que le cinéma, fier de son plus d’un siècle d’histoire, possède une grammaire. Le b-a-ba, pourtant enseigné dans tout bon (ou non) cursus en cinéma. Un langage (est-il besoin de le rappeler ?) qui lui est propre, qui le démarque de ses homologues estampillés « arts », pour en faire un objet visuel protéiforme, à même de produire du sens et de l’émotion à la fois par le verbe, mais aussi (et surtout) par l’image, le son, et le rythme. Tout cela, Les 12 travaux d’Imelda n’en a cure. Rien, le néant. Comme si la présence à l’écran de ses seuls personnages, et leurs interminables échanges, suffisaient. Quid dès lors de la narration ? De tous les outils dont dispose le cinéma pour dérouler une histoire ? Rien, le néant également. Ce que Martin Villeneuve nous offre, c’est une version étirée des sketchs diffusés à la télévision. Ni plus, ni moins. Le syndrome Caméra Café, en moins drôle et en plus mal pensé. La même chose qu’à la télé, en pire, car incapable de s’ajuster aux spécificités de son nouveau support.

Les 12 travaux d’Imelda – Adieu au cinéma

Alors bien sûr, on nous rétorquera que toute l’équipe y a mis toute son énergie, tout son amour pour les personnages, pour le projet, avec peu de moyens, et qu’à ce titre, la sincérité a valeur de totem d’immunité dans l’appréhension du produit fini. Pardon, mais non : pas cette fois-ci. Nous avions déjà pesté à l’époque envers la complaisance dont avait bénéficié la série télévisée Écrivain Public II, et sur le fait que le milieu du cinéma québécois méritait tellement mieux que ça. Cinq ans plus tard, le constat reste peu ou prou le même, avec un soupçon supplémentaire de désarroi, tant la question (une énième) se pose de savoir qui a bien pu valider (et cadrer) tout ça. Et pire que tout, de savoir qui n’a pas osé challenger à la fois les choix artistiques et de direction de Martin Villeneuve, qui non seulement ne fait montre à aucun moment d’une quelconque ambition visuelle, mais qui par-dessus le marché parasite l’existence même du personnage d’Imelda (pourtant central, et pour cause), en rendant inaudibles la plupart de ses dialogues à cause d’une diction mal calibrée et régulée, mais surtout plus globalement, en déployant une technique de jeu indigne d’un acteur professionnel.

Face à un tel niveau de faillite, l’heure n’est finalement plus à discuter de qualité d’interprétation, de mise en scène, de direction photo, ou de toute autre composante constitutive de ce que devrait être un long-métrage. Mais elle est en revanche à discuter de la notion de respect. Respect de sa pratique, respect surtout des spectateurs. Qui, une nouvelle fois, vont se déplacer en salles. Vont payer (cher) pour voir ce film. Parce qu’il s’agit d’une production locale. Parce qu’ils voudront – et à raison – défendre leurs artistes et leurs cinéastes. Or nous n’en démordrons pas : respecter son public, c’est avant tout faire preuve, non pas de passion, mais d’exigence. Et la nier, c’est partir du principe que les spectateurs sont incapables de faire la différence, de faire montre du moindre esprit critique. Qu’ils peuvent se contenter de ça. Sauf que non. Eux-aussi (surtout) ont le droit au meilleur. Au même titre que le cinéma québécois.

Les 12 travaux d’Imelda, oui, mais pour tous les amoureux du Cinéma, les dix plaies d’Egypte, et un véritable chemin de croix…

Les 12 travaux d’Imelda – Adieu au cinéma

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