Un Français sur quatre déclare être en «situation précaire».
Il arrive parfois, hélas, dans la vie de nos sociétés, que les informations les plus essentielles passent à peu près inaperçues, comme ensevelies sous le flot ronflant et tragique d’une actualité sens dessus dessous. Alors que nous traversons toutes les crises cumulées (climatiques, énergétiques, alimentaires, guerrières, sociales, politiques, etc.), une étude réalisée par l’institut Ipsos pour le Secours populaire français, révélée en fin de semaine dernière, nous annonce une catastrophe en cours, là, sous nos yeux, et tend sur la France un miroir cruel: un Français sur quatre (27%) déclare être en «situation précaire».
Vous avez bien lu. Dans les tréfonds du pays, comme une traînée de poudre en voie d’explosion sociale à la manière d’un incendie incontrôlable, les fins de mois difficiles deviennent impossibles, ni plus ni moins, et fonctionnent massivement comme autant de laminoirs qui ruinent l’existence des familles et obscurcissent toutes perspectives. Prenons bien la mesure de ce qui se trame au cœur de la sixième puissance mondiale: 75% des parents renoncent aux loisirs, 42% se privent de nourriture pour tenter d’«offrir de bonnes conditions de vie» à leurs enfants quand 33% affirment ne pas être en mesure d’avoir une alimentation variée, tandis que 34% renoncent à se soigner malgré des problèmes de santé. Terrifiants aveux…
En 2022, entre 3,5 et 10 millions de personnes se trouvent dans cette situation. Combien en 2023? Et dans les années futures? Derrière les chiffres, l’insupportable réalité des inégalités stratosphériques. Car, pendant ce temps-là, les faits sont têtus et rien ne se passera sans des taxations d’exception, dans un premier temps, puis une redistribution et une répartition des richesses, à long terme, sans oublier une refonte globale du système fiscal. À l’image du contexte mondial grâce auquel les milliardaires ont pullulé depuis la crise de 2008 et pendant la pandémie de Covid 19, notons que, en France, les 500 plus grandes fortunes sont passées à elles seules entre 2010 et 2021 de 200 milliards à 1 000 milliards, soit de 10 % du PIB national à près de 50 % du PIB, deux fois plus que tout ce que possèdent les 50 % les plus pauvres! La cruauté des statistiques dit souvent l’inhumanité et l’indécence des puissants.
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 7 novembre 2022.]