Magazine Société

Blanc, de Sylvain Tesson

Publié le 08 novembre 2022 par Francisrichard @francisrichard
Blanc, de Sylvain Tesson

Quatre années consécutives, avec Daniel du Lac et Philippe Rémoville, Sylvain Tesson a accompli une traversée des Alpes: en 2018, de Menton jusqu'à Val d'Isère; en 2019, de là jusqu'à l'hospice des chanoines du Simplon; en 2020, de là jusqu'à Sils-Maria; en 2021, de là jusqu'à Trieste.

Le Blanc? C'est celui de la neige, car les trois compères ont fait cette traversée à ski, un bout chaque hiver. Quand ils seront au terme de leur périple, l'auteur pourra dire que le Blanc ne constituait pas un milieu naturel, encore moins un paysage, mais une substance:

Rapportée au monde abstrait, une substance s'appelle l'universel. Sa traversée s'appelle un rêve.


Ses deux compagnons faisaient la trace: Du Lac disait: "Je passe là selon que je le sens." Rémoville: "Moi, parce que je l'ai calculé." Du Lac reniflait, Rémoville raisonnait.

Et lui? Il assurait le commentaire:

2018 ou la liberté:

L'alpiniste est l'homme en fuite. Il brûle pour le sommet. Aussitôt parvenu il se jette dans la descente. En bas, il rêve de remonter. Il veut la neige dure quand la neige est flasque, il appelle le soleil quand la couche est gelée. Il avance, insatisfait, cherchant plus loin ce qu'il n'obtient jamais. (Dix-septième jour)

2019 ou le temps:

Seules les heures viennent à bout de l'espace. La simple acceptation qu'elles filent, la pure indifférence à leur passage, la pleine certitude de leur usage: voilà qui triomphe du relief. (trente-troisième jour)

2020 ou la beauté:

Allions-nous vraiment vers un but? Non, nous allions dans le Blanc. Nous étions passagers de la substance. C'était un narcotique. Il procurait l'oubli, assurait l'hypnose. Et pour la première fois que je courais les routes, je trouvais davantage de grâces dans le cheminement que dans la destination. C'était la leçon du Blanc.(quarante-septième jour)

2021 ou l'oubli:

Au moins le raid à ski poussait-il à la vertu: on se débarrasse de tout. On gardait de quoi se vêtir, s'orienter, chauffer de l'eau, lire, écrire. Un stylo, un couteau, du feu, du papier, une lampe. J'avais une anthologie d'une centaine de poèmes. On les lirait, on les apprendrait, cela suffirait. (cinquante-troisième jour)

Et il suivait le mouvement né des noces de la raison et de l'instinct:

Dans le Blanc, tout s'annulait: les voeux comme les regrets. On se suspendait dans une méditation, scandée par le mouvement. La joie de la contemplation se mêlait à la jouissance de tracer dans l'absolu.

Jusqu'au soir:

Dans le refuge, l'autre hypnose: celle des flammes. Le corps se reconstituait cellule par cellule. Demain on repartirait. On buvait du thé. Après le Blanc, le Chaud.

Francis Richard

Blanc, Sylvain Tesson, 240 pages, Gallimard

Livre précédent avec Thomas Goisque chez Albin Michel:

En avant, calme et fou (2018)

Livres précédents de Sylvain Tesson:

Aux éditions Équateurs:

Une très légère oscillation (2017)

Un été avec Homère (2018)

Notre-Dame de Paris - Ô Reine de douleur (2019)

Un été avec Rimbaud (2021)

Aux éditions Gallimard:

Dans les forêts de Sibérie (2011)

S'abandonner à vivre (2014)

Sur les chemins noirs (2016)

La panthère des neiges (2019)

Aux éditions Guérin:

Berezina (2015)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Francisrichard 12008 partages Voir son profil
Voir son blog

Magazine