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Le krack immobilier vu par challenges

Publié le 14 août 2008 par Graphseo

CONNAISSEZ-VOUS
la rétroaction? C’est un principe inventé par l’économiste Robert Schiller. Robert Schiller est un Américain, aujourd’hui surtout célèbre pour le titre de son l’ouvrage de référence, "Irrational Exuberance", repris par l’ex-président de la Fed, Alan Greenspan, dès 1996, pour mettre en garde contre les effets de la bulle internet. Après avoir étudié le comportements des marchés financiers pendant des années, Robert Schiller avait conclu que les marchés n’étaient pas efficients et qu’ils se laissaient parfois aller à des comportements étranges. Pour lui, plus de la moitié des fluctuations des cours dépendent de l'humeur des investisseurs et de leur perception purement subjective du marché; bref, de phénomènes qui ont plus à voir avec la psychologie de masse qu'avec l'analyse financière fondamentale.
En 1840, un autre économiste, Charles MacKay, avait déjà expliqué que les investisseurs finissaient par oublier les fondamentaux: grâce à la machine à rumeurs, au bouche-à-oreille et à la certitude que ce qui vaut 100 aujourd’hui vaudra 110 demain, ils font grimper les prix, attirant de plus en plus d'investisseurs. Ceux-ci sont alors convaincus d’avoir bien anticipé la tendance et prophétisent alors la poursuite de la hausse. La boucle est bouclée.
Ces travaux mettent évidemment à mal la théorie officielle, celle des "marchés efficients". Soutenue par la plupart des grandes investisseurs et théorisée par l’américain Burton Markiel, elle affirme que toute anomalie des marchés permettant de réaliser des rendements plus élevés que la normale est aussitôt corrigée. Bien sur, ses défenseurs ont connu quelques moments difficiles après la bulle internet, lorsque les investisseurs se sont aperçus qu’ils avaient investi sur du vent.
Mais Robert Schiller ne s’était pas penché que sur les marchés boursiers. Il avait aussi cherché à comprendre la psychologie des marchés immobiliers. Et y avait détecté à peu près les même phénomène.
Or, aujourd’hui, il faut le reconnaître, la rétroaction va permettre d’expliquer ce qui est train de se passer sur le marché du logement. Car nous nageons en pleine "rétroaction" immobilière. Et après la "rétroaction haussière", nous sommes sur le point d'expérimenter la "rétroaction baissière".
Pendant des années, la hausse des prix des biens a nourri la hausse, qu’il a fallu justifier par toutes sortes d’arguments. Quand le prix moyen du logement acheté par les Français est passé de 3,5 années de revenus à 5 années de revenus, qu’a-t-on entendu? C’est normal, nous a-t-on expliqué, la pierre n’est pas chère en France, nous rattrapons simplement nos voisins, comme par exemple les Britanniques. En oubliant de se demander si nos voisins anglais n’était pas tout simplement un peu plus loin dans ce fameux cycle… Quand les taux de crédit ont étranglé les acheteurs, les banquiers nous ont expliqué qu’il suffisait d’allonger la durée du prêt. Les durées se sont donc allongées à 25, puis 30 et maintenant 35 ans. Mais que diront les emprunteurs lorsqu’ils verront qu’ils n’ont toujours pas commencé à rembourser le capital, alors que la valeur de leur bien s’est effondrée?
Ce danger de la rétroaction explique en partie les gesticulations des professionnels. Ils nous expliquent à l’envi que le recul du marché se fait en bon ordre, qu’il n’y a pas de panique, et qu’il faut "raison garder". C’est parce qu’ils connaissent ses effets dévastateurs lorsqu’elle s’enclenche à la baisse…
Aujourd’hui, première étape de ce cycle: l’attente. Les acheteurs n’achètent plus. Les vendeurs, encore obnubilés par les hausses illusoires des dernières années, ne veulent pas baisser leurs prix. Le marché est donc comme le chariot à la fin d’une cote de "montagnes russes", suspendu en l’air, ou plutôt paralysé avant de basculer. Les meilleurs spécialistes le savent. Même s’ils ont pour consigne de ne pas paniquer le marché.
Exemple: les deux dernières études sur le secteur de deux excellents analystes, Mathilde Lemoine, directrice des études économiques de HSBC France, et Olivier Eluère, analyste du Crédit Agricole, sans doute le plus pointu sur le secteur. Et que dit cet analyste, qui travaille pour la banque la plus impliquée dans le secteur de l’immobilier ? "Les prix vont baisser". Selon lui, cette baisse atteindrait dans l’ancien 5% cette année et 5% encore l’an prochain. Mathilde Lemoine, elle, voit une crise plus longue puisque selon elle, la baisse durera jusqu’en… 2012.
Conclusion: pour les acheteurs, rien ne presse, il peuvent attendre le creux (2012) de cette "montagne russe" et acheter lorsque les prix seront au plus bas. Quant aux vendeurs, ils doivent se dépêcher d’ajuster leurs prix, s’il ne veulent pas se retrouver dans quelques mois, contraints d’accorder des rabais carrément abyssaux !
par Eric Tréguier, chef de la rubrique Argent à Challenges, mardi 12 août

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