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Décryptage de la réforme du Code du Travail avec Romain GERARDIN-FRESSE, juriste spécialisé en droit social

Publié le 26 septembre 2017 par Expertjurisdata

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Le 22 Septembre dernier, Emmanuel MACRON signait les cinq ordonnances réformant le Code du travail.

Elle ont été publiées, le samedi 23 Septembre au matin, au Journal officiel pour une entrée en vigueur immédiate.

 Une partie des mesures s'appliquent dès publication, tandis que d'autres nécessiteront des décrets d'application, qui seront publiés d'ici au 31 décembre.

 Une réforme présentée comme majeure par le gouvernement, et concédée comme telle tant par la majorité que par l’opposition, respectivement fervente partisane et détractrice déterminée.

Décrpyptage de ce tournant économique et social avec Romain GERARDIN-FRESSE, juriste spécialiste du droit social.

Cette fin Septembre 2017 restera le marqueur fort de la politique macroniste en matière sociale, avec l’adoption, après la loi d’habilitation, des cinq réformes majeures voulues par le Président de la République, et mesures phares de son quinquénnat.

Tellement emblématique de son programme présidentiel, que le décret d’application a été signé en direct à la Télévision par Emmanuel MACRON et en présence de la Ministre du Travail Murielle PENICAUD et du Secrétaire d'État chargé des Relations avec le Parlement et porte-parole du gouvernement Christophe CASTANER, comme pour impacter durablement les esprits.

« Il s’agit en effet d’un tournant en matière de droit social » indique Romain GERARDIN-FRESSE.

« Le système français est profondément complexe, avec une part de hasard importante qui peut tarauder voir dissuader un chef d’entreprise lors de la prise de décision d’embaucher sur le long terme » poursuit-il.

« Avec le plafonnement des indemnités prud’hommales, par un barème indexé sur l’ancienneté au sein de l’entreprise, cela va dans le sens de la logique et évite une dérégulation du coût du travail en cas de cessassion des relations professionnelles entre l’employeur et le salarié . De surcroît, l’instauration d’un plancher indemnitaire permet d’inscrire des bases définies quant à un éventuel dédommagement dans des cas précis, et instaure de fait une assurance pour le salarié en cas de départ imprévu. »

 

Néanmoins le juriste tempère en ajoutant que « Cela ne règlera pas pour autant l’intégralité des problèmes rencontrés par les employeurs lorsqu’ils sont confrontés au Conseil de Prud’Hommes en cas de licenciement.

Même si les Juges et les conseillers prud’homaux exercent leurs fonctions avec rigueur et probité, ayant une véritable foi en leur rôle, il sont souvent confrontés à des dossiers d’une telle complexité, que de simples barèmes ne pourront pas régler intégralement les problématiques . D’ailleurs, Le plafonnement envisagé ne concerne pas l'ensemble des demandes dont un Conseil de Prud'hommes peut être saisi ; au titre de la réparation du préjudice, les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire, les dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat, les dommages et intérêts pour harcèlement, etc ne sont pas soumis à ce barême.

Ces indemnités de licenciement prud'homales sont actuellement régies par une vieille loi de 1974 qui prévoit une indemnité minimum de 6 mois de salaire pour les salariés injustement licenciés qui justifient de plus de 2 ans d'ancienneté et travaillent dans une entreprise de plus de 10 salariés. Sous cette réserve, le principe est celui de l'octroi d'une indemnité réparant le préjudice prouvé, souverainement appréciée par les Conseils de Prud'hommes sans aucun plafond. »

 

Et contrairement à ce qu’il aurait été permis de croire, les conseils de Prud’Hommes ne sont plus si généreux qu’ils ne le furent.

Aussi, cette solution imposée qu’est le barême inidcatif, serait un principe de concensus universel qui trouverait grâce aux yeux des employeurs comme à ceux des salariés.

« Ce fondement de barême jouera en définitive le rôle d’un forfait indemnitaire, qui apportera de la clareté et de la visibilité, tant pour l’employeur que l’employé.

Il s’agira en réalité d’une clause tacite supplétive inhérente à un contrat de travail à durée indéterminée s’imposant aux deux parties le ratifiant, prévoyant le montant versé en cas de rupture impropre, compte tenu de l’évolution de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. »

Néanmoins, Romain GERARDIN-FRESSE réfute l’argument visant à dire que cette réforme sera un « permis de licencier », comme certaines formations politiques et syndicales l’ont présenté.

« Les modalités de ventilation telles qu’elles existent dans le cadre d’un jugement prud’homal pourront en réalité laisser la possibilité aux juges et conseiller prud’homaux d’allouer la somme qu’ils estimeront juste aux requérants, simplement l’intitulé de l’indemnité changera » expose le juriste.

« En cas de licenciement injustifié,  il suffira au conseil de céans de reporter la somme la plus importante au titre d’une indemnité pour licenciement vexatoire, elle, non plafonnée. »

 

En résumé, il s’agit là d’une mesure qui n’aura pas grand impact sur la gestion des litiges salariaux, mais qui dans la forme rassure le patronat.

 

« Celle qui va réellement intéresser les dirigeant des PME, est la mesure visant à la négociation dans l’entreprise » complète Romain GERARDIN-FRESSE.

 

Si jusque lors, les entreprises devaient passer par un salarié mandaté par une organisation syndicale, le gouvernement ambitionne de simplifier la négociation dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical.

Jusqu'à 20 salariés, elles pourront négocier avec de simples employés non mandatés par un syndicat et, entre 20 et 50 salariés, elles pourront négocier avec un élu du personnel également non mandaté.

Mais pour que cette prérogative puisse entrer en vigueur, il faut encore qu’elle passe la barrière bicamériste, avec une première lecture à l’Assemblée Nationale, puis un avis du Sénat.

Aude COMPAS


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