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Nomadland de Chloé Zhao

Publié le 27 juin 2021 par Leunamme

Fern, une femme d'environ soixante ans, vient de perdre son mari. La ville minière où elle vivait au Nevada s'est vidée de ses habitants à la suite de la fermeture de la mine. Elle décide alors de tout quitter. Elle rassemble les quelques affaires qui comptent pour elle, prend son van et se dirige vers le sud. Elle va désormais rejoindre la communauté "nomade", ces gens qui, la plupart du temps suite à un accident de la vie, ont fait de leur véhicule leur domicile, et circulent à travers les Etats-Unis, vivants des petits boulots qu'ils trouvent ici et là.

Sujet intéressant, film bardé de prix, une des meilleures si ce n'est la meilleure actrice américaine, tout s'annoncait donc pour le mieux. Frances McDormand est, comme toujours, fantastique. Toute en sobriété et retenue, il lui suffit d'un rien pour faire passer une émotion, ce qui colle parfaitement à son personnage. Chloé Zhao a probablement toutes les qualités d'une future grande cinéaste, elle n'a pas besoin d'artifices ou d'effets spéciaux pour magnifier la sensibilité de ses personnages, elle les met magnifiquement en scène et saisit parfaitement la beauté des paysages, tout en sachant les laisser en arrière plan.

Et pourtant, pourtant ce film m'a déçu. Certes, il se passe peu de choses, mais ce n'est pas forcément un problème, le cinéma japonais regorge de chef-d'oeuvres où en apparence il ne se passe rien, sauf que les asiatiques savent faire ressortir la complexité et la diversité. Ce n'est pas le cas ici, parce qu'il manque un élément essentiel : la crédibilité.

Chloé Zhao prend le parti de faire un quasi documentaire : décors naturels, acteurs amateurs qui jouent parfois leur propre rôle et Frances McDormand, vrai personnage de fiction, qui navigue au milieu de tout cela comme pour mieux montrer ce milieu et ces gens pauvres mais si bons. Tout cela est bel et bien, mais c'est justement cette bonté, cette générosité de tous les instants qui pose problème.

Tous les personnages ont vécu des traumatismes profonds dans leurs vies, ce qui les a menés à cette existence nomade, mais tous sont bienveillants, attentifs aux autres. Même les autres personnes, celles qui mènent encore une existence conforme aux standards, sont eux aussi pleins de prévention, comme cette gérante de station-service qui s'enquiert du bien-être de Fern, seule dans le froid pour la nuit. C'est bien de montrer tout ça, mais cela aurait été bien plus crédible de montrer aussi que les plongées vers l'abîme que tous ont vécu sont aussi la résultante de l'absence de mécanismes de solidarité dans la société américaine. Il aurait fallu aussi que l'on voit que cette société est violente et particulièrement envers les plus fragiles et les plus pauvres.

Bref, on peut voir ce film pour Frances McDormand ou pour les paysages, mais si on veut voir un documentaire sur l'Amérique d'aujourd'hui, autant se reporter sur les films du grand Frederick Wiseman.


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