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Joe Biden : futur président d'une Amérique de tous les paradoxes

Publié le 08 novembre 2020 par Leunamme

Voilà ! Ca y est ! Enfin ! Après quatre jours d'un dépouillement interminable et en apparence chaotique, on connaît enfin le nom du futur 46ème président des Etats-Unis. Ce sera Joe Biden !

C'est un soulagement et une grande chose pour les Etats-Unis bien sûr, mais pour le monde entier. C'en est fini de Trump et de la politique de l'affrontement perpétuel, du mensonge systématique, de l'approximation scientifique. C'en est fini des "fake news", de la promotion des idées racistes ou de la surenchère machiste et misogyne. Evidemment, avec l'arrivée de Joe Biden au pouvoir, rien ne sera réglé, les problèmes du monde, les inégalités, les injustices seront toujours là, mais on va enfin pouvoir se reparler calmement, arrêter l'hystérisation systématique du débat.

Certes, je ne suis pas dupe, Joe Biden n'est qu'un pis aller. Il ne faut pas oublier qu'il est en politique depuis 47 ans, et qu'il est donc de facto en partie responsable  de tous les renoncements, de tous les atermoiements de la gauche démocrate qui ont conduit une partie des couches populaires à se jeter dans les bras d'un populiste irresponsable. Il ne faut pas oublier qu'il fut très longtemps élu du Delaware, ce petit état qui n'est rien d'autre qu'un paradis fiscal (Le petit État du Delaware, le paradis fiscal américain qui irrite). Il ne faut donc pas  attendre de lui qu'il s'attaque à la pieuvre capitaliste et à tous les maux qu'elle provoque, mais si au moins il pouvait apaiser les débats, cautériser quelques plaies, ce serait déjà ça.

Joe Biden sera donc le 46ème président des Etats-Unis, mais ce que cette séquence électorale incroyable (impensable même pour un européen) a donné à voir de l'Amérique, c'est un pays profondément divisé, plein de paradoxes.

Contrairement aux apparences, c'est la démocratie qui sort renforcée de cette séquence. Jamais autant d'Américains ne seront déplacés aux urnes, jamais un président élu n'aura recueilli autant de voix. Cependant, ce surcroît démocratique, cette croyance que le vote démocratique peut encore influer sur le cours des choses se fait alors même que les Etats-Unis ont le plus injuste et le plus inéquitable des systèmes électoraux (au passage, c'est le même que nous connaissons en France pour les élections municipales à Paris, Lyon et Marseille). Avec ce suffrage indirect, depuis 1992 (à l'exception de 2004), les Démocrates ont systématiquement remporté le voté populaire, et avec parfois beaucoup d'avance comme en 2016, pourtant deux présidents Républicains ont été élus, de façon minoritaire donc. Avec ce système, un délégué californien représente donc 720 000 électeurs, quand celui du Wyoming n'en représente que 190 000. Prime aux états ruraux et conservateurs donc.

Ce qui ressort de l'examen des cartes électorales, c'est une Amérique profondément divisée, avec dans tous les états, des campagnes qui ont massivement choisi Trump quand les villes se sont sans ambiguïté porté sur Biden. Pourtant, a y regarder de plus prés, cette division est plus complexe qu'il n'y paraît. Jamais le vote des minorités ethniques, Noirs, Latinos, Asiatiques, même s'il reste massivement démocrate, ne s'est autant porté sur un candidat Républicain (C'est le vote majoritaire des hispaniques qui a permis la victoire de Trump en Floride). A l'inverse, il y a beaucoup plus d'américains Blancs de classe moyenne qui ont voté Biden (même si Trump reste majoritaire dans cette partie de la population). C'est donc un pays qui se décloisonne qui apparaît en filigrane, et où la notion de clientèle électorale disparaît. C'est aussi un pays où les tensions racistes sont vives mais qui dans le même temps élit une femme noire à la vice-présidence.

Enfin, ce qui est flagrant après les quatre années que nous venons de vivre, et qui a été transcendé par la campagne électorale, c'est l'importance qu'ont pris les réseaux sociaux, et surtout, par leur entremise, les discours complotistes et les "vérités alternatives". Si Biden pourra se targuer d'avoir réunit plus d'électeurs qu'aucun autre avant lui, il ne peut pas tenir pour argent comptant le fait que presque une moitié de l'électorat a voté en conscience pour un candidat menteur, manipulateur et raciste. Il ne pourra pas laisser de côté le fait que prés de la moitié des Américains ne croit plus en la parole officielle et se laisse bercer par des discours de haine, fantasmatiques et chimériques. La raison l'a finalement emporté, mais la défiance envers la classe politique et les élites, notamment médiatiques, sont encore plus forts qu'avant l'élection de Trump. Rassembler cette Amérique là, ramener 70 millions d’américains à la raison , ce n'est pas le plus petit défi de Biden.

Au final, ce qui ressort de cette élection incroyable, c'est que les Etats-Unis sont plus complexes que jamais, plus effrayants que jamais, mais surtout plus fascinants que jamais. Bon courage Biden !


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