Face à l'inflation, les banques centrales resserrent leur politique monétaire, réduisant certaines des largesses budgétaires dont les Etats profitaient. Avec des taux d'intérêts qui augmentent - bien que toujours relativement bas - c'est la charge de la dette, à savoir le coût des intérêts à payer aux créditeurs, qui pèse un peu plus sur le budget. Si cette situation est visible un peu partout, c'est encore plus vrai en France : l'augmentation du taux moyen payé sur l'encours de la dette publique en 2023 sera supérieure en France à celle de presque tous les autres pays de la zone euro ! Pourquoi cette double peine?
Ce surcoût a une origine technique : l'administration française, plutôt que d'emprunter à taux fixes, a une quantité non négligeable d'obligations à taux variables. En effet, 11% des titres de la dette française ont un taux indexé sur l'inflation.
Pourquoi emprunter à taux variables alors que les taux fixes restent très compétitifs, et alors qu'il y a encore peu on empruntait même à des taux négatifs? Pourquoi emprunter à taux variables en sachant que tout le risque de cette fantaisie est portée par le budget français, puisque l'inflation était historiquement basse et ne pouvait qu'augmenter - c'est ce qu'on appelle en finance le "wrong way risk", c'est à dire une situation où une évolution négative de la situation financière, ici l'augmentation de l'inflation, ne permet pas à l'émetteur de compenser l'effet négatif de la montée des taux mais le contraire? Pourquoi avoir continué d'émettre, et même avoir augmenté le volume des obligations indexées sur l'inflation lorsque celle-ci a commencé à augmenter en 2021 et 2022? "Le coût est de l'ordre de 2 milliards d'euros pour une variation de 1% de l'inflation", indique le directeur de l'Agence France Trésor. Pour le contribuable, le surcoût se chiffre en dizaine de milliards. Une pilule difficile à avaler alors que l'on cherche par ailleurs à faire des économies en repoussant l'âge de départ à la retraite, non pas pour financer ces dites retraites dont le financement est à l'équilibre, mais pour dégager d'autres marges budgétaires?
S'agit-il simplement de maladresse ou de complicité vis-à-vis du marché? A qui profite le crime? S'agit-il d'une subvention déguisée? La dette à taux fixe reste populaire - le besoin pour la dette publique française est mécanique pour les marchés financiers comme démontré dans l'essai " la dette, une solution face à la crise planétaire " - alors pourquoi chercher à renforcer la demande avec un produit très avantageux pour les investisseurs? Alors que les débats budgétaires à l'Assemblée Nationale sont réguliers, peut-être y a-t-il ici un sujet à creuser pour nos parlementaires...