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Complexe Sportif d’Olembé : Les sous-traitantes de Piccini déposent le bilan

Publié le 18 janvier 2023 par Tonton @supprimez

Surendettées, la quarantaine de Pme camerounaises ayant exécuté les travaux de cette infrastructure de la CAN TotalEnergies Cameroon 2021, en partenariat avec le donneur d’ordre italien Gruppo Piccini, sont toujours en attente de paiement de leurs créances évaluées à des centaines de millions de F CFA. Quatre ans après la résiliation du contrat de la firme.

Ce vendredi 13 janvier 2023 est un jour ouvrable. Il est à peine 3 h de l’après-midi. Pourtant, moins de cinq personnes sont à leur poste de travail à la société Groupe d’échafaudeurs et chaudronniers camerounais (G.E.C.C.), sise au quartier Pk 10, à quelques encablures du génie militaire à Douala. Avant la résiliation par l’Etat camerounais du contrat de Gruppo Piccini, G.E.C.C., une petite et moyenne entreprise (Pme) du terroir, employait 150 personnes. Plus des trois quarts de ce personnel ont quitté l’entreprise aujourd’hui confrontée aux problèmes financiers. Surendettée auprès de ses partenaires bancaires, à l’instar de nombre d’autres entreprises sous-traitantes de Piccini, G.E.C.C. n’était plus en mesure d’honorer régulièrement le paiement des salaires de ses employés, vu qu’elle même continue de réclamer à Gruppo Piccini des créances impayées jusqu’à ce jour.

Dans la cour intérieure, un ouvrier s’emploie à la maintenance du matériel. Un autre employé est occupé dans l’un des bureaux alignés le long du couloir menant à la direction générale, à l’étage supérieur. Les employés présents constituent le dernier carré des fidèles du directeur général et fondateur de la société G.E.C.C., qui a gagné des marchés de sous-traitance auprès de Gruppo Piccini, dans le cadre de la réalisation des infrastructures de la CAN TotalEnergies Cameroon 2021. On passe par le secrétariat pour accéder au bureau du dg, que décorent le portrait officiel du chef de l’Etat ainsi qu’une photo de la première dame Chantal Biya. Un ventilateur adoucit la température caniculaire par cet après-midi, en lieu et place du climatiseur à l’arrêt, sans doute pour économiser l’énergie et les charges mensuelles. La secrétaire ne cache pas son agacement. « On est dans la galère », souffle-t-elle au reporter du Jour. La société est spécialisée dans la fourniture des matériels d’échafaudage et de chaudronnerie, et a effectué des prestations y afférentes à Olembé.

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Plus de 40 sous-traitants

La situation critique de G.E.C.C. est celle de la quarantaine d’autres Pme et Pmi (petites et moyennes industries) retenues pour réaliser les travaux de la construction des infrastructures de la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), notamment le Complexe sportif d’Olembé (COSO). Ce projet avait initialement été adjugé à la firme italienne Gruppo Piccini au terme d’une procédure d’appel d’offres obéissant au Code des marchés publics promulgué par le décret présidentiel du 20 juin 2018. Sauf qu’en 2015, lorsque le donneur d’ordre italien signe son contrat avec l’Etat du Cameroun, représenté par le ministère des Sports et de l’Education physique (Minsep), maître d’ouvrage, le caractère urgent du projet n’est pas signalé. Le fait que le projet accuse un retard de plus d’un an avant son démarrage va imposer une situation d’urgence.

Conséquence, au moment où le Cameroun doit accueillir la CAN d’après le calendrier initial de la Confédération africaine de football (CAF), le pays n’est pas prêt. Dans l’urgence, Gruppo Piccini est obligée d’embarquer dans des navires des préfabriqués depuis l’Italie où elle est basée, le Cameroun ne disposant pas d’équipements pour accélérer le séchage du béton, à en croire nos sources. L’avenant ainsi constaté est évalué et facturé à l’Etat du Cameroun à hauteur de 28 milliards de F. CFA. Le Cameroun a déjà versé à la firme italienne 110 milliards sur les 163 milliards représentant la valeur initiale du marché. Le gouvernement camerounais rechigne à mettre à la disposition de Piccini les 28 milliards exigés comme avenant.

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Il préfère emprunter auprès d’une banque locale 55 milliards de F. CFA devant permettre la finition de la première phase et le démarrage de la seconde phase – celle-ci prévoit, entre autres, la construction d’un hôtel de 70 chambres, dont un haut cadre du Minsep, Cyrille Ntolo, a récemment annoncé qu’il a été construit sous les gradins du stade principal opérationnel depuis la CAN d’il y a un an. Aucun esprit avisé ne s’explique la célérité avec laquelle la Task-Force domiciliée à la présidence de la République s’est empressée de verser à Magil, le nouveau maître d’œuvre, 21 milliards F. CFA, selon Magil (et non 42 milliards comme le soutient le Minsep), sans même vérifier la reprise effective des travaux par l’entité canadienne recrutée de gré à gré, en procédure d’urgence. Les matériels mobilisés dans l’arène par la société Piccini et par la quarantaine de ses sous-traitants sont réquisitionnés par le ministère des Sports, apprend-on de source crédible.

Une grossesse perdue

Dans une correspondance adressée au ministre des Sports, le 22 avril 2020, le Dg d’Expresinde Cameroun, basée à Douala, sollicite « ​ une autorisation aux fins de récupérer notre matériel d’échafaudage bloqué et en souffrance au stade Olembé​ ». Les matériels séquestrés sont énumérés comme suit​ : 70 plateaux en alu de 3 mètres​ ; 120 tubes de 4 m ; 300 tubes de 1,50 mètre​ ; 450 tubes de 1 m​ ; 150 tubes de 3 m​ ; et 56 tubes de 6 m. Pour une valeur totale estimée à 20 millions F.CFA, à en croire le prestataire. Selon François Ndongue Njoh, sa requête est restée lettre morte. Ces matériels n’ont jamais été restitués à qui de droit. Quel sort leur a été réservé ? Difficile d’y répondre. Une manifestation organisée devant les locaux de Piccini, à Yaoundé, au quartier Bastos, a viré à une violente répression. Au cours de celle-ci, dame Marie Paule Biya a perdu sa grossesse.

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Suite aux nombreuses sommations, Piccini a écrit aux sous-traitants, le 06 juin 2019, pour leur demander de « bien vouloir accepter ses plus sincères excuses relativement à ce retard de paiement dû aux difficultés financières extra budget du projet et dont les solutions sont en cours être trouvées avec l’Etat du Cameroun ». « Nous avons pu obtenir de l’Etat du Cameroun le déblocage de fonds aux fins de s’acquitter des factures d’un certain nombre de créanciers, dont G.E.C.C. », écrivait Piccini. En janvier 2020, la firme italienne promettait le « paiement sous huitaine ». Puis rien depuis lors. Selon les sous-traitants, l’actuel ministre des Sports, quant à lui, les avait éconduits, alors qu’ils lui soumettaient leurs doléances. Motif évoqué à l’époque : ces compatriotes avaient contracté avec Piccini et non avec l’Etat camerounais. Une attitude qui laisse planer des soupçons sur la volonté réelle du gouvernement de promouvoir les Pme et des champions nationaux, voire des capitaines d’industrie.

Théodore Tchopa / 237online.com

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