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Aryna Sabalenka, l'éloge de la patience

Publié le 30 janvier 2023 par Francky
Aryna Sabalenka, l'éloge de la patience
Aussi loin que mes souvenirs remontent, c'est en 2018, me semble-t-il, que j'ai vraiment découvert Aryna Sabalenka au tournoi d'Eastbourne. Elle était alors quarante-cinquième mondiale, sortait d'une saison sur terre battue catastrophique (défaite au premier tour à Istanbul, à Madrid, à Rome et à Roland Garros, précédé d'une éclaircie avec une finale à Lugano perdue contre la belge Elise Mertens). Avant cela, elle avait donné du fil à retordre à Ashleigh Barty en lui prenant un set au premier tour de l'Open d'Australie dans lequel elle avait débarqué au rang de soixante-sixième mondiale. Est-ce l'air de la mer qui lui redonnait des couleurs ou les propriétés verdissantes du gazon britannique, quoi qu'il en soit, après avoir pris sa revanche sur Mertens, puis écarté Karolina Pliskova en quarts de finales et Agnieszka Radwanska en demi-finales, elle se retrouva le 30 juin de cette année 2018 en finale à Eastbourne contre la danoise Caroline Wozniacki qui parvint tant bien que mal à maîtriser la biélorusse, alors âgée de vingt ans, en deux manches serrées. J'avais gardé en mémoire une joueuse à la forte stature, les épaules carrées, les jambes musclées, vêtue d'un ensemble vert, avec un bandeau de la même couleur dans les cheveux. Déjà, l'impression de puissance qu'elle dégageait m'impressionnait. Déjà aussi, je voyais dans sa gestuelle et ses expressions du visage son impatience et sa frustration. Certes, elle avait face à elle ce jour-là la numéro deux mondiale de l'époque et lauréate de l'Open d'Australie mais, je ne pouvais m'empêcher de penser que si elle avait été plus patiente et plus constante dans l'échange, le match aurait pu tourner en sa faveur. 
Bien qu'elle fut ensuite rapidement éliminée à Wimbledon, deux jours seulement après cette épopée dans le sud de l'Angleterre, Aryna Sabalenka allait faire parler d'elle en touchant le sol américain. Son parcours au tournoi de Cincinnati, où elle atteignit les demi-finales après des succès sur Karolina Pliskova, Caroline Garcia (alors cinquième joueuse mondiale) et Madison Keys, et surtout sa victoire au tournoi de New Haven, lui permirent d'accéder au vingtième rang mondial. Elle allait ensuite finir l'été de la plus belle des façons en gagnant à Wuhan le premier tournoi WTA 1000 de sa jeune carrière (elle y composa un chef-d'œuvre en finale contre l'estonienne Anett Kontaveit qu'elle écrasa 6/3 6/3). Il est important, je crois, d'évoquer cette date charnière de septembre 2018 car, croyez-le ou non, à partir de ce moment-là, elle n'est plus sortie du top 20. Pourtant, tout ne fut pas si simple dans les mois et les années qui suivirent. Victorieuse une nouvelle fois du tournoi de Wuhan en 2019, elle allait connaitre de bons moments en gagnant l'année suivante à Doha, Ostrava et Linz. 2021 débutait même en trombe avec un succès au tournoi d'Abu Dhabi. Malgré ces excellents résultats, il manquait le chaînon qui pouvait permettre à la native de Minsk de viser l'excellence, à savoir une victoire en Grand Chelem. Hélas, ses sorties n'étaient pas concluantes. Sa victoire à Madrid en mai de la même année présageait d'un Roland Garros prometteur. Raté ! Elle n'y passa que deux tours avant de s'incliner contre la future finaliste, Anastasia Pavlyuchenkova. Puis, elle toucha le rêve du doigt deux fois, à Wimbledon d'abord, battue de peu en demi-finales par Karolina Pliskova, à l'US Open ensuite, surprise dans le dernier carré par la fougueuse canadienne Leylah Fernandez. L'année suivante, c'est de nouveau en demi-finales qu'elle se brisa à l'US Open, non sans être parvenue à prendre un set à la numéro une mondiale Iga Swiatek. 
Pourquoi ces échecs répétés sur l'avant-dernière marche ? Était-elle victime d'une malédiction ? Était-ce la peur de gagner qui la paralysait ? Y-avait-il un blocage mental ? Un peu de tout cela à la fois, sans doute, bien que l'explication résidait dans ce que j'évoquais déjà plus haut, c'est-à-dire son impatience, ses difficultés à canaliser la puissance formidable qu'elle possède. Encore aujourd'hui, peu de joueuses sur le circuit peuvent se vanter d'avoir la force physique d'Aryna Sabalenka, pure attaquante de fond de court capable de désarçonner n'importe qui d'un coup droit ravageur accompagné d'un cri qu'on entendrait à l'autre bout du monde. Là où le problème persistait pour la biélorusse, c'était dans sa capacité à contrôler cette force, à la passer au tamis pour en faire une arme parfaite en toute circonstance. Encore fallait-il à celle qui est aujourd'hui la nouvelle dauphine de Swiatek une qualité supplémentaire : être consciencieuse.
Cette qualité, c'est d'abord au tournoi d'Adélaïde, au début du mois, qu'elle l'a trouvée. Parfois brouillonne, paraissant tâtonner comme quelqu'un perdu dans le noir, elle a pu à chaque fois trouver des solutions, prendre plus de temps pour elle dans les situations épineuses. L'on vit alors quelque chose qu'on n'avait encore jamais vu chez la biélorusse : la patience. Cette patience qu'elle semblait fuir depuis des années comme si elle était son ennemie. Cette nouvelle approche, accompagnée d'une extrême rigueur au service, lui a permis de gagner à Melbourne son premier tournoi du Grand Chelem. À chaque fois qu'elle fut bousculée, poussée à la faute, que ce soit dans le premier set de son huitième de finales contre Belinda Bencic, ou face à l'étonnante Magda Linette en demi-finales, elle a pu retourner les choses en sa faveur en étant plus patiente et plus constante dans l'échange, tout en gardant cette ligne agressive qui caractérise son style de jeu. La perte du premier set en finale (alors qu'elle n'en avait pas perdu un depuis le début de la saison) contre une Elena Rybakina entreprenante mais, rattrapée par le stress, aurait pu lui faire lâcher prise mais, au lieu de cela, elle a réussi à inverser le cours des événements afin de mettre toutes les chances de son côté, en construisant chaque point, avec rigueur, sans se laisser emporter par ses émotions. On comprend alors mieux, au terme de cette finale prenante, pourquoi son corps s'est mis à trembler quand elle s'est allongée sur le court en voyant la balle de Rybakina échouer dans le filet. Il reste à voir maintenant si la nouvelle stratégie mise en place par Sabalenka sera payante pour la suite car, il ne fait aucun doute que la numéro deux mondiale, qui n'a que vingt-quatre ans, ne va pas vouloir s'arrêter en si bon chemin.

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