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L’intelligence émotionnelle en ligne

Publié le 31 janvier 2023 par Raymondviger
Le Centre pour l'intelligence émotionnelle en ligne (CIEL) est une fondation créée il y a deux ans. C'est l'humoriste et photographe Alexandre Champagne ainsi qu'Emmanuelle Parent, doctorante en communication, qui sont à la base du projet. La mission de la fondation est d'intégrer tous les principes de l'intelligence émotionnelle dans le monde numérique et dans l'utilisation que nous en faisons au quotidien.

" L'intelligence émotionnelle, c'est une habileté à identifier, exprimer, comprendre, maîtriser et utiliser les émotions. En d'autres mots, comment utiliser ses émotions de façon intelligente ", peut-on lire sur le site web du CIEL. La fondation déplore que plusieurs plateformes numériques " exploitent nos failles psychologiques pour des gains économiques " et c'est ce qui rend l'intelligence émotionnelle en ligne aussi importante.


Emmanuelle Parent explique qu'en général, le modèle d'affaires de ces plateformes est basé sur le temps qu'on y passe et l'attention qu'on accorde aux différentes publications.

" Psychologiquement, on a tendance à accorder plus d'importance aux contenus qui sont négatifs et anxiogènes. Donc, pour les plateformes, ce n'est pas naturel de mettre en place des mesures qui essaient de réduire la haine, puisque ça diminuerait leurs profits. "


Les origines
Deux histoires parallèles sont à l'origine de la création de la fondation. Alexandre Champagne était photographe et ses clients lui demandaient souvent comment avoir plus de mentions " j'aime " sur les photos. Il a réalisé que c'était une nouvelle problématique avec laquelle les gens, surtout les jeunes, devaient composer.


En même temps, Emmanuelle Parent réalisait un doctorat sur l'utilisation des réseaux sociaux chez les adolescents. Elle faisait également partie de l'organisme d'engagement étudiant Bien-être numérique. Celui-ci avait, entre autres, développé un atelier d'autodéfense numérique dans les écoles secondaires.


Après qu'Alexandre Champagne ait publié une vidéo pour parler aux jeunes du numérique et des réseaux sociaux, Mme Parent et lui se sont rencontrés et ont décidé d'unir leurs forces en créant le CIEL. Pour ce qui est de l'organisme Bien-être numérique, c'est maintenant un comité créatif au sein du CIEL.


Par et pour les jeunes
Bien que le CIEL agisse aussi avec des organismes communautaires de toutes sortes, leur action est principalement axée sur les jeunes du secondaire. " Le centre de nos activités, c'est l'atelier d'autodéfense numérique pour les jeunes entre la 3e et la 5e année du secondaire. C'est un atelier qui a été développé par des jeunes, en consultation avec des jeunes et qui a été approuvé par des instances de santé publique ", précise Mme Parent. En date du 2 décembre 2021, c'est plus de 7000 jeunes qui avaient participé à cet atelier.


Son objectif principal est " d'éveiller l'esprit critique chez les jeunes par rapport à leur environnement numérique ", explique Mme Parent. Et l'une des façons d'atteindre ce but est d'abord de donner la parole aux jeunes pour, entre autres, savoir ce qu'ils pensent des problématiques liées au numérique. " Il y a une dynamique qui s'installe dans chaque classe. Dès que quelqu'un apporte un point positif, quelqu'un d'autre va amener un contrepoids négatif, puis un autre va ramener un point positif ", ajoute la doctorante.


Elle précise que malgré l'image souvent négative que transmettent les médias de l'impact des plateformes numériques sur les jeunes, ce n'est pas tout à fait la réalité. Même si les jeunes concèdent volontiers que beaucoup de contenu sur les réseaux sociaux et en particulier sur Instagram soit " fake ", ce qu'ils publient eux-mêmes ne l'est pas forcément.


" Quand ils parlent de leur utilisation personnelle, ils disent : moi, c'est vrai. J'ai publié une photo de mon équipe de soccer, c'est nous pour vrai et on a vraiment joué une partie. Ils documentent la réalité de leur vie et ça leur permet de s'affirmer dans leurs intérêts ", nuance Mme Parent.


Pour ce qui est de l'estime de soi, la doctorante confirme que les réseaux sociaux peuvent avoir un impact négatif, mais qu'il est possible de le contrebalancer. " Les jeunes filles sont exposées à des corps qui sont conformes à des normes de beauté auxquelles elles ne correspondent pas nécessairement. C'est sûr qu'il faut entamer une réflexion là-dessus " Certaines jeunes filles racontent notamment s'être désabonnées d'influenceuses qui ne les faisaient pas se sentir bien et d'autres se sont abonnées à des comptes féministes.


Bonnes pratiques
Même si des constatations peuvent être effectuées sur les réseaux sociaux et sur les façons de les consommer plus intelligemment, il reste que chacun peut faire en sorte de rendre son utilisation plus saine. " Deux personnes qui suivent la même influenceuse vont avoir des réactions différentes. L'une peut se comparer à elle et se sentir mal dans sa peau, et l'autre va plutôt la trouver intéressante parce qu'elle parle de sujets qui lui tiennent à cœur. Alors, on ne peut pas dire : voici la bonne utilisation, voici les bonnes pratiques qui fonctionnent pour tous les jeunes. Ça dépend vraiment des vulnérabilités de chacun ", explique Mme Parent.


Elle indique aussi qu'une utilisation qu'on a jugée positive par le passé peut devenir négative avec le temps. Elle prend l'exemple d'une femme qui voit des photos des bébés de ses amies et qui peut trouver ça réjouissant jusqu'à ce qu'elle essaie elle-même de tomber enceinte, sans succès. Dès lors, ces photos vont peut-être créer chez elle des sentiments négatifs qu'elle n'éprouvait pas avant.


Étant donné ce côté très personnel de l'utilisation du numérique, Emmanuelle Parent explique que l'esprit critique est au centre des ateliers qu'offre le CIEL. " C'est être capable de faire de l'introspection et de s'évaluer soi-même. Souvent, c'est nous qui sommes les meilleurs juges de quelle utilisation a le meilleur impact sur nous. "


Améliorer le numérique
Malgré les conseils qu'apporte le CIEL dans ses ateliers, certaines améliorations sont et peuvent être ajoutées par les plateformes elles-mêmes. Par exemple, la plupart des réseaux ont instauré des âges minimums à partir desquels on peut s'inscrire. Le réseau Tiktok a, quant à lui, mis en place un mécanisme qui fait en sorte que les seules personnes qui peuvent commenter les publications des utilisateurs mineurs doivent être suivies par l'utilisateur en question. Ça réduit ainsi fortement le nombre de personnes pouvant commenter les publications des mineurs et ça contribue à la réduction de la cyberintimidation.


Mme Parent souhaite qu'un jour, les données qu'on génère en étant sur les réseaux sociaux, qui sont privées, soient disponibles pour la recherche. " Les jeunes passent en moyenne deux heures par jour sur les réseaux sociaux. Imaginez si, à l'échelle du Québec, on avait toutes les données sur ce que font les adolescents sur ces plateformes. Si on y avait accès, ça pourrait aider la recherche et aider à améliorer la santé mentale des jeunes. "


Elle conclut en ajoutant que l'un des meilleurs moyens d'enrichir la relation entre les jeunes et les réseaux sociaux, c'est d'abord d'en discuter avec eux. " On est tous capables d'aller parler avec un jeune, de lui parler de ce qui se passe sur les réseaux sociaux, de lui demander ce qu'il en pense. C'est la chose la plus simple et la moins coûteuse à faire. "


Cet appel au dialogue est d'autant plus important maintenant que l'on sait que la santé mentale des jeunes s'est détériorée durant la pandémie, comme le démontre une nouvelle enquête de l'Université de Sherbrooke et du CIUSSS de l'Estrie - CHUS. On y apprend entre autres qu'au moins 50 % des jeunes âgés de plus de 16 ans présentent des " symptômes d'anxiété ou de dépression modérés à sévères ".


Pour en savoir plus sur les ateliers donnés par le CIEL : leciel.ca


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