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L’islam est-il un bon méchant pour Hollywood?

Publié le 08 août 2008 par Frednetick

Dans un post un peu provocateur, Lomig nous fait par d’une conclusion un peu étrange, l’Islam serait le mal et le libéralisme le bien. Remettons les choses dans leur contexte, il s’agissait de rapprocher deux termes marquants d’un nuage de Tags. Pourquoi pas.

Ce qui est aussi intéressant, ce sont les nombreux commentaires, ayant besoin de place, je vais les commenter ici.

L’islam serait donc le mal et le libéralisme le bien, le satan à barbe et le bon dieu en costume, pour faire court.

Le postulat de départ est le suivant, l’islam actuel est traversé par des bouffées de chaleur terroristes, les musulmans modérés n’ouvrent pas la bouche et tout ça parce que le Coran est un texte guerrier. L’islam serait donc une “la pire des idéologies, et conduit à des sociétés violentes, totalitaires, et foulant au pied les droits de l’homme chaque jour“.

Le raccourci est si abrupt qu’il mérite de s’y attacher quelques secondes. La révolution communiste a tué de par le monde près de 100 millions de personnes, elle n’est nullement basée sur l’islam, et pourtant chacun s’entend, surtout les libéraux, pour en faire la pire connerie de l’histoire des conneries, la Connerie avec un grand C, l’ultime sacrilège à la liberté humaine. Comme il ne peut exister deux pires idéologies, il nous faut faire un choix. Disons donc qu’il fût une période dorée durant laquelle le Rouge donna toute la mesure de son idéologie communautaire et qu’il remporta alors le prix envié de boucher de l’Humanité.

Imaginons ensuite que l’on tourne un regard historique vers notre passé pas si lointain. 24 Août 1572, nuit chaude et tranquille de l’été parisien, la brise venant rafraichir la moiteur estivale. Dans les rues de notre bonne vieille capitale civilisée, des catholiques jouent avec leurs potes protestants. Oui mais voilà le protestant est pas bien gentil, parce que s’il ont le même dieu, le protestant trouve la catho trop bling-bling (en résumé). Une baffe, un coup de poing, un coup de machette et sans s’en apercevoir c’est 2.000 personnes qui perdent bêtement la vie.

L’inquisition? Du folklore.

Mais continuons notre tour d’horizon, marchons sur les traces encore fraiches de l’Allemagne nazie. pas musulman pour un sou, plutôt catholique même, 5 millions de morts, pacotille.

On pourrait arguer du fait qu’il s’agit là tant de pratiques déviantes sociales que religieuses, et l’on aurait certainement pas tort. Car l’Islam comme les autres religions avant elles a une vocation universaliste.

Si Hassan Al Banna, fondateur des frères musulmans, peut déclarer que l’islam est un système global, c’est qu’il suit les préceptes de Sayyed Qubt, théologiste du 12ème siècle, qui trouvait déjà que l’Islam était trop dévoyé.

L’islam est un ordre intégré complet, un axe fixe autour duquel tourne la vie dans un ordre précis. » Et partant, tous les aspects de notre vie, aussi bien privés que publiques, individuels que collectifs, doivent être commandés par l’autorité divine

Le Coran serait donc la base de cette conception. Soit. Un oubli cependant, comme le rappelle un commentateur, la rédaction du Coran est historiquement contrainte. En 622 après avoir quitté la Mecque, Mahomet va devenir un chef de guerre, et nombre de sourates du Coran vont être fortement imprégnées de cette relation violente à ses voisins.

Néanmoins comme le précise Lomig, de nombreuses interprétations sont venues compléter un texte plus poétique que littéraire, abscons parfois. Et ces interprétations sont le fait du prophète lui même mais aussi des premières générations de fidèles. La sclérose vient de là, les fondamentalistes lisent et pratiquent un islam historiquement daté.

Mais tout comme les catholiques estiment que la “tradition” est aussi un élément de la foi, tout comme le Talmud est un élément central de la foi hébraique, l’interprétation est un élément central de la religion musulmane. Si cela n’était pas le cas, les universités de Quom et d’Al-Asar ne seraient pas les points cardinaux de l’islamisme fondamentaliste.

Facteur déterminant de la réflexion, le développement économique, social et culturel est oublié par notre confrère Lomig. Je le renvoie donc vers l’excellent ouvrage de Youssef Courbage et Emmanuel Todd, le rendez vous des civilisations. L’islam connait actuellement un poussée fondamentaliste qui illustre paradoxalement un épuisement de la foi, ou plutôt un recentrage personnel. Ce recentrage qu’illustre parfaitement des articles comme ceux de N.De Lavergne, l’islam moteur de la citoyenneté, ou des livres comme L’islam de marché de Patrick Haenni.

La progression de l’alphabétisation, l’affaiblissement de la fécondité sont autant de facteurs qui limitent dorénavant le fondamentalisme, lequel se rétracte et devient plus violent. Rien de très nouveau puisque selon E.Todd, le monde occidental a vécu la même chose.

Dernier apport de ce livre, le rappel de l’importance sociologique du terreau d’implantation de l’islam. Le coeur de l’Islam est en terre arabe, et les tribus qui préexistaient à l’apparition de cette religion fonctionnaient sur des modes sociaux qui sont devenus “par décalcomanie” ceux de l’Islam. Lors de sa propagation, ils sont donc devenus des attributs “naturels” de l’Islam, sans en être en fait des composants religieux.

La place de la femme, cité en exemple, est marquante. Si elle est traditionnellement réduite au coeur de l’Islam, elle est prépondérante au coeur de l’Indonésie, de la Malaisie ou même du Sri-Lanka, rien moins que le gros tiers de la population musulmane mondiale.

Il n’existe pas des musulmans modérés et un islam qui ne le serait pas. Il n’existe que ce que les gens font de l’Islam. Une religion n’est rien d’autre qu’une vision personnelle du monde. Si certains, fussent-ils compagnons Médinois de la première heure, ont jugé bon de faire de l’Islam des premiers jours un islam guerrier, les réformateurs de la Nahda, ceux qui durant les années 70 ont souhaité promouvoir un vrai retour au texte et non comme les salafistes un retour aux premières interprétations, ont une tout autre vision. Les 900 millions de musulmans construisent chaque jour leur Islam intérieur, en dépit des fatwas, en dépit des imprécations de télé-évangélistes mégalos.

Les articles de Oumma.com se font chaque jour les transcripteurs de cette évolution. Quant à Zyed Krichen, il lutte depuis longtemps et avec ferveur pour que sa paix intérieure en soit jamais dévoyée par des fanatiques.

Dire que l’Islam c’est le mal, c’est ne pas comprendre que la plus grande valeur de cet Islam intérieur, c’est la liberté.


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